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Projects Ryan & Joy : — Ryan-Joy —
- ► 1984
1984(Edit)
l'ultime(Edit)
(david ryan - jérôme joy)(Edit)
musique instrumentale enregistrée pour synthétiseurs. collaboration w/ david ryan. | English title : The Ultimate Moment — recorded instrumental music with synthesizers. collaboration w/ david ryan. | Dur: 11mn |
7:2, 7 songs in 2 days en collaboration avec david ryan. | seven songs : synthesizers, electric guitar, rhythmnbox, voice, percussions. collaboration w/ david ryan. | Dur: variable |
réalisations / performances
• L'Ultime, action/exposition d'un soir, Commande du capcMusée d'Art Contemporain, Bordeaux, 31 janvier 1984
projet(Edit)
Après notre première œuvre commune « Rien n'est jamais tout à fait achevé » que nous avions réalisé à Bordeaux en janvier 1983 en tant que « contre-performance » de celle de Salomé-Castelli-Fetting au Capc, Jean-Louis Froment nous a proposé quelques mois plus tard de faire une exposition de trois mois dans la grande nef des Entrepôts Laîné. Celle-ci était prévue et envisagée pour être réalisée à la fin 1983 / début 1984 avant l'ouverture du Capc Musée d'Art Contemporain. Notre réponse, cohérente avec ce que nous appelions à l'époque la Recherche à Trois Inconnus qui nous permettait de construire des comportements critiques au sein de notre fonctionnement collectif (Ryan, Joy & Ferri), a été en quelque sorte d'inverser la proposition en annonçant que nous voulions bénéficier de trois mois d'atelier et de prise en charge de la production pour une réalisation qui ne durerait qu'une soirée : "L'Ultime", une action/exposition d'un soir. Jean-Louis Froment a accepté notre « contre-proposition » et nous avons pu ainsi travailler sur le projet de "L'Ultime" de novembre 1983 à janvier 1984 dans un vaste entrepôt situé Cours du Médoc et utilisé pour le stockage de la collection du Capc. Prévue à trois comme les réalisations précédentes mais réalisée à deux, l'entreprise a été très intense tout au long de ces mois de production et de conception, d'autant plus que notre décision était, au final, d'occuper l'ensemble de la grande nef. Le projet s'est construit sur cette base de mise en forme dans l'espace et sur la conception d'un événement comportant deux moments distincts lors de la soirée : l'action et l'exposition. Ces deux « moments » ont permis de concevoir l'organisation spatiale et temporelle, à la fois, de nos réalisations et de la place du public. Ainsi nous avions lancé la réalisation d'une vingtaine de peintures à la dimension des arches périphériques de la nef tout en laissant quelques-unes de celles-ci libres et ouvertes, barrées par un cordon, derrière lequel le public, ou plus précisément les grappes de public, auraient des points de vue, à la fois solidaires et désolidarisés, sur l'espace central. Ce travail a été un travail de composition et d'organisation, quasi scénographique voire cinématographique, des espaces et des temps de "L'Ultime" liés à des points de vue et à des récits. Nous avions élaboré le projet de "L'Ultime" à partir d'un travail en cours concernant la série des peintures communes Les Répétitions et qui était l'objectif d'un avant-projet intitulé La Promenade que nous prévoyions en 1983 pour la DRAC des Pays de la Loire à Nantes — La Promenade. L'ensemble de "L'Ultime" a été divisé en plusieurs « moments » qui ont débuté à 20h30 le soir du 26 janvier : — une première partie entre 20h30 et 21h avec l'arrivée du public et l'exposition placée dans la pénombre sans possibilité d'y avoir accès, les arches non obstruées par les peintures et les panneaux noirs étant fermées par des cordons ; — la partie action, d'une durée de 38mn et subdivisée elle-même en plusieurs sous-parties (9mn + 19mn + 10mn) : le noir et la première chanson, la performance en duo avec l'accompagnement musical (la bande-son en quelque sorte), le noir et la deuxième chanson ; — la partie exposition qui, après le retour à un éclairage général, permettait au public d'investir l'espace central de la nef et de « se promener » à son tour au milieu des peintures (jusqu'à 23h30) ; "L'Ultime", dans son ensemble, durant trois heures. | After realizing our first performance in collaboration on January 1983, "Rien n'est jamais tout à fait achevé" (Nothing is ever quite accomplished - Incompletion), as a "counter-performance" of that of Salomé-Castelli-Fetting at CAPC, Jean-Louis Froment, head-director, proposed to us some