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1895 - « L'Ile à Hélice ».(Edit)
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Commentaire : L'Île à hélice est un roman de Jules Verne paru en 1895, publié d'abord dans le Magasin d'Éducation et de Récréation du 1er janvier au 15 décembre, puis en volume dès le 21 novembre.
Quatre musiciens français sont embarqués de force sur l’île artificielle de Standard Island, caprice de milliardaires américains. Opulente ville, campagne souriante, installations électriques futuristes, tout y est parfaitement moderne. [1]
Mot-Clés : quatuor, sonate cacophonique, concert, Amphion, Orphée, auditoire, charivari, cacophonie, orchestre improvisé, téléphone, télautographe, phonographe, montre phonographique, serinette, écho, épidémie wagnérienne, musique en boîte, concert en réseau, communication simultanée, théâtrophone, salle de concert, retour d'auditoire, postes d'énergie musicale, transmission des ondes sonores à domicile par voie téléphonique, exécution directe, surdité, oreille, Cantate des Cantates, société orphéonique
Personnalités et œuvres citées : Meyerbeer, Halévy, Gounod, Berlioz, Wagner, Verdi, Massé, Saint-Saëns, Reyer, Massenet, Delibes, Mozart, Haydn, Beethoven, Onslow, Ambroise Thomas, Rossini, Mendelssohn, Weber, Don Juan, Edison
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Illustrations : http://www.scribd.com/full/3212603?access_key=key-1l1wqgk90i7drq8a1s2t
Illustrations : http://www.renepaul.net/collection_verne1/galerie.htm?ile_helice
Extrait.................. | « Vol.1 — Chap.1 — Le Quatuor Concertant — En ce qui concerne la musique, c’est à l’audition des Meyerbeer, des Halévy, des Gounod, des Berlioz, des Wagner, des Verdi, des Massé, des Saint-Saëns, des Reyer, des Massenet, des Delibes, les célèbres compositeurs de la seconde moitié du XIXe siècle, que se sont d’abord passionnés les dilettanti du nouveau continent. Puis, peu à peu, ils sont venus à la compréhension de l’œuvre plus pénétrante des Mozart, des Haydn, des Beethoven, remontant vers les sources de cet art sublime, qui s’épanchait à pleins bords au cours de XVIIIe siècle. Après les opéras, les drames lyriques, après les drames lyriques, les symphonies, les sonates, les suites d’orchestre. Et, précisément, à l’heure où nous parlons, la sonate fait fureur chez les divers États de l’Union. On la paierait volontiers à tant la note, vingt dollars la blanche, dix dollars la noire, cinq dollars la croche. [...] » « Vol.1 — Chap. II — Puissance d’une sonate cacophonique — [...] L’épaisse ombre vient de s’emplir d’une musique pénétrante, un largo expressif dans lequel l’âme d’un artiste se révèle tout entière. C’est Yvernès, qui, son violon tiré de l’étui, le fait vibrer sous la puissante caresse de l’archet. Une idée de génie ! Et pourquoi des musiciens n’auraient-ils pas demandé leur salut à la musique ? Est-ce que les pierres, mues par les accords d’Amphion, ne venaient pas d’elles-mêmes se ranger autour de Thèbes ? Est-ce que les bêtes féroces, apprivoisées par ses inspirations lyriques, n’accouraient pas aux genoux d’Orphée ? Eh bien, il faut croire que cet ours californien, sous l’influence de prédispositions ataviques, est aussi artistement doué que ses congénères de la Fable, car sa férocité s’éteint, ses instincts de mélomane le dominent, et à mesure que le quatuor recule en bon ordre, il le suit, laissant échapper de petits cris de dilettante. Pour un peu, il eût crié : bravo ! ... [...] « Mes amis, dit-il, pourquoi ce qui nous a réussi vis-à-vis d’un ours ne nous réussirait-il pas vis-à-vis d’un village californien ?