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Mon expérience(Edit)

Pas plus importante qu'une autre et que d'autres.
Dire que creuser ce que chacun et chacune est et fait est bien plus important que d'élaborer des constructions autour de soi.
Cela permet entre autres de distinguer son engagement dans l'art.

Ainsi moi-même :
Nais à Nantes et vis enfant entre une caravane sur les routes bretonnes et de la région parisienne, et un village dans les vignobles sur les bords de Loire près de Nantes. Petit-neveu de Pierre Marchand des Éditions Gallimard et apparenté à Jacques Demy par son arrière grand-père maternel.

J'ai habité en caravane à Brest. Je me souviens que nous étions à la sortie de Brest après la traversée du pont (était-ce Plougastel ?), en haut d'une montée. Je me rappelle d'une chapelle logée sous les feuillages et que nous dépassions en montant cette route. Nous habitions dans une cour, la caravane était placée sur le terre-plein, une sorte de cour de ferme. Il suffisait de traverser la rue pour aller à l'école (qui me semblait un bâtiment moderne).
J'ai aussi habité Pontivy, Plouguerneau, Ploujean (Morlaix), Loudéac, Donges, Guérande, etc., puis ensuite dans la banlieue parisienne. Je suis allé pour la première fois à l'école à Ploujean. Nous changions souvent d'endroit, tous les trois mois à peu près, ou moins je ne sais plus. Nous étions itinérants, mon grand-père était chef de chantier.

Découvre les sons par inadvertance sur un piano chez mes grands-parents. Écoute de la musique classique sur le pick-up de la chaîne hifi Gründig de mes parents, et, à l'école, lors des émissions éducatives à la télévision (la découverte de Pacific231 d'Arthur Honegger [2]). Utilise pour la première fois un magnétophone à bandes pour des sessions de lecture orale de livres de Jules Verne organisées par un instituteur à l'école primaire durant les récréations et les moments d'études ; enregistrements qui donnaient lieu ensuite à un moment collectif d'écoute : la voix cachée narrant.

Apprends la musique à ma manière chez les frères catholiques montfortains de Saint-Gabriel au petit séminaire et juvénat dans lequel je passe en internat mes années de collège à quelques kilomètres de chez mes parents, et m'attache curieusement à Haendel. Participe aux retraites de méditation et de réflexion organisées par le séminaire permettant d'aborder les débats de société, et les utilise en fin de compte pour réfuter la religion et pour plutôt m'intéresser à l'humanisme.

Croise et cotoie le maire "fameux" et énigmatique de mon village (Haute-Goulaine), René Bertrand, qui m'intrigue (il est grand, imposant et charismatique, hors des comportements habituels), et je me mets à l'estimer sans connaître à cette époque son histoire (avec Jean Cocteau) et son influence que je découvrirai plus tard.
Cette aimantation est une concordance, parmi bien d'autres, qui sur le moment se loge dans des intuitions : cet homme habite une propriété, Les Cléons (manoir ayant appartenu au XVIIe à Madame de Sévigné, et dont on voudrait que le nom provienne de Cléon, démagogue et célèbre orateur, guerrier d'Athéna [1] [2] [3] ), pas très loin de chez moi, qui se trouve être le lieu de fouilles archéologiques liées à une villa et des thermes gallo-romains après avoir été un atelier de pierres taillées à l'époque préhistorique* ; cet homme est écrivain et rédige des livres sur des dimensions cachées et invisibles de l'espace et du temps.
La réalité est bien multiple et primordiale, essentielle.

M'imagine à Kharkov (allez savoir pourquoi) ; sans doute à cause de Blaise Cendrars ; des antennes et pylones qui captent et transmettent, dont celle placée dans mon village et qui surplombe la commune (le centre RTF présent depuis 1957).
Achète un pick-up puis une platine tourne-disques.

Découvre à la fois Arrabal, la poésie dada et surréaliste (Vaché, Péret, Cravan, qui m'intriguent), William Blake, Julien Gracq (Les Eaux Étroites), Philip K. Dick, puis dans la foulée, T.S. Eliot, Jack London, Joseph Conrad, Samuel Beckett, W.B. Yeats, John Cowper Powys, H.P. Lovecraft, et le Journal de Bolivie de Che Guevara. Écoute plutôt Debussy et Ravel, m'amuse de Chabrier, Dukas et Lalo, m'étonne en écoutant à la fois les ragas de la musique indienne (disques que ma mère achète), Dark Side of the Moon (prêté par un ouvrier de mon père), et le hit Pop-Corn en boucle partout. Passe des nuits radio à l'oreille.

