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« La journée d'un journaliste américain en 2889 » Sommaire« César Cascabel »





1884/89 - « Le Château des Carpathes ».(Edit)


« Le raccordement de la chapelle est-il fini »

« Franz de Télek!... » s’écrie Rodolphe de Gortz.




Commentaire : Le Château des Carpathes est un roman de Jules Verne publié en 1892 (mais prêt dès 1889)1 d'abord sous forme de feuilleton du 1er janvier au 15 décembre dans le Magasin d'Éducation et de Récréation, dont l'action se passe en partie en Transylvanie dans les Carpathes.
Des critiques ont abondamment commenté le dispositif utilisé par Rodolphe de Gortz, parlant de "l'annonce d'une sorte de télévision ou de cinéma en relief", ou de "préfiguration, assez fruste il est vrai, des hologrammes".L'auteur donne une description assez précise des dispositifs. Le son est enregistré avec des appareils phonographiques, existants à l'époque. Jules Verne avait coutume de développer des thèmes technologiques particuliers dans ses romans. Le Château des Carpathes est placé sous le thème des développements de l'électricité et des télécommunications (le mot existe à peine à l'époque) qui a marqué les années 1880. Il nous présente un état de l'art du domaine : il parle du téléphone, dont Rodolphe de Gortz a secrètement installé une ligne ouverte entre le village et l'auberge pour entendre tout ce qui s'y dit, et il nous parle du téléphote, qu'il décrit comme étant un appareil contemporain équivalant au téléphone muni de l'image. Cependant, ce n'est pas seulement la technique du son et de l'image qui intéresse l'auteur, mais également son utilisation comme ressort dramatique, puisqu'elle permet de faire croire aux personnages et au lecteur à la réalité de l'image.


Mot-Clés : évocation psychagogique, spectre, auditoire, téléphone, écoute à distance, téléphote, écoute discrète, phonographe
Personnalités et œuvres citées : Edison


Télécharger le livre « Le Château des Carpathes »


Illustrations : http://www.scribd.com/full/3212189?access_key=key-1wn9bqgeal5fkka0m5nr
Illustrations : http://www.renepaul.net/collection_verne1/galerie.htm?chateau_carpathes




Extrait.................. Chap. 1 — « Si notre récit n’est point vraisemblable aujourd’hui, il peut l’être demain, grâce aux ressources scientifiques qui sont le lot de l’avenir, et personne ne s’aviserait de le mettre au rang des légendes. D’ailleurs, il ne se crée plus de légendes au déclin de ce pratique et positif XIX° siècle, [...], ni même en Transylvanie, où le cadre des Carpathes se prête si naturellement à toutes les évocations psychagogiques.[1] [...] »

« Chap. 3 — [...] Elle connaît la légende de Leany-Kö, le Rocher de la Vierge, où une jeune princesse quelque peu fantastique échappe aux poursuites des Tartares ; la légende de la grotte du Dragon, dans la vallée de la « Montée du Roi » ; la légende de la forteresse de Deva, qui fut construite « au temps des Fées » ; la légende de la Detunata, la « Frappée du tonnerre », cette célèbre montagne basaltique, semblable à un gigantesque violon de pierre, et dont le diable joue pendant les nuits d’orage ; la légende du Retyezat avec sa cime rasée par une sorcière ; la légende du défilé de Thorda, que fendit d’un grand coup l’épée de saint Ladislas. [...] »

« Chap. 9 — [...] Tous les regards se portèrent vers le ciel pour voir s’il n’était pas chevauché par quelque galopade de spectres.
– Et, quelques instants après, reprit le docteur, voici la cloche de la chapelle qui se met en branle !
Toutes les oreilles se tendirent vers l’horizon, et plus d’un crut entendre des battements lointains, tant le récit du docteur impressionnait son auditoire.
– Soudain, s’écria-t-il, d’effroyables mugissements emplissent l’espace... ou plutôt des hurlements de fauves... Puis une clarté jaillit des fenêtres du donjon... [...] »