… Nous avons apprivoisé ce plantigrade avec un peu de musique… Réveillons ces ruraux par un vigoureux concert, où nous n’épargnerons ni les forte ni les allegro… – C’est à tenter, » répond Frascolin. Sébastien Zorn n’a même pas laissé finir la phrase de Pinchinat. Son violoncelle retiré de l’étui et dressé sur sa pointe d’acier, debout, puisqu’il n’a pas de siège à sa disposition, l’archet à la main, il est prêt à extraire toutes les voix emmagasinées dans cette carcasse sonore. Presque aussitôt, ses camarades sont prêts à le suivre jusqu’aux dernières limites de l’art. « Le quatuor en si bémol d’Onslow, dit-il. Allons… Une mesure pour rien ! » Ce quatuor d’Onslow, ils le savaient par cœur, et de bons instrumentistes n’ont certes pas besoin d’y voir clair pour promener leurs doigts habiles sur la touche d’un violoncelle, de deux violons et d’un alto. Les voici donc qui s’abandonnent à leur inspiration. Jamais peut-être ils n’ont joué avec plus de talent et plus d’âme dans les casinos et sur les théâtres de la Confédération américaine. L’espace s’emplit d’une sublime harmonie, et, à moins d’être sourds, comment des êtres humains pourraient-ils résister ? Eût-on été dans un cimetière, ainsi que l’a prétendu Yvernès, que, sous le charme de cette musique, les tombes se fussent entr’ouvertes, les morts se seraient redressés, les squelettes auraient battu des mains… Et cependant les maisons restent closes, les dormeurs ne s’éveillent pas. Le morceau s’achève dans les éclats de son puissant final, sans que Freschal ait donné signe d’existence. « Ah ! c’est comme cela ! s’écrie Sébastien Zorn, au comble de la fureur. Il faut un charivari, comme à leurs ours, pour leurs oreilles de sauvages ?… Soit ! recommençons, mais toi, Yvernès, joue en ré, toi, Frascolin, en mi, toi, Pinchinat, en sol. Moi, je reste en si bémol, et, maintenant, à tour de bras ! » Quelle cacophonie ! Quel déchirement des tympans ! Voilà qui rappelle bien cet orchestre improvisé, dirigé par le prince de Joinville, dans un village inconnu d’une région brésilienne ! C’est à croire que l’on exécute sur des « vinaigrius » quelque horrible symphonie, – du Wagner joué à rebours !… En somme, l’idée de Pinchinat est excellente. Ce qu’une admirable exécution n’a pu obtenir, c’est ce charivari qui l’obtient. Freschal commence à s’éveiller. Des vitres s’allument ça et là. Deux ou trois fenêtres s’éclairent. Les habitants du village ne sont pas morts, puisqu’ils donnent signe d’existence. Ils ne sont pas sourds, puisqu’ils entendent et écoutent… « On va nous jeter des pommes ! dit Pinchinat, pendant une pause, car, à défaut de la tonalité du morceau, la mesure a été respectée scrupuleusement. – Eh ! tant mieux… nous les mangerons ! » répond le pratique Frascolin. Et, au commandement de Sébastien Zorn, le concert reprend de plus belle. Puis, lorsqu’il s’est terminé par un vigoureux accord parfait en quatre tons différents, les artistes s’arrêtent. Non ! ce ne sont pas des pommes qu’on leur jette à travers vingt ou trente fenêtres béantes, ce sont des applaudissements, des hurrahs, des hips ! hips ! hips ! Jamais les oreilles freschaliennes ne se sont emplies de telles jouissances musicales ! Et, nul doute que toutes les maisons ne soient prêtes à recevoir hospitalièrement de si incomparables virtuoses. « Je suis un dilettante, messieurs, et je viens d’avoir la bonne fortune de vous applaudir… – Pendant notre dernier morceau ?… réplique d’un ton ironique Pinchinat. – Non, Messieurs… pendant le premier, et j’ai rarement entendu exécuter avec plus de talent ce quatuor d’Onslow ! » Ledit personnage est un connaisseur, à n’en pas douter. « Monsieur, répond Sébastien Zorn au nom de ses camarades, nous sommes très sensibles à vos compliments… Si notre second morceau a déchiré vos oreilles, c’est que… – Monsieur, répond l’inconnu, en interrompant une phrase qui eût été longue, je n’ai jamais entendu jouer si faux avec tant de perfection. Mais j’ai compris pourquoi vous agissiez de la sorte. C’était pour réveiller ces braves habitants de Freschal, qui se sont déjà rendormis… Eh bien, messieurs, ce que vous tentiez d’obtenir d’eux par ce moyen désespéré, permettez-moi de vous l’offrir… [...] » « Vol.1 — Chap. III — Un Loquace Cicérone — [...] – Cela tient, répondit Calistus Munbar, à ce que la plupart des commandes se font téléphoniquement ou même télautographiquement… – Ce qui signifie ?