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1898 - « Le Secret de Wilhelm Storitz ».(Edit)
Mademoiselle Myra se mit au clavecin. | |
Toute l’assistance écoutait religieusement... |
« Derrière cette porte, j’entends des pas... » |
Nous écoutions avec une indicible émotion... |
Commentaire : Le Secret de Wilhelm Storitz est un roman de Jules Verne paru en 1910. L'œuvre originale est écrite par Jules Verne vers 1898, mais ne sera publiée qu'en 1910 dans une version remaniée par son fils Michel Verne. Une version du manuscrit de Jules Verne a été retrouvée en 1977 et publiée, pour la première fois, en 1985 par la Société Jules Verne.
L'histoire se passe à Ragz (Hongrie) en 1757. Le Français Henri Vidal vient rejoindre son frère Marc pour assister au mariage de celui-ci avec Myra Roderich. Mais la fête est troublée par l'Allemand Wilhelm Storitz, bien décidé à se venger d'avoir été éconduit. Or, Wilhelm possède un secret qui le rend très puissant...
« Puisque vous préférez Le secret de Storitz, je vous l'enverrai mercredi et vous le recevrez jeudi. Storitz, c'est l'invisible, c'est du pur Hoffmann, et Hoffmann n'aurait pas osé aller si loin. Il y aura peut-être un passage à adoucir pour le Magasin, car le titre de cet ouvrage pourrait être aussi La fiancée invisible »[1]
En 1897, Jules Verne est sans doute inspiré par la lecture d’un compte-rendu du roman de Herbert George Wells, L’homme invisible, en imaginant à son tour l’histoire d’une « fiancée invisible ». Ce roman rédigé entre avril et juin 1898 n’est pourtant pas le seul texte de Verne à évoquer ce thème de l’invisibilité. Déjà, Le Château des Carpathes, autre roman d’amour paru en 1892, mettait en scène le « fantôme » d’une femme disparue, la cantatrice Stilla dont la voix et l’image alors ravis par le dilettante Rodolphe de Gortz constituaient deux instruments de vengeance visant à attirer le rival Franz de Télék dans la vieille forteresse.[2]
Mot-Clés : répertoire, auditoire, audition, voix lointaine, ventriloquie, invisibilité
Personnalités et œuvres citées : Frédéric Margrade
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Illustrations : http://www.scribd.com/full/3213195?access_key=key-14ztjovfvot6fmd78ya7
Illustrations : http://www.renepaul.net/collection_verne1/galerie.htm?secret_wilhelm_storitz
Extrait.................. | « Chap. VII — [...] La partie musicale avait été confiée à un remarquable orchestre de tziganes. Cet orchestre, en grand renom dans le pays magyar, ne s’était pas encore fait entendre à Ragz. Les musiciens et leur chef prirent place à l’heure dite dans la salle. Je ne l’ignorais pas, les Hongrois sont enthousiastes de musique. Mais, suivant une juste remarque, il existe entre les Allemands et eux une différence très sensible dans leur manière d’en goûter le charme. Le Magyar est un dilettante, non un exécutant. Il ne chante pas, ou chante peu, il écoute, et lorsqu’il s’agit de la musique nationale, écouter est à la fois pour lui une affaire sérieuse et un plaisir d’une extraordinaire intensité. L’orchestre se composait d’une douzaine d’exécutants sous la direction d’un chef. Ce qu’ils allaient jouer, c’étaient leurs plus jolis morceaux, ces « Hongroises » qui sont des chants guerriers, des marches militaires, que le Magyar, homme d’action, préfère aux rêveries de la musique allemande. Peut-être s’étonnera-t-on que, pour une soirée de contrat, on n’eût pas choisi une musique plus nuptiale, mieux appropriée à ce genre de cérémonie. Mais ce n’est pas la tradition, et la Hongrie est le pays des traditions. Elle est fidèle à ses mélodies populaires, comme la Serbie à ses pesmas, comme la Valachie à ses doimas. Ce qu’il lui faut, ce sont ces airs entraînants, ces marches rythmées, qui évoquent le souvenir des champs de bataille et célèbrent les exploits inoubliables de son histoire. [...] Le répertoire de cet orchestre produisit un grand effet. Toute l’assistance écoutait religieusement, puis s’abandonnait à des applaudissements frénétiques. Ainsi furent accueillis les morceaux les