On extended, boundless, vibratory and in-the-now sympathy music

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LOCUS SONUS — LES ESPACES SONORES EN RÉSEAU

Pratiques de la recherche en art

(Jérôme Joy, Peter Sinclair)
Ph.D. Art Audio et Musique Expérimentale, Université Laval, Québec (CAN)
Ph.D., CRiSAP, LCC, University of the Arts, London (UK)
Locus Sonus – audio in art, Groupe de Recherche en Art Audio, http://locusonus.org/
École Nationale Supérieure d’Art de Bourges, École Supérieure d’Art d’Aix en Provence, France
joy(at)thing.net , support(at)locusonus.org, petesinc(at)nujus.net


accès au site web Locus Sonus
http://locusonus.org/




2009


Publié In "Recherche & Création - Art, Technologie, Pédagogie, Innovation", sous la direction de Samuel Bianchini, pp. 122-139. Paris: Éditions Burozoïque / Les Éditions du Parc, École Nationale Supérieure d’Art de Nancy, 2009.


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ABSTRACT(Edit)

Le laboratoire de recherche en art Locus Sonus travaille depuis son lancement en 2004, à l’initiative de l’École supérieure d’Aix en Provence, sur les enjeux croisés entre audio en espace et audio en réseau. Il est porté en tant que postdiplôme par l’ESA d'Aix en Provence, l’École nationale supérieure d'art de Bourges (depuis 2010) (après l’École nationale supérieure d'art de Nice Villa Arson, de 2004 à 2010), auxquelles s'est associée à la rentrée 2007 l'École supérieure des beaux-arts de Marseille (jusqu'en 2008). La création du laboratoire répond au cadre naissant de structuration de la recherche dans les Écoles supérieures d’art. Son objectif est d'expérimenter les aspects innovateurs et transdisciplinaires des formes et des pratiques artistiques sonores. Il s’agit, d’une part, d’assurer la mission de créer un corpus de connaissances et un espace critique vis-à-vis des pratiques en art audio qui se trouvent en pleine évolution, dans un contexte actuel technologique et socio-technique fort, et d’autre part de sonder les contextes historiques qui les fondent et qui tissent des références inédites par les croisements incessants, activés par les artistes eux-mêmes dans les courants de l’Histoire, entre art et musique. L’ensemble des ressources constituées est ainsi mis à disposition des écoles d’art et des domaines artistiques et scientifiques qui sont connexes.

Équipe Locus Sonus :

Jérôme Joy (dir. de recherche), Peter Sinclair (dir. de recherche), Anne Roquigny (coordination administrative et de production)

Chercheurs : Nicolas Bralet (2005-2008), Julien Clauss (2008-2013), Stéphane Cousot (2010-...), Alejo Duque (2008-2013), Scott Fitzgerald (2008-2011), Sabrina Issa (2007-2008), Anne Laforet (2010-...), Grégoire Lauvain (2010-...), Nicolas Maigret (2007-2008), Esther Salmona (2005-2008), Lydwine van Der Hulst (2005-2008).




À Michel Waisvisz (1949-2008)



CRÉATION ET RECHERCHE(Edit)

Locus Sonus ouvre donc un champ de recherche sur les territoires de la création associés aux développements dans les domaines de l’audio en espace et en réseau. Cette investigation engage le croisement de plusieurs points de vue : celui technologique à propos d’expérimentations artistiques sur les outils et systèmes de communication en plein développement aujourd’hui, celui artistique par l’interrogation des formes artistiques et de leur adresse publique ; et, en conséquence, celui des évolutions de l’espace de création et social engendrées par celles des espaces sonores et technologiques.