Hanté par les images de Belfast en guerre (puis plus tard par les nouvelles du Chili).
Ces images, récupérées dans les revues et souvent prises sur le vif, étaient comme des tableaux : les corps en action, tendus, à terre, ensemble, etc. Lire et relire les compte-rendus des combats, découper aussi les images, les plus grandes. Fasciné par ces formes de résistance et de lutte, tout en étant pourtant, protégé, à la maison, loin de racines irlandaises, et, néanmoins tout cela semblait familier.
Lutter aussi d’où on est ; impliqué ? Les masques à gaz, les vestes lourdes, les armes, les rues encombrées, les femmes et les hommes, et les enfants... et les zones blanches et jaunes, saturées, des images, correspondant aux explosions, etc.

Remplir l’espace vacant entre ces images fixes et les actions de résistance. Ne pas savoir comment expliquer cette proximité. Fleur coupée pendant aux lèvres, allongé dans l’herbe. Slogans dans les rues, chants au loin.

Ai toujours adoré les horizons, les lignes d’horizon, souvent perturbées par les arbres, les zones d’arbres... le ciel et les nuages au-dessus, la tête renversée... Toujours impressionné par la solidarité silencieuse des hommes dans les cortèges... une forme d’engagement ?... face à soi, le dos des autres... Des orages permanents. Toujours en voyage... exclu de la sédentarité ?...

Images vues du ciel.

Pense devenir architecte, rencontre un grand-oncle qui l'est (Daniel Pinson à Saint-Sébastien-sur-Loire), et redessine, recompose, pour m'amuser et me surprendre des modèles de l'époque d'architecture organique, courbes, articulés, espaces évolutifs.

Entre (ou pendant) les cours de 2nde C du Lycée Clémenceau jusqu'en terminale, écoute à pleins tubes le juke-box au café du Jardin des Plantes à Nantes. M'intéresse aux formes politiques radicales. Puis lis les textes du PSU (à la suite du manifeste) et sur l'écologie (comme une alternative de vie sociale), et explore les genres. M'immerge dans le jazz (les disques vinyles de la collection Pablo Live chez mon ami Frédéric Rideau), la musique progressive (Pink Floyd et Soft Machine), le jazz fusion, et la musique française dite alternative (Urban Sax, Magma, etc.). Joue entre les cours avec Guy Boistel (organiste et pianiste) dans un magasin de musique proche du Lycée. Assiste à des concerts de musique baroque et de Dizzie Gillespie. Découvre que l'on peut faire de l'art et que cela se fabrique, auprès d'un peintre de Saint-Sébastien-sur-Loire, et d'un sculpteur vivant dans les vignobles, Mourad Horch. Poursuit les labyrinthes du Jardin des Plantes à Nantes, face au Lycée.
J.V., "j'y vais".

Trouve que le Velvet Underground, le Soft Machine et le Pink Floyd sont plus intéressants, plus riches en énergie et en bruit, que les Rolling Stones. Fais de la guitare mais préfère "inventer" plutôt que de rejouer des musiques existantes. Période Krautrock et sens que la musique peut être débridée et expérimentale, sans trop savoir ce que cela peut vouloir dire réellement. M'enregistre sur cassettes. Sons saturés.

Achète un MS20 et une guitare électrique que je customise, écoute Throbbing Gristle, Eyeless in Gaza et Einstürzende Neubauten, monte un groupe quasi post-punk et instrumental, Jug-Jug, avec mes copains, Philippe et Bruno, en partageant un local rue de Briord avec des iroquois (Oï). La musique à fond et à fort volume, que des répétitions sans fin (sans œuvres, typiquement shandys**). Escalade le toit des anciens abattoirs près de Trentemoult. Fréquente le Pax, le Santeuil et le "chez Maman" près du Passage Pommeraye. Écume les petites scènes de concert et les festivals tout autour de Nantes, et écoute tout.