… demande Frascolin. – Ce qui signifie que nous employons communément le télautographe, un appareil perfectionné qui transporte l’écriture comme le téléphone transporte la parole, sans oublier le kinétographe qui enregistre les mouvements, étant pour l’œil ce que le phonographe est pour l’oreille, et le téléphote qui reproduit les images. Ce télautographe donne une garantie plus sérieuse que la simple dépêche dont le premier venu est libre d’abuser. Nous pouvons signer électriquement des mandats ou des traites… – Même des actes de mariage ?… réplique Pinchinat d’un ton ironique. – Sans doute, monsieur l’alto. Pourquoi ne se marierait-on pas par fil télégraphique… – Et divorcer ?… – Et divorcer !… C’est même ce qui use le plus nos appareils ! » Là-dessus, bruyant éclat de rire du cicérone, qui fait trembloter toute la bibeloterie de son gilet. [...] » « Vol.1 — Chap. IV — Le Quatuor Concertant Déconcerté — [...] Calistus Munbar tire sa montre, chef-d’œuvre de Sivan, de Genève, – une montre parlante, une montre phonographique, dont il presse le bouton et qui fait distinctement entendre ces mots : quatre heures treize. [...] » « Vol.1 — Chap. VI — Invités… inviti — [...] – Messieurs, reprend Calistus Munbar en se donnant une attitude gracieuse, je ne désire traiter avec vous, au cours de cet entretien, que la question musique, telle qu’elle est actuellement comprise dans notre île à hélice. Des théâtres, Milliard-City n’en possède point encore ; mais, lorsqu’elle le voudra, ils sortiront de son sol comme par enchantement. Jusqu’ici, nos concitoyens ont satisfait leur penchant musical en demandant à des appareils perfectionnés de les tenir au courant des chefs-d’œuvre lyriques. Les compositeurs anciens et modernes, les grands artistes du jour, les instrumentistes les plus en vogue, nous les entendons quand il nous plaît, au moyen du phonographe... – Une serinette, votre phonographe ! s’écrie dédaigneusement Yvernès. – Pas tant que vous pouvez le croire, monsieur le violon solo, répond le surintendant. Nous possédons des appareils qui ont eu plus d’une fois l’indiscrétion de vous écouter, lorsque vous vous faisiez entendre à Boston ou à Philadelphie. Et, si cela vous agrée, vous pourrez vous applaudir de vos propres mains... » À cette époque, les inventions de l’illustre Edison ont atteint le dernier degré de la perfection. Le phonographe n’est plus cette boîte à musique à laquelle il ressemblait trop fidèlement à son origine. Grâce à son admirable inventeur, le talent éphémère des exécutants, instrumentistes ou chanteurs, se conserve à l’admiration des races futures avec autant de précision que l’œuvre des statuaires et des peintres. Un écho, si l’on veut, mais un écho fidèle comme une photographie, reproduisant les nuances, les délicatesses du chant ou du jeu dans toute leur inaltérable pureté. En disant cela, Calistus Munbar est si chaleureux que ses auditeurs en sont impressionnés. Il parle de Saint-Saëns, de Reyer, d’Ambroise Thomas, de Gounod, de Massenet, de Verdi, et des chefs-d’œuvre impérissables des Berlioz, des Meyerbeer, des Halévy, des Rossini, des Beethoven, des Haydn, des Mozart, en homme qui les connaît à fond, qui les apprécie, qui a consacré à les répandre son existence d’imprésario déjà longue, et il y a plaisir à l’écouter. Toutefois il ne semble pas qu’il ait été atteint par l’épidémie wagnérienne, en décroissance d’ailleurs à cette époque. Lorsqu’il s’arrête pour reprendre haleine, Pinchinat, profitant de l’accalmie : « Tout cela est fort bien, dit-il, mais votre Milliard-City, je le vois, n’a jamais entendu que de la musique en boîte, des conserves mélodiques, qu’on lui expédie comme les conserves de sardines ou de salt-beef... – Pardonnez-moi, monsieur l’alto. – Mon Altesse vous pardonne, tout en insistant sur