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DAVID RYAN & JÉRÔME JOY

Ryan&Joy Joy&Ryan : un projet collectif, 1983-1985

(A Collective Project – 1983-1985)

Jérôme Joy, David Ryan, Patrick Ferri






2002


In « Livre du Frac Aquitaine », (pp. 572-577), Éditions Le Festin / FRAC Collection Aquitaine, 2002.




La pratique artistique n'aurait-elle jamais été une pratique solitaire, n'aurait-elle jamais été ce stéréotype de l'innovation personnelle mais bien plutôt un espace catalyseur de sources de différentes origines et de multiples opérations ? Appuyer sur la notion collective et coopérative en art a été chez David Ryan et Jérôme Joy une préoccupation incessante et annonciatrice des développements actuels les plus significatifs dans le monde de l'art. Si nous observons de plus près la genèse des mutations liées par exemple aux pratiques numériques, il semble évident que les plus bouleversantes de celles-ci se situent aujourd'hui dans l'explosion de nouvelles formes collectives de création. Affirmer une collaboration pour ces deux artistes n'était pas une simple astuce ou une connexion localisée mais plutôt un enjeu très précis dès le début de leur travail commun. L'une des facettes de leur travail, qui n'a jamais été abordée ou commentée lors de leur période active, est celle de l'impact et des motivations de ces activités à 2 (et à 3) vis-à-vis du contexte des années 80 et vis-à-vis des notions et des intentions qu'ils ont pu développer ou encore celles sur lesquelles ils se sont appuyé (en quelque sorte les sources du travail qui en général restent non dévoilées). La première initiative de David Ryan et de Jérôme Joy a été de créer un espace expérimental de travail, c'est-à-dire un espace inédit, non pré-supposé dans le champ artistique. À partir de leurs pratiques individuelles, l'un en peinture, l'autre en musique, la proposition d'ouvrir l'œuvre d'art à la notion de "projet" leur a permis de remettre en question l'autonomie du geste artistique et de sa destination.

De 1983 à 1985, le projet Ryan&Joy ou Joy&Ryan a pu se développer sous forme d'un workspace - pour employer un terme angliciste - et d'un espace critique en mettant l'accent sur la continuité entre l'espace de travail et l'espace de représentation : ils ont mis en place des "dispositifs" à la fois poly-sensoriels (peintures, musiques, textes, scénographies, performances, etc.) et à de multiples entrées (poly-directionnels). Pour eux, l'exposition ou la présentation de l'art devait quitter sa destination marchande pour ouvrir sur l'exposition-atelier. Leurs modalités de production permettaient d'offrir au travers de stratégies communes - telles que des pratiques intercroisées (Jérôme Joy dans une pratique de "faussaire", reproduisant et dédoublant des peintures de David Ryan jusqu'à brouiller et annihiler la notion d'auteur sur laquelle se fonde la circulation artistique ; David Ryan dans des pratiques d'intervention dans les musiques, sampling, les chansons, etc.), des échanges d'identité, des élaborations conversationnelles, etc. -, et la mise en place de projets modulaires, complexes, sans référents évidents, à l'époque où se déployaient les démarches affirmatives de la Figuration Libre. Partant du cadre de l'installation, ils ont essayé d'en faire éclater sa référence à la sculpture en recherchant comment cet espace pouvait devenir à la fois spatial, temporel et mental. Chez eux, l'installation n'a pas cette particularité participative de la part du public, au contraire, seuls eux-mêmes donnaient la plupart du temps le moment et les règles de l'installation sous forme de performances ambiantales ou d'actions thématiques dans lesquelles les spectateurs et auditeurs étaient mis à distance (Rien n'est jamais tout à fait achevé en 1983, L'Ultime action/exposition d'un soir au Capc en 1984, Le Saut au Château de Biron également en 1984, Langue de Pierre, L'Avant-Monde et les Quatre Chemins en 1985) . Le résultat pouvait être éphémère ou bien encore résiduel.