M'installe à Bordeaux pour suivre des études de géomètre-expert, avec des matières poussées : mathématiques, géomorphologie. Vis rue Jean-Renaud Dandicolle dans une maison en co-location avec d'autres étudiants, David Ryan, Roger Reynolds, Patrick Ferri, etc. , ce qui est propice à de longues discussions, de riches échanges et la promesse de projets. Assiste aux concerts de Tuxedomoon, Rhys Chatham (avec la danseuse Karole Armitage), suis les éditions de Divergences - Divisions (DMA2), écoute les répétitifs américains (Steve Reich, puis Glenn Branca et La Monte Young), Stockhausen et Cage. "Dance" de Lucinda Childs. Tarkovski, Wenders et Paradjanov au cinéma. "L'Homme Atlantique" de Marguerite Duras. "Civil Wars" de Bob Wilson (avec Gavin Bryars).

Dans le même temps, débute les projets avec David Ryan et Patrick Ferri : beaucoup d'engagements (Bourdieu, Foucault et Barthes pas loin). Première performance en 1982 avec une guitare basse électrique solo amplifiée et saturée, mur de son, ou plus exactement, masse de sons continus.
Recherche du bonheur, actions de révolte.

Me retrouve plusieurs fois à Malakoff dans les ateliers de Christian Boltanski et d'Annette Messager, en compagnie de David. Conversations avec eux, un véritable champ de travail; échange beaucoup avec Christian Boltanski autour de l'épreuve autobiographique, assis, dans un coin de l'atelier. Terrasse de café avec eux, et Bernard Marcadé, Sophie Calle. Galerie Gillespie-Laage-Salomon, jeune, trouve le monde discontinu. L'Ultime, les projets d' Avant-Monde. Arrête mes études. Trouve du travail comme géomètre, à temps partiel, emploi poursuivi pendant huit années. Dedans, dehors ; studio/bureau, terrain/plein air.

Vends une partie de mes disques, passe mes mois d'armée, 2ème RIMA, à l'hôpital (Val de Grâce et Versailles), début de grève de la faim, finalement relâché. Achète une machine à écrire, subis un court séjour en prison, et, un peu plus tard, ai la chance de rencontrer et de dîner avec La Monte Young.
Travaille un temps avec Jean-Michel Michelena et Kenneth White, sans que ces travaux aboutissent vraiment. Écoute Richard Teitelbaum, Steve Lacy, Anthony Braxton, et Giacinto Scelsi, Morton Feldman.
Entretiens des correspondances avec Hamish Fulton, Jean-Louis Backès, Laurent Pariente, Yves Caumon, etc., pour certains, pendant plusieurs années.
Conservatoire, Luis de Pablo, Ivo Malec. Premier concert à Vancouver avec John Oswald.
Rencontre Jean Dupuy, puis d'autres : Éliane Radigue, Robert Barry, François Bayle, etc.


« On fait de l'art - parce que c'est comme cela et non autrement - Well - que voulez-vous y faire ? » (J.V.)***


J'ai pu promettre à la fin des années 70 et au début des années 80 d'aller contre un monde ancien, de l'effranger et de l' interrupter.

Que cela soit par les acclamations punk et post-punk, No Future (… For You!), par des effritements et des déflagrations sonores (indus et post-indus (Cabaret Voltaire, Throbbing Gristle, Test Dept, Hafler Trio, Einstürzende Neubauten, Die Tödliche Doris, etc.), de la musique anglaise improvisée : AMM, Hugh Davies, Lindsay Cooper, etc.), et par les ballades de l'after-punk (Eyeless in Gaza, Durutti Column, Crass, etc.) et les patterns et drones minimalistes (Steve Reich, Wim Mertens, La Monte Young, Éliane Radigue, etc.) ; puis par la suite, en participant à des mouvements et groupes « artivistes », comme The Thing à New York, et de la musique expérimentale contemporaine, improvisation et composition instrumentale et électronique, noise et harsh-noise, teinté d'un psychédélisme et atmosphérisme hérités (Pink Floyd, King Crimson) et usant d'intensités sonores extrêmes et immersives.

Il s'agissait pour moi de déconstruire et de court-circuiter ce qui convenait, se planifiait et semblait perpétuel, immuable, et tu (c'est-à-dire, aussi, de questionner les normes, les rythmes et les limites, que l'on se donne, rend possible et que l'on subit).