Les premiers projets du laboratoire[1] ont été développés et réalisés à partir d'expérimentations des techniques de streaming (lecture en continu de media sur les réseaux) engageant les problématiques liées aux pratiques des flux en espace et en réseau[2]. Cela a été le sujet principal des symposiums « Audio Géo » et « Audio Sites » en 2005 et 2006, et du lancement du partenariat privilégié que depuis nous menons avec le laboratoire de sociologie CNRS/LAMES[3]. Ce dernier s’intéresse aux modifications créées par les technologies dans la production artistique et aux modalités selon lesquelles le public répond à ces modifications. Il faut comprendre que les articulations et les déplacements entre les objets de recherche au sein du laboratoire s’effectuent dans le fil des travaux menés, en interlocution avec les domaines de recherche associés. Au travers des programmes Audio Extranautes, Audio Urbain et étendu, Audio Ambiances (Art sonore, Ambiances urbaines et Prise de place publique)[4] lancés depuis 2007/2008, deux axes constituent notre recherche actuelle et nos réalisations en cours : Field Spatialization[5] et Networked Sonic Spaces (Espaces sonores en réseau). Cette recherche est basée sur la création d'un corpus artistique et technique et sur une méthodologie dirigée par la pratique et orientée sur la réalisation artistique publique (expérimentation contrôlée). Notre proposition s’appuie sur une mise à jour d’un champ expérimental situé aux intersections et dans les apports respectifs des domaines artistiques plastiques et musicaux.



LE LABORATOIRE, FORME COLLECTIVE DE RECHERCHE(Edit)

Un des facteurs importants voire constitutifs du laboratoire Locus Sonus concerne les aspects collectifs et de collaboration. Nous observons que, d’une part, ceux-ci sont inhérents à la plupart des pratiques audio émergentes, qu’elles soient directement liées à Internet ou non, et que, d’autre part, ils déterminent les conditions des enjeux qui nécessitent de travailler à plusieurs sous des formes collaboratives. Dans ce sens, la dénomination pratique que nous avons choisie, laboratoire, se réfère à l’activité d’un groupe ou unité de recherche qui interroge continuellement et collectivement les objets qu’il engage. Le laboratoire existe s’il propose un espace de travail, d’expérimentation, de réalisation et de développement qu’il serait impossible de mener seul dans le cadre des modalités d’un travail artistique personnel en analogie avec ce qui se passe habituellement, et ceci au-delà de la disponibilité d’un espace privilégié tel que les postdiplômes actuels dans les Écoles d’art, et au-delà aussi de la collaboration professionnelle à un projet commun. Le dispositif laboratoire vient compléter ces formes existantes. Ainsi, depuis sa création, Locus Sonus accueille un petit nombre d'artistes-chercheurs postmaster qui constituent — avec les membres permanents — l'équipe de recherche. Les provenances des membres du laboratoire sont plurielles : le groupe de recherche est accessible à tout jeune artiste ou chercheur d’un niveau postmaster quel que soit son cursus, national ou international, et selon des profils requis vis-à-vis des programmes menés : artiste, développeur, etc. Il apparaît ainsi que le développement de la recherche au sein d’une unité demande une assise sur des méthodologies reconnaissables et « partageables » par et avec d’autres, qui dépasse la seule proposition d’un projet artistique personnel qui correspondrait plus adéquatement à une réalisation dans d’autres cadres de production que ceux de la recherche. Cette équipe travaille ensemble tout au long de l’année à partir de méthologies communes et croisées, sans ignorer les initiatives individuelles qui en retour viennent repositionner le laboratoire et mettent à jour des problématiques commensales. Locus Sonus est nomade, mutualisé sur deux institutions d’enseignement artistique distantes de deux cents kilomètres l’une de l’autre, trajet que l’équipe parcourt régulièrement pour des sessions de travail en commun sur ces deux lieux et également pour des périodes de développement et de réalisation dans des structures partenaires. Les programmes du laboratoire sont soutenus par des financements obtenus par des candidatures à des appels d’offre liés à des contrats de recherche : les crédits-recherche de la DAP (Délégation aux Arts Plastiques) sur les trois premières années, l’accord-cadre CNRS / ministère de la Culture depuis 2007, et nos demandes, en 2008, auprès de l’ANR (Agence Nationale de la Recherche) et de l’Europe. En parallèle nous participons avec les Écoles d’art d’Aix et de Nice aux programmes franco-américains de partenariat universitaire FACE (2005-2008) et puf (depuis 2008)[6] qui nous associent à la School of the Art Institute of Chicago (SAIC), notamment en ce qui concerne l’expérimentation et le développement avec les espaces virtuels sonores[7]. Par ailleurs, les projets de réalisation sont produits ou co-produits par des structures de diffusion et par l’obtention d’aides aux projets.