ce point : c’est que vos phonographes ne renferment que le passé, et jamais un artiste ne peut être entendu à Milliard-City au moment même où il exécute son morceau... – Vous me pardonnerez une fois de plus. – Notre ami Pinchinat vous pardonnera tant que vous le voudrez, monsieur Munbar, dit Frascolin. Il a des pardons plein ses poches. Mais son observation est juste. Encore, si vous pouviez vous mettre en communication avec les théâtres de l’Amérique ou de l’Europe... – Et croyez-vous que cela soit impossible, mon cher Frascolin ? s’écrie le surintendant en arrêtant le balancement de son escarpolette. – Vous dites ?... – Je dis que ce n’était qu’une question de prix, et notre cité est assez riche pour satisfaire toutes ses fantaisies, toutes ses aspirations en fait d’art lyrique ! Aussi l’a-t-elle fait... – Et comment ?... – Au moyen des théâtrophones qui sont installés dans la salle de concert de ce casino. Est-ce que la Compagnie ne possède pas nombre de câbles sous-marins, immergés sous les eaux du Pacifique, dont une extrémité est rattachée à la baie Madeleine et dont l’autre est tenue en suspension par de puissantes bouées ? Eh bien, quand nos concitoyens veulent entendre un des chanteurs de l’Ancien ou du Nouveau-Monde, on repêche un des câbles, on envoie un ordre téléphonique aux agents de Madeleine-bay. Ces agents établissent la communication soit avec l’Amérique, soit avec l’Europe. On raccorde les fils ou les câbles avec tel ou tel théâtre, telle ou telle salle de concert, et nos dilettanti, installés dans ce casino, assistent réellement à ces lointaines exécutions, et applaudissent... – Mais là-bas, on n’entend pas leurs applaudissements... s’écrie Yvernès. – Je vous demande pardon, cher monsieur Yvernès, on les entend par le fil de retour. » Et alors Calistus Munbar de se lancer à perte de vue dans des considérations transcendantes sur la musique, considérée, non seulement comme une des manifestations de l’art, mais comme agent thérapeutique. D’après le système de J. Harford, de Westminster-Abbey, les Milliardais ont pu constater les résultats extraordinaires de cette utilisation de l’art lyrique. Ce système les entretient en un parfait état de santé. La musique exerçant une action réflexe sur les centres nerveux, les vibrations harmoniques ont pour effet de dilater les vaisseaux artériels, d’influer sur la circulation, de l’accroître ou de la diminuer, suivant les besoins. Elle détermine une accélération des battements du cœur et des mouvements respiratoires en vertu de la tonalité et de l’intensité des sons, tout en étant un adjuvant de la nutrition des tissus. Aussi des postes d’énergie musicale fonctionnent-ils à Milliard-City, transmettant les ondes sonores à domicile par voie téléphonique, etc. Le quatuor écoute bouche bée. Jamais il n’a entendu discuter son art au point de vue médical, et probablement il en éprouve quelque déplaisir. « Il ne s’agit pas de tout cela, dit-il. Pourquoi nous avez-vous amenés ici ?... – Parce que les instruments à cordes sont ceux qui exercent l’action la plus puissante... – Vraiment, monsieur ! Et c’est pour calmer vos névroses et vos névrosés que vous avez interrompu notre voyage, que vous nous empêchez d’arriver à San-Diégo, où nous devions donner un concert demain... [...] – [L]a Standard-Island Company a pensé que le moment était venu de substituer aux phonographes et aux théâtrophones des virtuoses palpables, tangibles, en chair et en os, et de donner aux Milliardais cette inexprimable jouissance d’une exécution directe des chefs-d’œuvre de l’art. Elle a voulu commencer par la musique de chambre, avant d’organiser des orchestres d’opéra. Elle a songé à vous, les représentants attitrés de cette musique. Elle m’a donné mission de vous avoir à tout prix, de vous enlever, s’il le fallait. Vous êtes donc les premiers artistes qui auront eu accès à Standard-Island, et je vous laisse à imaginer quel accueil vous y attend ! » [...] Et voilà comme quoi le Quatuor Concertant est lancé dans une aventure invraisemblable, et en quelles circonstances ses membres sont devenus les invités inviti de Standard-Island. » « Vol. 2 — Chap. III — Concert à la Cour — [...] – Voyons l’idée de Pinchinat, dit Frascolin. – Ce serait d’aller donner un concert à Leurs Majestés, à elles seules, dans leur salon, et d’y jouer les plus beaux morceaux de notre répertoire. [...] – La reine et moi, répond le roi, nous vous remercions, messieurs, et nous sommes touchés de votre démarche. Sur cette île, où nous espérons achever une existence si troublée, il semble que vous ayez apporté un peu de ce bon air de votre France ! Messieurs, vous n’êtes point inconnus d’un homme qui, tout en s’occupant de sciences, aime passionnément la musique, cet art auquel vous devez un si beau renom dans le monde artiste. Nous connaissons les succès que vous avez obtenus en Europe, en Amérique. Ces applaudissements qui ont accueilli à Standard-Island le Quatuor Concertant, nous y avons pris part, – d’un peu loin, il est vrai. Aussi avons-nous un regret, c’est de ne vous avoir pas encore entendus comme il convient de vous entendre. » [...] « Votre Majesté a raison, dit-il, et le regret qu’elle exprime n’est-il pas justifié en ce qui concerne le genre de musique dont nous sommes les interprètes. La musique de chambre, ces quatuors des maîtres de la musique classique, demandent plus d’intimité que ne comporte une nombreuse assistance. Il leur faut un peu du recueillement d’un sanctuaire… – Oui, messieurs, dit la reine, cette musique doit être écoutée comme on écouterait quelques pages d’une harmonie céleste, et c’est bien un sanctuaire qui lui convient… – Que le roi et la reine, dit alors Yvernès, nous permettent donc de transformer ce salon en sanctuaire pour une heure, et de nous faire entendre de Leurs Majestés seules… » Et, tandis que le valet de chambre reçoit l’ordre d’apporter les instruments et de disposer le salon pour ce concert improvisé, le roi et la reine invitent leurs hôtes à les suivre au jardin. Là, on converse, on parle de musique comme le pourraient faire des artistes dans la plus complète intimité. Le roi s’abandonne à son enthousiasme pour cet art, en homme qui en ressent tout le charme, en comprend toutes les beautés. Il montre, jusqu’à en étonner ses auditeurs, combien il connaît ces maîtres qu’il lui sera donné d’entendre dans quelques instants… Il célèbre le génie à la fois naïf et ingénieux d’Haydn… Il rappelle ce qu’un critique a dit de Mendelssohn, ce compositeur hors ligne de la musique de chambre, qui exprime ses idées dans la langue de Beethoven… Weber, quelle exquise sensibilité, quel esprit chevaleresque, qui en font un maître à part !… Beethoven, c’est le prince de la musique instrumentale… Il se révèle une âme dans ses symphonies… Les œuvres de son génie ne le cèdent ni en grandeur ni en valeur aux chefs-d’œuvre de la poésie, de la peinture, de la sculpture et de l’architecture, – astre sublime qui est venu s’éteindre à son dernier coucher dans la Symphonie avec chœur, où la voix des instruments se fond si intimement avec les voix humaines ! [...] « Oui, répond le roi en souriant, ce qui prouve, messieurs, que l’oreille n’est pas l’organe indispensable au musicien. C’est par le cœur, c’est par lui seul qu’il entend ! Et Beethoven ne l’a-t-il pas prouvé dans cette incomparable symphonie dont je vous parlais, composée alors que sa surdité ne lui permettait plus de percevoir les sons ? » Après Haydn, Weber, Mendelssohn, Beethoven, c’est de Mozart que Sa Majesté parle avec une entraînante éloquence. « Ah ! messieurs, dit-il, laissez déborder mon ravissement ! Il y a si longtemps que mon âme est empêchée de se livrer ainsi ! N’êtes-vous pas les premiers artistes dont j’aurai pu être compris depuis mon arrivée à Standard-Island ? Mozart !… Mozart !