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ORTF, Chefs d'œuvre en péril, 1962-1975
Chefs d'oeuvre en péril - 06/05/1964 - 02min37s
Archives INA - http://www.ina.fr/video/I08010372/quartiers-anciens-de-metz.fr.html
''Chefs-d'œuvre en péril'' était une émission de télévision sur le patrimoine français créée et présentée par Pierre de Lagarde et diffusée sur la deuxième chaîne de l'ORTF de 1962 à 1975 puis jusqu'en 1992 sur Antenne 2.
«Chefs-d'œuvre en péril», le titre de l'émission est passé dans le langage courant. Pierre de Lagarde, né en 1932, est un passionné de vieilles pierres. Il sait raconter, faire vibrer chez les téléspectateurs les cordes sensibles de l'histoire et de la spiritualité, il sait aussi crier au scandale. C'est en découvrant, stupéfait, le courrier qui suivit un premier reportage consacré aux monuments de France qu'il eut l'idée de lancer cette série qui occupa les écrans de 1962 à 1974. Durant ces années, le patrimoine est devenu la première passion et le premier loisir des Français. Bien avant que ne soient lancées les Journées du patrimoine, il en avait inventé tous les ressorts. La force de l'émission a été de reposer sur des lettres, des témoignages, des interviews non seulement d'architectes ou de spécialistes mais d'habitants des lieux. Dans l'émission consacrée à l'abbaye de La Lucerne (voir ci-contre), on entend un vieux M. Lefranc qui témoigne, la casquette sur la tête : «Certains disent qu'il vaudrait mieux donner cet argent pour faire des logements neufs pour de jeunes ménages, moi je dis que ça nous fait plaisir…»
Les «prix chefs-d'œuvre en péril» accompagnèrent l'émission, relayés dans toutes les régions. Les images de la remise des récompenses par Valéry Giscard d'Estaing à l'Élysée montrent, comme une consécration, à quel point cette émission avait fini par jouer un rôle que le ministre chargé de la Culture pouvait jalouser ! La France émerveillée découvre les maisons rurales du Limousin, les églises de Toulouse, la maison des échevins d'Issoire, couronnée par un des premiers prix. Cent cinquante monuments au moins ont été sauvés. En 1964, les images de la démolition du vieux Metz, où des quartiers médiévaux sont éventrés «au profit de l'automobile», sont à fendre l'âme. Pour construire le «centre Saint-Jacques» au cœur de la cité, on rase des rues, des hôtels du XVIIe ; des maisons aux décors sculptés partent à la benne. Une voix off lit le pamphlet de Victor Hugo Guerre aux démolisseurs, l'effet est saisissant - mais le désastre s'opère malgré tout. «Chefs-d'œuvre en péril» ne se borne pas à défendre églises et châteaux. Pierre de Lagarde, en avance sur son temps, met en exergue le petit patrimoine rural, celui que l'État ne va ni classer ni inscrire et qui disparaît, victime des tout-puissants services de l'équipement. Il ose présenter aussi, dès 1964, avec un commentaire très élogieux, Le Havre reconstruit par Auguste Perret. La ville ne sera inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco qu'en 2005, après une restauration exemplaire. L'émission aurait pu continuer. Elle apprenait à voir l'architecture, au-delà des sites consacrés et des monuments les plus célèbres. Elle encouragea l'action de tous les bénévoles du patrimoine qui, chaque été, maniaient les brouettes et les débroussailleuses. Pierre de Lagarde anime encore aujourd'hui sur la chaîne catholique KTO une série intitulée «Églises de France» qui poursuit l'esprit de sa série culte. Fasse le Ciel qu'il continue longtemps !
Adrien Goetz, 27/07/2009, "Le Figaro"
Références :
Autres Archives INA :
- http://www.ina.fr/video/CPF86620936/les-chateaux-forts.fr.html
Chefs d'oeuvre en péril - 09/03/1965 - 23min59s
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