Souvent était remarqué l'aspect spectaculaire (ou dans le même sens non-spectaculaire) de leur travail, mais il était bien difficile d'en approcher les opérations d'élaboration. C'est pourquoi il serait intéressant ici de prendre la mesure des interrogations qui étaient mises en place et de leurs origines. Dans le développement de la notion de dispositif, David Ryan et Jérôme Joy ont continuellement posé ces question s: Comment l'œuvre d'art fonctionne-t-elle ? dans le monde de l'art et en dehors du monde de l'art ? Comment celle-ci est-elle liée à ses conditions de production ? Quels espaces de reconnaissance (dans le sens de reconnaître ou de ne pas reconnaître) sont-ils ainsi ouverts ? C'est ainsi que j'ai pu travailler avec eux en tant que troisième membre jamais visible du projet, sur des données et des recherches théoriques (sociologique avec Pierre Bourdieu, philosophique avec Gilles Deleuze -Différence et Répétition -), afin de développer un travail collectif (à 2, à 3) de laboratoire, de suites d'expériences, de phases de réalisation offrant de multiples lectures possibles. Leur but semblait proche de la mise en place d'une sorte de machine virtuelle à produire des ensembles ouverts, génériques, aléatoires, à développer des processus génératifs de manière globale (le travail collectif de conception) avec la mise en situation d'infinies répétitions événementielles où, pourtant, le moindre événement semblait toujours différent.

Les opérations les plus subversives et politisées dans leurs productions semblaient être celles qui remettaient le plus en jeu le marché de l'art et la mise en place progressive du soutien institutionnel au début des années 80 :

  • l'activité de faussaire attribué à Jérôme Joy qui reproduisait des multiples et des doubles des peintures de David Ryan (qui fait quoi ?, produits a priori inaptes à la vente à cause du doute sur l'identification de l'auteur) permettait de questionner le statut de l'auteur et le statut du l'œuvre produite par un auteur (pratique croisée que l'on retrouve dans les échanges d'identité et dans les interventions de David Ryan dans les productions de Jérôme Joy à cette époque),
  • l'extension polyptique (séries d'images illimitées et évolutives) et le développement de formats de plus en plus grands des peintures dont les caractéristiques des dimensions échappaient de plus en plus au marché, ainsi que le développement des œuvres utilisant de multiples médias (peinture, musique),
  • le développement des initiatives conceptuelles et événementielles (actions, performances, écrits, etc.),
  • la gémellité identitaire qui permettait de crypter l'origine des différentes intentions et de ne pas en définir un auteur précis,
  • et enfin la volonté d'absence de coupure entre le studio de travail et le lieu d'exposition - (le plus remarquable à ce sujet a été leur réaction face à l'invitation de montrer leur travail au Capc en 1984: leur demande a été que le Capc leur fournisse un atelier durant 3 mois pour une exposition d'un jour, en inversant ainsi les conditions traditionnelles qui offraient habituellement 3 mois d'exposition sans se soucier des conditions d'élaboration des œuvres présentées) -.

Il faudrait voir dans le développement d'un travail collaboratif ou coopératif tel que celui de Ryan&Joy ou Joy&Ryan la volonté d'ouvrir de nouveaux espaces de création et d'offrir un mode plus dynamique de la gestion de la création. Celui-ci pourrait se définir comme une activité horizontale (non-hiérarchique) des processus de recherche et de réalisation, qui va plus loin que la simple juxtaposition de pratiques artistiques, en redistribuant les opérations d'identification et de ré-appropriation au sein du groupe, chacun des concepteurs possédant les mêmes responsabilités artistiques, qui peuvent ou non se retrouver associées à l'un des membres à la fin du processus de réalisation. En cela, le projet n'est plus seulement attribué à la réalisation d'une œuvre aussi complexe soit-elle, mais également au mode de collaboration.

Si aujourd'hui l'activité collective des deux artistes semble localisée à cette période précise, c'est parce qu'ils ont décidé d'y mettre fin très vite en 1985 - après une séquence intense et courte de travaux multiples commencés en 1983, alors qu'ils avaient respectivement 22 et 23 ans -, sans en préparer une re-générescence sous une autre forme. Pourtant il semblerait intéressant de voir dans cette activité particulière d'hier les prémices de leurs travaux respectifs d'aujourd'hui.

Patrick Ferri


Texte publié en 2002 dans le catalogue du FRAC Aquitaine : « Livre du Frac Aquitaine », (pp. 572-577), Éditions Le Festin / FRAC Collection Aquitaine, 2002. ISBN 2-909423-90-5







   
   
   
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