Le laboratoire propose des processus de travail, de recherche et de réalisation qui combinent :

  • l'expérimentation pratique dite « contrôlée », dans le sens où les productions du laboratoire sont de l’ordre de la réalisation artistique à partir d’une hypothèse mise en commun (ou d’une série d’hypothèses). Cette dernière est centrée sur un ou des problèmes issus d’instabilités ou de désajustements décelés, d’ordre pratique, technique et de l’ordre de questionnements de régimes de perception, d’attention et de formes. Ces expérimentations continues donnent lieu à des réalisations artistiques publiques qui rendent lisibles ou « problématisent » des éléments des contextes environnants qu’ils soient technologiques, techniques, sociaux, etc., tout en réhaussant les éléments inhérents à la pratique artistique (esthétique, place du public, etc.) ;.
  • et l'évaluation critique en interrogeant collectivement les espaces sonores selon les deux axes référentiels du laboratoire — audio en espace, audio en réseau — par l’apport et le va-et-vient des questions avec des domaines scientifiques impliqués ou voisins (principalement en sciences humaines : sociologie, esthétique, etc.)[8] par coévaluation, cocréation (essaimage de questions et feedbacks permanents) et par un mode continu d’alternance au sein du laboratoire entre expérimentation et publication (études, réalisations, articles, etc.). Ces échanges se concrétisent par la réalisation de symposiums annuels : Audio Géo (2005), Audio Sites (2006), Audio Extranautes (2007/2008), etc.

La question de l'évaluation « scientifique » prend en compte cette dimension collective du laboratoire en tant que base ferme de la recherche commune. Autant l’artiste-chercheur est amené à s'inscrire dans le laboratoire au vu des compétences et des expertises qu'il ou elle amène à l'équipe de recherche (par les appels à candidature et à recrutement), autant il ou elle est en même temps sollicité(e) pour contribuer à la construction et au développement de la recherche et à se situer individuellement dans ce cadre, en rendant significatifs les écarts, les mobilités et les conjonctions entre les apports et projets personnels et l'élaboration collective. L'identification de cette échelle est le moteur même du laboratoire.



SON / ESPACE(Edit)

Au cœur de cet espace de recherche et d'expérimentation, la notion couplée « son / espace » (l'espace problématisé par le son et vice versa) est la rotule essentielle de nos investigations. Celles-ci proposent un éventail de propositions, allant de la performance et du concert aux installations et projets en ligne, en passant par toutes les modalités et opérations de restitution et de diffusion acoustique et électroacoustique, de mises en place de systèmes, d’appareils et de dispositifs (lutheries, programmes, interfaces, publics, audiences), ou encore d'actions et de processus en direct jouables et interprétables (performances, compositions, im- et com-provisations, etc.). La mise en œuvre principale du laboratoire concerne les transports des sons (et des ambiances) donnant lieu à la construction de dispositifs de streaming et d'environnements sensoriels et expérientiels constituant des dispositions et des types d'écoute, synchrones et asynchrones, locaux, distants et situés, personnels et collectifs, autophones et chronotopes : les espaces sonores en réseau.