months later to have a 3-month show into the huge nave of the Entrepôts Laîné (the CAPC place). This show was planned on Fall 1983 / Winter 1984 just before the opening of the CAPC Bordeaux Museum of Contemporary Art. Our answer was quite simple and consistent with our project "Recherche à Trois Inconnus" (Research in Three Unknowns : Ryan, Joy, Ferri). This research permitted to develop critical decisions and behaviours within our art collective. This answer was we could invert the initial proposition : to benefit of a 3-month residency and studio with a production budget in order to realize a one-day show : "L'Ultime" (The Ultimate Moment), an one-evening action/exhibition. Jean-Louis Froment accepted our "counter-proposition" and thus we had the opportunity to work on this project from November 1983 to January 1984 at a warehouse (located Cours du Médoc) where the Art Centre stored its artworks collection. Planned to be developed by both three like former realizations, but realized by only two of us, the adventure were very intense along these working months especially since we had decided to use the whole space of the CAPC's nave. We conceived the project on this basis of development in space and of a two-times evening show : a performance and an exhibition. These two "moments" combined time and space organisation concerning our realizations (performances, music, paintings) and the "positions" of the audience (or precisely of groups of audience distributed in space). We produced twenty paintings corresponding to the dimensions of the peripheral arches of the nave while leaving some of them free and open, only barred by a line behind which the audience (groups of audience) could have different points of view, both gathering and distributed, on the central space where we performed. This work on the project has been developed on composition and organisation in time and space in a "choregraphic" and "cinematographic" way in order to focus on viewpoints and on progresses of our performance. We elaborated the "Ultime" project starting from another working project at that time : "La Promenade" (The Stroll). This other project was planned to be realized in Nantes on 83 and consisted of a performance with music and live painting ("Les Répétitions" - Iterations). The "Ultime" show was divided into several "moments" on the evening of January the 31st and started at 8:30pm : — a first part, 8:30pm to 9pm, with the arrival of the audience and the exhibition which was in the dark without the possibility of access to the central space because the arches which was unobstructed by paintings and black panels were closed by cords ; — the second part lasted 38mn and was sub-divided into several sub-parts (9mn + 19mn + 10mn) : initial dark with the first song, the duet performance with music (like a "soundtrack"), final dark with the second song ; — the third and final part : the exhibition which, after the return of lights, allowed the audience to invest the central space of the nave and to walk in the middle of paintings (until 11:30pm) ; "L'Ultime" lasted three hours. |
Afin de mobiliser l'espace et de dynamiser ces trois moments, "L'Ultime" a été élaboré à partir de plusieurs « conducteurs » qui ont donné lieu à des « plans » préparatoires et des tableaux de régie pour assurer la réalisation technique de l'ensemble :
- l'un pour la temporisation des éclairages durant toute la partie action afin de créer des focus sur les « images » (peintures) et de souligner les moments différents de la performance consistant en des déplacements et trajectoires linéaires, en droite ligne, solo ou simultanés, des arrêts, des actions (découverte des peintures centrales Les Répétitions et de certaines des peintures placées dans les arches, par le décollage de pans et de caches noirs à l'aide de lances manipulées par les performeurs), et des chutes (avant et arrière, en solo ou en synchronie). La régie lumière automatisée devait gérer plus de 50 configurations et effets successifs : des points, des zones, des fuites, ainsi que toutes sortes de combinaisons entre ces éléments et entre les dispositifs d'éclairage différemment placés, afin de créer des ombres et des focus tout au long de l'action / performance. Aucun effet de poursuite n'a été utilisé ; la plupart des éclairages étaient fixés sur les galeries supérieures, et une autre partie, placée sur pied à mi-hauteur dans certaines arches périphériques de la nef.
