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2.4. La syntonie(Edit)
Dans son article « Faire de la musique ensemble » (Schütz, 1951[1987])[1], Alfred Schütz analyse la situation musicale constituée d’un groupe d’interprètes et d’auditeurs ensemble, s’orientant les uns les autres à partir d’indices et de réactions d’interprétation au long d’un temps musical (ce qu'il appelle la « syntonie ») :
Chaque action de chaque interprète s’oriente non seulement selon la pensée du compositeur et sa relation au public mais, aussi, de façon réciproque, selon les expériences dans les temps externe et interne des autres interprètes ; [...] [c]hacun d’eux doit, par conséquent, prendre en compte ce que l’Autre doit interpréter simultanément. [...] Tout musicien de chambre sait à quel point une disposition qui les empêche de se voir peut être dérangeante. (Schütz, 1951[1987]){footnote}Schütz, Alfred. (1951[2007]). Op. Cit. (p. 136).[/footnote}. |
Ces situations de syntonie basées sur les éléments phatiques et de prosodie musicale dans la télémusique dans laquelle les musiciens sont acousmates, sont essentielles pour les concerts en réseau de musique improvisée expérimentale (c'est-à-dire sans partition ni direction des musiciens) tels qu'ils se développent aujourd'hui (« nomusic.org », « Le Placard », « Sobralasolas ! », etc.). Dans ces cadres d’improvisation voire de co-composition, les musiciens construisent des configurations spécifiques qui leur permettent de se syntoniser, d'engager des et de suivre une conduite commune aussi minimale soit-elle (pour, par exemple, la gestion du début et de la fin d'un set), en plus du suivi effectué par l'écoute : par exemple, en utilisant une interface textuelle de communication (de type IRC, « chat »), ou une communication visuelle (de type « Skype » et « iChatAV »), ou encore en proposant que le point d'émission à domicile (« at home ») de chaque musicien lorsque ceux-ci sont tous répartis, soit le lieu d'accueil d'un public local. Ainsi il y a autant de lieux d'émission que de lieux de réception publique, le public étant distribué. Une dernière proposition est d'ouvrir à un public internaute (disséminé, pouvant écouter chez eux) en mettant à disposition sur les réseaux l'accès à l'écoute du stream général de la performance collective[2].
Il s'agit d'explorer les conditions des ensembles instrumentaux distribués et des systèmes de jeux et d’écriture qu’elles engagent vis-à-vis d’un dispositif initial issu des formes concertantes et performatives : les places du public, de l’audience, de l’auditeur et des musiciens s’ajustent sur cette question de participation et de syntonie. C'est l'enjeu, aujourd’hui, de plusieurs projets d’œuvres et de composition musicales en réseau sont menés par les compositeurs[3]. Durant les années 80, le collectif The Hub pratiquait également lors de concerts ce type d’improvisation informatique sur une configuration en réseau à laquelle les performeurs sur scène étaient tous reliés, interagissant les uns les autres ; nous pouvons aussi nous référer aux improvisations électroniques qui se sont développées antérieurement à cette date (David Tudor, John Cage, AMM, Karlheinz Stockhausen, etc.)[4], même si ces structures de participation peuvent sembler plus éloignées.
(à développer : autres références sur la syntonie (télépathie selon Freud ?))
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- ↑Schütz, Alfred. (1951 2007). Faire de la Musique Ensemble – une étude de la relation sociale. In "Écrits sur la Musique, 1924-1956". Collection Répercussions. Trad. Bastien Gallet et Laurent Perreau. Paris: Éditions M.F. Musica Falsa, (pp. 133-138). Citons par exemple ce passage: « A travers cette re-création du processus musical, l’interprète prend part au courant de conscience du compositeur aussi bien que de l’auditeur. De ce fait il aide ce dernier à s’immerger dans l’articulation particulière du flux du temps interne qui est le sens propre du morceau de musique considéré. Que l’interprète et l’auditeur partagent entre eux un présent vivant dans une relation de face-à-face ou qu’ils ne partagent, par l’interposition de procédés mécaniques comme le disque, qu’une quasi-simultanéité de leur courant de conscience, importe peu. Ce dernier cas renvoie toujours au premier. La différence qui existe entre les deux démontre seulement que la relation entre l’interprète et le public est sujette à des variations d’intensité, d’intimité et d’anonymat. On comprend cela très bien si l’on imagine un auditoire constitué d’une seule personne, d’un petit groupe de personnes dans un lieu privé, d’une foule remplissant une grande salle de concert ou des auditeurs entièrement inconnus d’une exécution radiophonique ou d’un disque vendu dans le commerce. Dans toutes ces circonstances, l’interprète et l’auditeur se syntonisent l’un sur l’autre. »
- ↑Comme par exemple dans les concerts réalisés par les collectifs « Sobralasolas ! » et « nnybinap », ainsi que dans le cadre des événements « nomusic » et du « Placard » (Emmanuelle Gibello). http://sobralasolas.org/
- ↑Par exemple : Pedro Rebelo (« NetRooms — The Long Feedback », http://www.sarc.qub.ac.uk/~prebelo/netrooms/ ), Georg Hadju (« Net.Quintet », http://www.quintet-net.org/ ), et le collectif « Sobralasolas! » initié par Jérôme Joy, http://sobralasolas.org/ ).
- ↑http://www.emf.org/tudor/ , http://www.fondation-langlois.org/flash/f/index.php?NumPage=571 , http://www.efi.group.shef.ac.uk/mamm.html , « Aus den Sieben Tagen » (1968, œuvre créée en 1969) de Karlheinz Stockhausen.