Notre utilisation du streaming est particulière car elle se base sur la mise en place d’un réseau de micros ouverts (web-mikes), et la transmission en direct des captations non-altérées et brutes d’environnements et d’étendues sonores : des sons qui emportent ou importent avec eux le sens de leur étalement (moins des sources que des « bassins ») [3] [11]. Dans tous les cas, il s'agit de sonder les espaces et les perceptions de ceux-ci dans les aspects multiples de l'in situ (site-specific) et de l'in tempo (time-specific) — l'architecture, l'ambiance, l'espace contextuel, la localisation et la spatialisation, le paysage (soundscape), la proprioperception, etc. Cette panoplie d'instances et de constituants peut déployer plusieurs registres à expérimenter et à problématiser[9] : résonances (espace unitaire et espaces reliés), transmission et diffusion (transports de sons d'un espace à un autre), spatialisation et mise en espace (composition et virtualisation d'espaces), temporalités d'espaces et multiplicités de points de vue (et d'écoute), réplique et différenciation des lieux, etc.

Au-delà de la simple démonstration de techniques et de technologies de médiation à distance, l’intérêt du laboratoire s’est porté sur les conditions d’ouvertures de problèmes, dynamisées par la pratique de tels systèmes de transmission sonore liés aux critères de modification d’espaces et de production de matériaux sonores.



PRATIQUES LIÉES AUX ESPACES CORRÉLÉS(Edit)

Les dispositifs développés par le laboratoire font appel aux interactions, interférences et corrélations entre espaces locaux et distants, virtuels et physiques, et aux modifications qui en résultent :

  • par la production et à la diffusion en direct relayée par Internet par l’intermédiaire d’un environnement serveur spécifiquement programmé, de multiples flux sonores captés par un réseau évolutif de microphones ouverts1 en permanence, disséminés dans des lieux géographiques autour du globe, placés et maintenus par de nombreux complices et collaborateurs, et pouvant devenir matériaux ou sources sonores pour des projets connexes et des réalisations issues de pratiques de composition et d’interprétation, (Locustream)[10]http://locusonus.org/soundmap/ ;
  • par la construction d’interfaces, dynamiques et automatisées, d’écoute en ligne des streams en direct, (Locustream SoundMap, Locustream Tardis)[11]http://locusonus.org/soundmap/ , http://locusonus.org/tardis/ ;
  • par la réalisation d’installations d’écoute, de dispositifs de spatialisation et de systèmes d’interactions d’espaces acoustiques et virtuels, autour des notions de mixed realities, de permutations remote/local, de résonances et de sympathies, donnant lieu à des pratiques partagées d’auditeur et à des parcours d’écoute (Locustream Tuner, Locustream Promenade, LS in SL — Second Life —, New Atlantis) ;
  • par les développements d’appareils mobiles et autonomes de performance, de captation sonore en direct (Wimicam, micro parabolique HF et WiFi pour effectuer des relevés audio, en duplex ou multiplex, dans des périmètres délimités, et équipé de controllers pour piloter des traitements et la spatialisation sonores live), et de streaming (LocustreamBox : terminal/client émetteur — micro ouvert — ou récepteur — haut-parleur permanent —, reconnus automatiquement par le serveur et par les systèmes connexes : interfaces en ligne et dispositifs d’installation[12]).

Ces dispositifs Locustream peuvent s’articuler les uns avec les autres, entre installations et performances, entre interfaces en ligne et espaces physiques, entre manipulations et écoutes, et interrogent les passages entre les pratiques et les formes qu’ils mettent à jour. De même, les mises en place de ces systèmes proposent des modes de collaboration et des protocoles spécifiques engageant la construction de communautés de recherche, de développement et de participation[13], et résonant avec la méthodologie du laboratoire mobilisée autour d'hypothèses mises en commun. Ces interrogations ouvrent un espace créatif pour le développement de projets conséquents menés par des collaborateurs[14] et partenaires[15] ainsi que par les membres du laboratoire[16].

Ces réalisations sont accompagnées par le développement de projets documentaires et théoriques venant alimenter et ressourcer les méthodologies pratiques. C’est le cas notamment du projet de recherche Networked Music & SoundArt Timeline (NMSAT) développé depuis cette année et qui propose un historique des pratiques sonores en réseau révélant la filiation des problématiques artistiques et théoriques liées à ces pratiques. Cet aspect de la recherche permet de contribuer de manière significative à la communauté internationale de recherche en construisant une ressource commune et inédite sur cet objet, tout en favorisant l’initiation de tout un faisceau et un horizon de questions à explorer.