… L’un de vos compositeurs dramatiques, le plus grand, à mon avis, de la fin du dix-neuvième siècle, lui a consacré d’admirables pages ! Je les ai lues, et rien ne les effacera jamais de mon souvenir ! Il a dit quelle aisance apporte Mozart en faisant à chaque mot sa part spéciale de justesse et d’intonation, sans troubler l’allure et le caractère de la phrase musicale… Il a dit qu’à la vérité pathétique il joignait la perfection de la beauté plastique… Mozart n’est-il pas le seul qui ait deviné, avec une sûreté aussi constante, aussi complète la forme musicale de tous les sentiments, de toutes leurs nuances de passion et de caractère, c’est-à-dire de tout ce qui est le drame humain ?… Mozart, ce n’est pas un roi, – qu’est-ce qu’un roi maintenant ? ajoute Sa Majesté en secouant la tête, – je dirai qu’il est un dieu, puisqu’on tolère que Dieu existe encore !… C’est le dieu de la Musique ! » Ce qu’on ne peut rendre, ce qui est inexprimable, c’est l’ardeur avec laquelle Sa Majesté manifeste son admiration. Et, lorsque la reine et lui sont rentrés dans le salon, lorsque les artistes l’y ont suivi, il prend une brochure déposée sur la table. Cette brochure, qu’il a dû lire et relire, porte ce titre : Don Juan de Mozart. Alors il l’ouvre, il en lit ces quelques lignes, tombées de la plume du maître qui a le mieux pénétré et le mieux aimé Mozart, l’illustre Gounod : « Ô Mozart ! divin Mozart ! qu’il faut peu te comprendre pour ne pas t’adorer ! Toi, la vérité constante ! Toi, la beauté parfaite ! Toi, le charme inépuisable ! Toi, toujours profond et toujours limpide ! Toi, l’humanité complète et la simplicité de l’enfant ! Toi, qui as tout ressenti, tout exprimé dans une phrase musicale qu’on n’a jamais surpassée et qu’on ne surpassera jamais ! » Alors Sébastien Zorn et ses camarades prennent leurs instruments et, à la lueur de l’ampoule électrique qui verse une douce lumière sur le salon, ils jouent le premier des morceaux dont ils ont fait choix pour ce concert. C’est le deuxième quatuor en la mineur, Op. 13 de Mendelssohn, dont le royal auditoire éprouve un plaisir infini. À ce quatuor succède le troisième en ut majeur, Op. 75 d’Haydn, c’est-à-dire l’Hymne autrichien, exécuté avec une incomparable maestria. Jamais exécutants n’ont été plus près de la perfection que dans l’intimité de ce sanctuaire, où nos artistes n’ont pour les entendre que deux souverains déchus ! Et lorsqu’ils ont achevé cet hymne rehaussé par le génie du compositeur, ils jouent le sixième quatuor en si bémol, Op. 18 de Beethoven, cette Malinconia, d’un caractère si triste, d’une puissance si pénétrante, que les yeux de Leurs Majestés se mouillent de larmes. Puis vient l’admirable fugue en ut mineur de Mozart, si parfaite, si dépourvue de toute recherche scolastique, si naturelle qu’elle semble couler comme une eau limpide, ou passer comme la brise à travers un léger feuillage. Enfin, c’est l’un des plus admirables quatuors du divin compositeur, le dixième en ré majeur, Op. 35, qui termine cette inoubliable soirée, dont les nababs de Milliard-City n’ont jamais eu l’égale. [...] » « Vol.1 — Chap. VII — Cap à l'Ouest [...] Ce qu’il convient d’observer, c’est que les impressionnistes, les angoissés, les futuristes, n’ont pas encore encombré ce musée [...] » « Vol.2 — Chap. X — Changement de Propriétaires — [...] – Une cantate ?… réplique Frascolin. – Sans doute, dit Yvernès. On fera de la musique, nous jouerons nos morceaux les plus en vogue, appropriés à la circonstance… mais s’il n’y a pas de cantate, de chant nuptial, d’épithalame en l’honneur des mariés… – Pourquoi non, Yvernès ? dit Frascolin. Si tu veux te charger de faire rimer flamme avec âme et jours avec amours pendant une douzaine de vers de longueur inégale, Sébastien Zorn, qui a fait ses preuves comme compositeur, ne demandera pas mieux que de mettre ta poésie en musique… – Excellente idée ! s’exclame Pinchinat. Ça te va-t-il, vieux bougon bougonnant ?