Si, à distance, les images de l'Irlande du Nord ont pu marquer en 1969, puis en 1979-81 (anti-Thatcher, anti-TINA — « There Is No Alternative », attribué à Margaret Thatcher, [2], [3] —, puis « anti-musique »), mes identifications à ce que je vivais comme une lutte interne et soudainement partagée (No Future), elles ont aussi correspondu au chaos et aux tumultes (de l'indifférence) que je pressentais du réel dans mon enfance nomade et continuellement éloignée.

De ces formes de dissidence par rapport au normatif et à l'établi, et de resynchronisations continuelles au réel et à la vie autour, s'est formé un non-conformisme, celui de l'émancipation et de l'improvisation.

Je l'imaginais par les possibles des échanges pacifiés, entre les hommes, et d'eux avec le monde: amender le réel, fomenter les interstices faramineux qui nous associent, engager le présent et le réel sonores et musicaux (ce que j'ai nommé plus tard, expérimental: « n'interprétez jamais, expérimentez ! » — ce que dit Deleuze à propos de la méthode de Foucault) dans un faire ensemble, comprendre que cela se joue dans les délais, les échos et les résonances, les écarts, les espaces critiques, les débats négociés, les petites et les grandes intensités (sonores, musicales, affectives, etc.), les constructions ralenties et singulières du quotidien, de chacun (DIY — Du Do It Yourself, du punk aux logiciels libres, vers le DWO (Done With Others) que j'ai proposé plus tard, en 2001), etc.

Déjà je ne croyais pas à la violence ni à l'exaction. Si les positions dures sont jubilatoires, parce qu'héroïques (art-hero) et adhérentes à des fictions consensuelles, il en est d'autres plus radicales, plus révoltées, et singulièrement douces: celles de sa propre invention et de celles des autres, là où chacun et chacune, à partir de peu, reconstruit des mondes nouveaux, des mélodies nouvelles, modifient et apportent, ici, aux musiques du monde partagé. Le faire-ensemble musical, ce qui associe et circule entre nous (les mélodies des chants et des musiques, si on interroge le vernaculaire), ce qui permet à chacun d'évoquer une vie rêvée ou alternative, des chambres d'écho, n'est ni un décorum ni un hymne, arrachés et déchirés du commun, il est un lieu fort du maintien parmi les autres et dans le monde, du comment participer à ces constructions nouvelles (Voir « Logs – micro-fondements pour une émancipation sociale et artistique » publié en 2005) qui n'intiment plus le retrait, la coupure, la posture démarquée et la dissension ferme pour agir.




* Collection locale des Cléons Haute-Goulaine, près Nantes. Rapport sur la découverte de cette station archéologique, description raisonnée des objets qui en proviennent, par Félix Chaillou, Impr. de V. Forest et E. Grimaud (1886) ; La station gallo-romaine des Cléons; par Félix Chaillou, Caen, H. Delesques, 1887.

** La "conspiration Shandy" a été fondée en 1924 en Afrique, et plus précisément dans un village africain situé sur le delta du Niger : Duchamp, Tzara, Gombrowicz, Picabia, Georgia O'Keefe, Morand, Szalay, Jacques Rigaud, Walter Benjamin, Federico García Lorca, John Scott Fitzgerald, Louis-Ferdinand Céline, Valéry Larbaud ... ; basée sur "une littérature qui n'existait pas, puisque personne chez les shandys ne savait en quoi elle consistait, bien que cela fût paradoxalement la condition même de l'existence de cette sorte de littérature". (Voir Vila-Matas, "abrégé d'histoire de la littérature portative", et son invention de la "conspiration shandy"). Le nom provient du livre célèbre de Laurence Sterne, "Tristam Shandy", shandy dans le dialecte du Yorkshire, signifiant indistinctement "joyeux", "volubile" et "cinglé" (et est lié selon Vila-Matas à l'insolence, la folie, le nomadisme et la légèreté). Cette société vivra trois années.

*** Jacques Tristan Hylar ou Harry James ou Jacques le Fataliste, dit Jacques Vaché.




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Nantes — 1978-1979.








   
   
   
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