- un second conducteur avait été réalisé pour la sonorisation de la partie action afin de gérer la diffusion sonore puisque l'ensemble, chansons et parties musicales, était joué à partir d'un magnétophone à bandes Revox. Le dispositif de diffusion était réparti sur 10 haut-parleurs placés tout autour de l'espace central de la nef et disposés sur les rambardes des galeries supérieures. Il semble que seulement 8 d'entre eux aient été finalement placés et utilisés. La plus grande part de la musique de "L'Ultime" a été réalisée et jouée en studio sur des synthétiseurs. Même si les sons utilisés se rapportaient directement (ou faisaient penser lors de l'écoute) à des instruments acoustiques (cors, luth, percussions) et à des consonances humaines (sifflets, souffles), ceux-ci étaient donc, de fait, « synthétisés » et fabriqués avec des sons de synthèse électronique. Chaque partie de la bande-son a été calée sur le scénario de la performance. "L'Ultime" débutant à 20h30, la performance a commencé à 21h09 après un noir total de 4mn, puis un moment de pénombre produit pendant la diffusion de la première chanson. Elle s'est terminée à 21h28 après un noir total soudain suivi d'un effet lumineux intense éblouissant l'ensemble de l'espace avant de retomber dans un second noir total très court, puis dans une nouvelle pénombre de quelques minutes durant laquelle la seconde chanson a été diffusée. Ensuite un éclairage spécifique sur chaque peinture indiquait que le moment de l'exposition venait de débuter.
- un troisième conducteur concernait le scénario des deux performances simultanées exécutées dans l'espace central de la nef. Ce scénario était basé sur des trajectoires de parcours en lignes droites dans les deux grandes alvéoles de la nef séparées par les peintures placées sur l'axe des arches centrales. Ces trajectoires, intitulées promenades, étaient ponctuées par des actions, des arrêts ou des stations, des rencontres et des « danses ». Les actions consistaient à découvrir les peintures centrales, Les Répétitions, et quelques pans de certaines peintures placées dans les arches périphériques, à l'aide de lances en bois pour décrocher les caches de papier oblitérant les peintures. Les arrêts durant les trajectoires concernaient une « danse » en solo ou bien une station ou bien encore une projection lumineuse particulière. Les rencontres étaient liées aux danses ; celles-ci étaient des chutes, soit en avant (chute au sol, mains à hauteur des épaules pour se réceptionner), soit en arrière (à l'image du « saut de l'ange »), ces dernières demandant que l'un d'entre nous réceptionne l'autre, tourné de dos. L'ensemble de la performance était jouée sur un rythme (un tempo) lent et hiératique, ciselé par les éclairages et ponctué par la musique : il s'agissait de « promenades » par des « promeneurs ». Nos deux points de départ étaient en périphérie, localisés à une arche ouverte au public (comme si nous « partions » du public – destinataire et auquel nous nous adressions). Nos deux points d'arrivée basés sur deux très longues ombres projetées traversant de part en part la nef selon deux axes presque perpendiculaires et suivies de deux chutes simultanées des deux performeurs, étaient ensuite noyés dans le noir final et dans le soubresaut ultra lumineux du flash « ultime » à la fin de l'action / performance. La tenue vestimentaire choisi pour chacun était sobre : nous étions vêtus d'ensembles foncé uni, sans accessoires. Ainsi nous pouvions nous fondre dans le noir et l'obscurité de l'espace plus facilement. Après la performance, les résultantes des actions étaient laissées en l'état : caches de papier noir au sol, lances, pans et caches à demi décrochés des peintures, etc.
L'ensemble de la performance était basée sur des suites de synchronisations, ce qui demandait effectivement que toutes les temporisations soient parfaites entre nos déplacements et nos actions dans l'espace, et les éclairages et la diffusion sonore. Il fallait assurer notamment le croisement des ombres projetées et la concordance des chutes, la simultanéité des actions de dévoilement des peintures, l'arythmie et le décalage rythmé de certaines parties des actions, et que le tout soit en correspondance et en synchronie avec la « bande-son ».
description(Edit)
Pour lire une description complète du projet L'Ultime : texte et pdf
Pour consulter les archives iconographiques du projet L'Ultime : texte et pdf
musique(Edit)
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L'Ultime (1984) (11mn) |
musique instrumentale enregistrée pour synthétiseurs.
réalisation studio personnel et ESA Bordeaux (Alain Cassagnau, ingénieur du son) ; (Ryan & Joy, action / exposition, capcMusée d’art contemporain, Bordeaux, • 26 janvier 1984)
Tech : bancs de Revox PR99, Atari, sequencer MIDI, Roland Juno6, Roland JX-3P.