ENJEUX ET PERSPECTIVES(Edit)

Comme nous l’avons vu, notre interrogation actuelle des espaces sonores en réseau tourne autour des conditions de modifications de la perception et des pratiques liées aux espaces et impliquées dans les dispositifs qui agissent ou interagissent avec les lieux ou avec plusieurs lieux simultanément. Cette mise en réseau d’espaces se trouve indexée moins à une forme existante (téléconcert ou dispositif interactif télématique [2]) qu’à des dimensions sociales et topiques (communautés de création et d’attention [10]) inhérentes à la création de circuits d’espaces et de participations de jeux, organisations réparties d’acoustiques reliées). Si le terme « en réseau » indique communément une répartition distribuée multi-sites des points d’émission et de réception et une simultanéité d’interactions real-time entre ces sites, notre intérêt se porte plus particulièrement sur les médiations, les interlocutions et les contrôles entre les formes de composition et de jeu (live composition), les formes instrumentales (système / appareil / dispositif / collective instrument) et les formes d’écoute et d’attention (publics / shared audiences), ainsi que sur les réseaux acoustiques : Comment jouer de ces flux, de ces streams, de ces matériaux continus, factuels et imprédictibles, sons de contextes distants ? De quelle organologie[17] relève ce méta-/multi-/télé-instrument autophone et ces interfaces (collectives) jouables innervées de flux sonores captés à distance ? Comment les dimensions agogiques[18] (delays, latencies, bandwith) perceptibles dans l’écoute et le retour de jeu dans un système en réseau amènent un travail de composition avec les espaces [1] ? Comment l’interaction et les influences entre des espaces acoustiques distants, qui n’est possible qu’à partir d’un système en réseau [8], peut offrir de nouveaux types de performances et de composition en direct ?

Afin de ne pas s’abandonner à la fluidité des flux sonores streamés et à nos habitudes d’écoute, nous abordons les pratiques situées des lieux reliés qui ouvrent de multiples pistes: « remote acoustics »[19] (LS in SL[20], New Atlantis, les projets Espaces chantants et LAPS de Nicolas Maigret), « remote soundscapes and listenings » (Locustream), « remote sound recording » et « post-recording » (Journal de Streams d’Esther Salmona, Streams Fictions de Nicolas Bralet), « inter-modulated soundscapes », « re-composed/improvised soundscapes » et « remote performances » (Concert Sympathique Mondial de Sabrina Issa, Sobralasolas ! et nocinema.org de Jérôme Joy[21], Road Music - Autosync de Peter Sinclair[22]).

L'instrument (organon) devient le système en réseau, avec ses inputs et ses outputs, qui peut être excité, depuis son extérieur et de manière programmée et processuelle, pour produire des modulations, des inter-modulations et des artéfacts acoustiques, contrôlables, composables, interprétables à la fois par les auditeurs (public) et par les acteurs (players, streamers, auteurs) à l’aide d’interfaces et de dispositifs hybridant les espaces (local/remote). Il engage des opérations récurrentes et itératives (jouabilité, performativité, interactivité, participativité) dans un système cohérent qui forme un appareil ou un dispositif dont il s'agit de faire l'expérience en tant qu'œuvre. Ceci amène à constituer des pratiques et des écritures possibles à partir des dispositifs et des appareils de streaming et de réception que nous développons : gestes et dérives d’écoute, annotations, sillons et sillages d’écoutes, participations des auditeurs et interactions d’écoute[23], ambiances et imaginaires (écoute cagéenne), réinstanciation continuelle entre auteur, interprète et auditeur[24].