… Quelque chose de bien matrimonial, avec beaucoup de spiccatos, d’allégros, de molto agitatos, et une coda délirante… à cinq dollars la note… – Non… pour rien… cette fois… répond Frascolin. Ce sera l’obole du Quatuor Concertant à ces nababissimes de Standard-Island. » C’est décidé, et le violoncelliste se déclare prêt à implorer les inspirations du dieu de la Musique, si le dieu de la Poésie verse les siennes dans le cœur d’Yvernès. Et c’est de cette noble collaboration qu’allait sortir la Cantate des Cantates, à l’imitation du Cantique des Cantiques, en l’honneur des Tankerdon unis aux Coverley. [...] Quant à la cantate, elle est prête. Yvernès le poète et Sébastien Zorn le musicien se sont montrés dignes l’un de l’autre. Cette cantate sera chantée par les masses chorales d’une société orphéonique, qui s’est fondée tout exprès. L’effet en sera très grand, lorsqu’elle retentira dans le square de l’observatoire, électriquement éclairé à la nuit tombante. » |
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Le projet de l'île AZ L'île AZ est un projet d'île flottante inspiré du roman L'Île à hélice de Jules Verne et développé par l'architecte français Jean-Philippe Zoppini en collaboration avec les bureaux d'étude de la branche construction navale du groupe Alstom à la fin des années 1990. L'île AZ (A pour Alstom et Z pour Zoppini) est en fait une construction navale à une échelle encore jamais tentée. Il s'agirait d'un paquebot de luxe prenant la forme d'une petite ville s'étendant sur une surface de 10 ha et pouvant accueillir jusqu'à 10 000 personnes, le tout navigant à une vitesse de 10 nœuds. Le projet initialement proposé par l'architecte Zoppini était deux fois moins grand mais la direction d'Alstom souhaitait un projet beaucoup plus grand. Les images rendues publiques à la fin des années 1990 montrent ainsi un navire de 300 m de large sur 400 m de long comprenant des hôtels culminant à 78 m de haut. L'île comprendrait des plages et une marina en plus des équipements "classiques" des navires de croisière de luxe. « Pas avant 2015 ou 2016 », estime Jacques Hardelay, directeur général d'Aker Yards France. Le mois dernier, l'architecte français Jean-Philippe Zoppini, qui avait conçu dans les années 90 l'Ile AZ avec Alstom Marine, indiquait qu'un client étranger était intéressé par son concept d'île flottante. Enorme structure de 400 mètres de long pour 300 mètres de large, l'Ile AZ (pour Alstom-Zoppini), nécessiterait un investissement de 2.5 milliards d'euros. « Nous n'avons pas encore été officiellement contactés. Il n'y a pas d'études de faisabilité mais c'est un projet enthousiasmant, que l'on regardera avec intérêt », indique-t-on aux ex-Chantiers de l'Atlantique. Si ce projet voit le jour, il constituera un véritable challenge technique pour le constructeur : « Industriellement parlant, cela demanderait de trouver des solutions sur un produit hors normes ». Le premier défi serait sans doute la place. Bien que disposant de la plus grande cale d'Europe, longue de 420 mètres pour une largeur de 90 mètres, Saint-Nazaire ne possède pas une forme de construction suffisamment grande pour accueillir l'intégralité de l'Ile AZ. Haute de 78 mètres, la structure comprendrait un lagon central, d'une superficie d'un hectare, et un total de 5000 cabines. Sa capacité en base double, de l'ordre de 10.000 passagers, serait deux fois supérieure à celle des plus grands paquebots actuellement en service. Capable de résister à des mers très mauvaises, avec des creux de 30 mètres, l'île artificielle serait équipée d'un héliport et d'une marina. Incapable d'accoster dans les ports traditionnels, elle pourrait néanmoins susciter un certain engouement du côté du Moyen-Orient. Dubaï, par exemple, pourrait être intéressé par le concept. http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%8Ele_AZ http://www.meretmarine.com/fr/content/construction-navale-quand-lile-az-ressort-des-cartons |
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