« A cette époque — nous ferons très particulièrement remarquer que cette histoire s'est déroulée dans l'une des dernières années du XIXe siècle, — l'emploi de l'électricité, qui est à juste titre considérée comme « l'âme de l'univers », avait été poussé aux derniers perfectionnements. L'illustre Edison et ses disciples avaient parachevé leur oeuvre.
Entre autres appareils électriques, le téléphone fonctionnait alors avec une précision si merveilleuse que les sons, recueillis par les plaques, arrivaient librement à l'oreille sans l'aide de cornets. Ce qui se disait, ce qui se chantait, ce qui se murmurait même, on pouvait l'entendre quelle que fût la distance, et deux personnes, comme si elles eussent été assises en face l'une de l'autre[2].
Depuis bien des années déjà, Orfanik, l'inséparable du baron Rodolphe de Gortz, était, en ce qui concerne l'utilisation pratique de l'électricité, un inventeur de premier ordre. Mais, on le sait, ses admirables découvertes n'avaient pas été accueillies comme elles le méritaient. Le monde savant n'avait voulu voir en lui qu'un fou au lieu d'un homme de génie dans son art. De là, cette implacable haine que l'inventeur, éconduit et rebuté, avait vouée à ses semblables.
[...] Mais, en premier lieu, il importait au baron de Gortz d’être tenu au courant de ce qui se disait au village le plus rapproché. Y avait-il donc un moyen d’entendre causer les gens sans qu’ils puissent s’en douter ? Oui, si l’on réussissait à établir une communication téléphonique entre le château et cette grande salle de l’auberge du Roi Mathias, où les notables de Werst avaient l’habitude de se réunir chaque soir.
C’est ce que Orfanik effectua non moins adroitement que secrètement dans les conditions les plus simples. Un fil de cuivre, revêtu de sa gaine isolante, et dont un bout remontait au premier étage du donjon, fut déroulé sous les eaux du Nyad jusqu’au village de Werst. Ce premier travail accompli, Orfanik, se donnant pour un touriste, vint passer une nuit au Roi Mathias, afin de raccorder ce fil à la grande salle de l’auberge. On le comprend, il ne lui fut pas difficile d’en ramener l’extrémité, plongée dans le lit du torrent, à la hauteur de cette fenêtre de la façade postérieure qui ne s’ouvrait jamais. Puis, ayant placé un appareil téléphonique, que cachait l’épais fouillis du feuillage, il y rattacha le fil. Or, cet appareil étant merveilleusement disposé pour émettre comme pour recueillir les sons, il s’en suivit que le baron de Gortz pouvait entendre tout ce qui se disait au Roi Mathias, et y faire entendre aussi tout ce qui lui convenait.
[...] Aussi le baron de Gortz résolut-il d’attirer Franz de Télek dans le burg, et l’on sait par quels divers moyens il y était parvenu. La voix de la Stilla, envoyée à l’auberge du Roi Mathias par l’appareil téléphonique, avait provoqué le jeune comte à se détourner de sa route pour s’approcher du château ; l’apparition de la cantatrice sur le terre-plein du bastion lui avait donné l’irrésistible désir d’y pénétrer ; une lumière, montrée à une des fenêtres du donjon, l’avait guidé vers la poterne qui était ouverte pour lui donner passage. »

« Chap. 18 — [...] On se souvient de quel désespoir avait été saisi le baron de Gortz, lorsque le bruit s’était répandu que la Stilla avait pris la résolution de quitter le théâtre pour devenir comtesse de Télek. L’admirable talent de l’artiste, c’est-à-dire toutes ses satisfactions de dilettante, allaient lui manquer.
Ce fut alors que Orfanik lui proposa de recueillir, au moyen d’appareils phonographiques, les principaux morceaux de son répertoire que la cantatrice se proposait de chanter à ses représentations d’adieu. Ces appareils étaient merveilleusement perfectionnés à cette époque, et Orfanik les avait rendus si parfaits que la voix humaine n’y subissait aucune altération, ni dans son charme, ni dans sa pureté.
Le baron de Gortz accepta l’offre du physicien. Des phonographes furent installés successivement et secrètement au fond de la loge grillée pendant le dernier mois de la saison. C’est ainsi que se gravèrent sur leurs plaques, cavatines, romances d’opéras ou de concerts, entre autres, la mélodie de Stéfano et cet air final d’Orlando qui fut interrompu par la mort de la Stilla.
Voici en quelles conditions le baron de Gortz était venu s’enfermer au château des Carpathes, et là, chaque soir, il pouvait entendre les chants qui avaient été recueillis par ces admirables appareils. Et non seulement il entendait la Stilla, comme s’il eût été dans sa loge, mais – ce qui peut paraître absolument incompréhensible, – il la voyait comme si elle eût été vivante, devant ses yeux.
[...] Mais, lorsque Orfanik eut appris qu’une balle avait brisé l’objet que Rodolphe de Gortz emportait entre ses bras, il comprit. Cet objet, c’était l’appareil phonographique qui renfermait le dernier chant de la Stilla, c’était celui que Rodolphe de Gortz avait voulu entendre une fois encore dans la salle du donjon, avant son effondrement. Or, cet appareil détruit, c’était la vie du baron de Gortz détruite aussi, et, fou de désespoir, il avait voulu s’ensevelir sous les ruines du burg. Le baron Rodolphe de Gortz a été inhumé dans le cimetière de Werst avec les honneurs dus à l’ancienne famille qui finissait en sa personne.
Quant au jeune comte de Télek, Rotzko l’a fait transporter au château de Krajowa, où il se consacre tout entier à soigner son maître. Orfanik lui a volontiers cédé les phonographes où sont recueillis les autres chants de la Stilla, et, lorsque Franz entend la voix de la grande artiste, il y prête une certaine attention, il reprend sa lucidité d’autrefois, il semble que son âme s’essaie à revivre dans les souvenirs de cet inoubliable passé. [...] »






Documents(Edit)

../files/articles/julesverne/carpathes3.jpgLe Vieux Château (The old castle)
Parc Nicolae Romanescu
Craiova (Krajowa), Roumanie






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  1. Il y parle ainsi d’« évocations psychagogiques », c’est à dire qu’il fait référence à l’évocation magique des morts. Effectivement, quand la science et la technique ne sont pas comprises, on assimile tout alors à de la magie. La science crée ainsi l’illusion (d’optique par exemple) en donnant l’impression qu’elle peut conserver à jamais la voix et l’image d’une personne morte (celle de la Stilla en l’occurrence). Ce qui est amusant dans ce comportement, c’est que nous le retrouvons toujours un siècle plus tard (notamment avec la cryogénie). http://jules-verne.pagesperso-orange.fr/carpathes.htm
  2. Elles pouvaient même se voir dans des glaces reliées par des fils, grâce à l’invention du téléphote.





   
   
   
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