Dans ce sens, ce que nous explorons en tant que Field Spatialization[25] permet de mettre l’accent sur les pratiques liées à la mise en espace sonore à multiples échelles (Networked Sonic Spaces) — allant du streaming à l'acoustique, la téléphonie, la radiophonie, et aux espaces virtuels —, aux sondages des espaces (indoor / outdoor) et à la mobilisation de l'espace sonore personnel aux notions de flux dans la représentation artistique sonore — locative et variable media —. (à titre d’exemples : Net_Dérive d’Atau Tanaka, Silophone de The User, City Links de Maryanne Amacher, Variations VII de John Cage, RadioNet de Max Neuhaus, Sound Island – Landscapes Soundings de Bill Fontana, Netrooms de Pedro Rebelo) [4]. Les problématiques qui s’ouvrent avec cette notion de Field Spatialization permettent de mieux interroger et discerner les dimensions impliquées dans les pratiques sonores d’espace et en réseau. Elle met à jour un séquencement des mises en espace articulées à des distances et des terrains : de la diffusion sur haut-parleurs dans un espace local à celle sur haut-parleurs HF dans un périmètre plus large (outdoor), au streaming entre des espaces disjoints et distants, jusqu’à des innervations de diffusions et d’acoustiques entre espaces physiques et espaces virtuels.

L'ouverture d’écarts critiques au sein de ces investigations s’est posée sur la question d’Audio Extranautes issue de nos interlocutions régulières avec les domaines de la sociologie, de l’épistémologie, de l’esthétique, de l'anthropologie sonore et de l'innovation technologique[26]. La notion d'extranaute qualifie, dans un sens élargi, d’une part, l'individu ou la communauté naviguant et actant dans des va-et-vient entre le on-line (intra-) et le off-line (extra-) — entre hybridation et immersion —, et, d’autre part, les manifestations dans l’espace physique des projets en réseau[27] qui offrent ainsi de nouvelles vitesses (ralenties) à l’expérimentation des flux. Elle permet d’aborder de manière plus précise et commune les questions afférentes aux formes publiques et d’attention (nouvelles scénarités et constructions de public), aux transports d’ambiances et partages du sensible, aux formes expérientielles des flux, du temps réel et d’organisations de temporalités, et aux open models et dispositifs coopératifs [6], etc.

Cette exploration des systèmes d’espaces en réseau révèle et rend lisible les contextes des pratiques nouvelles qui s’y développent entre espaces physiques et espaces virtuels (de l'ordre de ce que nous pourrions appeler une audibilité sociale ou un état musical et sonore des réseaux [5]) tout en offrant une dimension expérimentale renouvelée de la création musicale et sonore.



IDENTIFICATION DE LA RECHERCHE EN ART(Edit)

La mise en place du laboratoire et des dialogues transdisciplinaires ont pris en compte les questions de la différentiation et de l’identification de la « recherche en art »[28] et de la recherche sur l’art (auxquelles nous pourrions ajouter une autre dimension à explorer : la recherche par l'art). L’originalité de la construction de Locus Sonus peut tenir en plusieurs points : l’initiation du projet par deux artistes-enseignants « en son » (Peter Sinclair et Jérôme Joy), la mutualisation de deux établissements d’enseignement artistique et d’un troisième associé (ESBAM Marseille — entre 2007 et 2008 ; depuis l'ENSA de Bourges a remplacé la Villa Arson qui a porté le projet entre 2004 et 2010), la volonté de fonder un lieu de spécialisation / espace de recherche dans lequel sont explorées les problématiques et les questions spécifiques des pratiques artistiques tout en constituant un corpus de connaissances et de réalisations reconnaissables dans une échelle élargie, la nécessité de favoriser les échanges avec les cycles d’enseignement, et la relation continue avec des unités de recherche scientifiques et artistiques, afin d’innerver tout un réseau d'articulations et d'interlocutions avec d'autres domaines. Ce sont, nous semble-t-il, des conditions nécessaires pour l'ouverture d'un espace commun de recherche, de débat, d'investigation, et de transmission d'états en mouvement.