La musique (ou la « bande-son ») de "L'Ultime" déploie une série de moments qui peuvent sembler « intemporels » et suspendus, à partir de séquences quasi-instrumentales (réalisées sur synthétiseur), accompagnant les parcours-promenades que nous performions dans l'espace de la nef et les rythmant. Cette musique minimaliste est facilement reconnaissable en tant que telle – de manière assez étonnante, d'ailleurs, après la puissance sonore déployée l'année précédente dans "Rien n'est jamais tout à fait achevé", et avant ce qui allait suivre avec les bandes-son des "Avant-Monde".
La musique de "L'Ultime" prend l'humeur d'Irish madrigals (de reels ou ballads très lents, des slow airs et laments)* ou d'une marche (musicale) jouée par un brass band minimal : une musique en quelque sorte « socialisante » et « circulante » dont on peut facilement retenir les mélodies, les chantonner et les siffloter (whistles)**. Les slow airs*** sont traditionnellement développés dans le répertoire gaélique à partir d'emprunts à des chansons et des danses existantes et sont généralement de nature instrumentale afin d'être joués comme introductions ou intermèdes lors de parties non dansées. Sans rythme préalablement défini, ce sont des mélodies jouées très lentement à des moments appropriés, et très peu ornementées, laissant cours à une écoute concentrée. Seront intégrées à la performance deux chansons en début et en fin, qui sont issues du cycle "7:2, 7 songs in 2 days" qui a été réalisé en décembre 1983.
Ainsi "L'Ultime" semble osciller entre une musique (ou une suite de tunes et de mélodies) qui aurait été collectée, voire transcrite, et réinterprétée (avec des synthétiseurs et selon une instrumentation spécifique et détournée : des cors, des sifflements, des percussions, etc.) et une musique portant témoignage, de manière symbolique, de récits à la fois exaltés et héroïques, et, d'un autre côté, pastoraux et sentimentaux****. Cette musique semble provenir d'un autre « territoire », non pas exotique, mais hors de portée, que cela soit dans le temps et l'histoire, mais aussi dans un rapport avec une géographie imaginaire ou qu'il reste à imaginer. Au final et pour tous ces aspects, la musique de "L'Ultime" est conçue comme une bande-son de l'action/exposition. S'il fallait la rapprocher de parcours contemporains, la proximité avec les musiques de Wim Meertens (ou Mertens) — notamment avec "Maximizing The Audience" qui sortira l'année suivante en 1985 — et de Gavin Bryars semblent évidentes.
"L'Ultime", tout comme "Rien n'est jamais tout à fait achevé", a marqué irrémédiablement toute la série des actions / expositions et des projets qui suivront jusqu'en 1985 avec la réalisation de "Les Quatre Chemins" à Toulouse, puis jusqu'en 1989 avec le projet non réalisé "L'Avant-Monde IV" qui fût une proposition tardive après l'arrêt du travail en commun fin 1985. Les références à "L'Ultime" sont continuelles tout au long de nos projets de cette époque (et certainement jusqu'à présent sur certains aspects).
* « Les anciens Irlandais utilisaient […], pour leurs cérémonies religieuses, une sorte de cor qu'ils suspendaient aux arbres sacrés, et connaissaient plusieurs trompettes, le Stuic, à large embouchure, pour convoquer les assemblées et proclamer les phases de la lune, le Corna, trompe de chasse ou de bataille, le Dudag, clairon aigu, le Gall-Trompa, probablement d'origine anglaise, et le Blasog, conque marine d'origine écossaise. » (extrait article du Dictionnaire Larousse)
** En référence notamment à Games Without Frontiers de Peter Gabriel. La première partie (A) de la musique de "L'Ultime" est basée sur une mélodie sifflée.
*** Quelques exemples dans les répertoires irlandais et écossais : Tighearna Mhaigh Eó, Sliabh na mBan, Cois Abhann na Séad, Forres Cradle Song, Niel Gow's Lament for the Death of his Second Wife, Roslin Castle, The Rowan Tree, etc. Nous pouvons retrouver ceux-ci et bien d'autres airs sur les premiers disques du groupe irlandais The Chieftains.
**** En clin d'œil à Michael Nyman (The Draughtman's Contract)
→ [voir aussi / see also "7:2, 7 Songs in Two Days"]
performance(Edit)
Crédits photo : Frédéric Delpech, CAPC Musée d'Art Contemporain de la Ville de Bordeaux.