plus populaires, que les tziganes enlevèrent avec une maestria capable de réveiller tous les échos de la puszta. Le temps réservé à ces auditions était écoulé. Pour mon compte, j’avais éprouvé un plaisir des plus vifs, en ce milieu magyar, alors que, dans certaines accalmies de l’orchestre, le lointain murmure du Danube arrivait jusqu’à moi. [...] Or, l’orchestre était prêt à préluder, attendant que le capitaine Haralan lui en donnât le signal, lorsque du côté de la galerie, dont la porte s’ouvrait sur le jardin, se fit entendre une voix lointaine encore, d’une sonorité puissante et rude. C’était un chant étrange, d’un rythme bizarre, auquel la tonalité manquait, des phrases que ne reliait aucun lien mélodique. [...] On écoutait... Ne s’agissait-il pas d’une surprise ajoutée à la soirée ?... Le capitaine Haralan s’étant approché de moi. « Qu’est-ce donc ? lui demandai-je. – Je ne sais, répondit-il d’un ton où perçait une certaine inquiétude. – D’où vient ce chant ?... De la rue ?... – Non... je ne crois pas. » [...] L’orchestre venait d’achever le prélude, lorsque, sans qu’on aperçût le chanteur, la voix retentit de nouveau, et cette fois au milieu du salon... Au trouble des invités se joignit alors un vif sentiment d’indignation. La voix lançait à pleins poumons le Chant de la Haine de Frédéric Margrade, cet hymne allemand qui doit à sa violence une abominable célébrité. Il y avait là une provocation au patriotisme magyar, une insulte directe et voulue ! Et celui dont la voix éclatait au milieu de ce salon... on ne le voyait pas !... Il était là pourtant, et nul ne pouvait l’apercevoir !... [...] » « Chap. VIII — [...] – Docteur, répliquai-je, je ne saurais imaginer autre chose... à moins d’une intervention que je repousse pour ma part... une intervention surnaturelle... – Naturelle, interrompit le capitaine Haralan, mais due à des procédés dont nous n’avons pas le secret. – Cependant, insistai-je, en ce qui concerne la voix entendue hier, cette voix qui était bien une voix humaine, pourquoi ne serait-ce pas un effet de ventriloquie ? [...] » « Chap. XI — [...] Les phénomènes auxquels nous avions assisté à la cathédrale de Ragz et ceux dont l’hôtel Roderich avait été le théâtre tendaient au même but. Leur origine était la même. C’est Wilhelm Storitz, lui seul, qui en était l’auteur. Admettre qu’ils fussent dus à quelque tour d’adresse ?... J’étais bien obligé de me répondre négativement. Non, ni le scandale de l’église, ni l’enlèvement de la couronne nuptiale ne pouvaient être attribués à un escamotage. J’en arrivais à supposer sérieusement que cet Allemand tenait de son père quelque secret scientifique, celui d’une découverte ignorée qui lui aurait donné le pouvoir de se rendre invisible... Pourquoi pas, après tout ?... Pourquoi certains rayons lumineux n’auraient-ils pas la propriété de traverser les corps opaques, comme si ces corps étaient translucides ?... [...] » « Chap. XVII — [...] Et alors – non ! je n’oublierai jamais cette scène ! – une voix se fit entendre... Non pas, comme à la soirée des fiançailles, la voix rude qui nous insultait avec le Chant de la Haine, – mais une voix fraîche et joyeuse, une voix aimée entre toutes, la voix de notre chère Myra !... « Marc, disait-elle, et vous monsieur Henri, et toi, Haralan, que faites-vous ici ? C’est l’heure du dîner, et je meurs de faim. » C’était Myra, Myra elle-même, Myra qui avait recouvré la raison, Myra guérie !... On eût dit qu’elle descendait de sa chambre comme d’habitude. C’était Myra qui nous voyait et que nous ne voyions pas !... C’était Myra invisible !... Jamais mots aussi simples ne produisirent un tel effet. Stupéfaits, cloués à nos sièges, nous n’osions ni bouger, ni parler, ni aller du côté d’où venait cette voix. Pourtant, Myra était là, vivante, et, nous le savions, tangible dans son invisibilité... [...] » |
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- ↑Lettre du dimanche 5 mars 1905 à Louis-Jules Hetzel
- ↑http://www.bibliboom.com/rubrique,le-secret-de-wilhelm-storitz,751317.html