L’initiation de la recherche au sein de Locus Sonus est issue d’un point de convergence entre des problématiques et des pratiques résultant de nos travaux respectifs (en tant qu’artistes et enseignants) et celles d'un espace commun d'expérimentation et de réalisation artistique. Cette investigation participe à la mise à jour, essentielle dans le débat actuel, des enjeux de la recherche en art[29]. Ce qu'il faut entendre par recherche en art est fondé sur — et impliqué dans — la pratique artistique. Ses rendus et publications sont de l'ordre de la réalisation artistique articulée à des questions théoriques et sur des méthodologies contrôlées. Il ne s'agit pas de vérifier des concepts ou des théories, mais d'ouvrir des espaces critiques à partir d'objets qui semblent stables ou fixes dans un champ en transformation et qui sont précisés dans un domaine de pratiques (ici sonores). Si la recherche en art nous paraît essentielle, c'est parce qu'il semblerait préjudiciable que, d'une part, des objets fûssent exclusifs au domaine de l'art et que, d'autre part, certains d'entre eux, issus de l'art ou dont les artistes doivent s’emparer, soient confisqués ou « résolus » par d'autres domaines. Poser des questions et simultanément les éprouver artistiquement et techniquement — d'autant plus que nous signifions qu'il est important de faire ceci ensemble —, est nécessaire car il s'agit avant tout d'un lieu de pratiques initiant et construisant un corpus critique, dans une dimension et une échelle adéquates à son expression et dans une actualité questionnée, là où les interrogations contemporaines perçoivent des déplacements, des désajustements et des controverses. Ceci demande une nouvelle lecture de la relation continue entre recherche personnelle artistique et recherche collective en art[30] — nous avons remarqué à ce propos que l’activité de recherche en art stimule de manière aigüe et pérenne le travail artistique individuel. Spécialiser (et préciser) c'est aussi affirmer le point d'où l'on parle, d'où l'on pratique, c'est créer un lieu d'interlocutions (les espaces de recherche dans les Écoles d’art), ce qui nous semble primordial. De tels dispositifs répondent à une incitation artistique et pédagogique — dans le sens de la transmission — animant des espaces réels d'interrogation des pratiques, des processus d'élaboration et de fabrication, et des modes de conceptualisation et de pensée.

L'exploration est à continuer pour aider à distinguer les formes multiples de la recherche en art sans les subordonner à celles de la recherche sur l'art[31], et sans les plier aux formes pédagogiques existantes dans le cursus ou à celles présentes de manière récursive dans les postdiplômes des Écoles d'art (adoptant le modèle résidence/création/exposition). La recherche et la création sont la destination des Écoles d’art : interroger et amplifier leurs croisements, leurs tensions et leurs articulations constructives au sein de ces lieux d’enseignements, qui restent mobiles, mobilisés et des socles énergiques, permet de discerner l’enjeu crucial qui s’y joue. Ainsi les Écoles d’art sont des cadres initiateurs de la recherche en art et des lieux expérimentaux de la création.



RÉFÉRENCES(Edit)

  1. Gallet B. Les noms de l’espace sonore ou comment composer avec l’incomposable, Sound Art Seminar, Aix en Provence, 2008. Composer des étendues – l’art de l’installation sonore. ESBA Geneva, 2005.
  2. Barbosa A. Displaced Soundscapes: A Survey of Network Systems for Music and Sonic Art Creation, Leonardo Music Journal 13, pp 53-60, 2003.
  3. Carlyle A., Positive Soundscape Project: A re-evaluation of environmental sound, CRiSAP, London, 2007.
  4. Joy J. Networked Music and Sound Art Timeline – an overview -, 2008, http://jeromejoy.org/
  5. Joy J. Une Époque Circuitée, Proceedings of the Metamedia Symposium, Québec, 2007.
  6. Lib_ (Joy J., Argüello S.), Logs. Éd. È®e, Paris, 2005.
  7. Moore S., Place T. KromoZone: A Platform for Networked Multimedia Performance, Proceedings of the International Conference “Music without Walls? Music Without Instruments?”, De Montfort University, Leicester, 2001.
  8. Renaud A., Rebelo P. Network Performance : Strategies and Applications, NIME 06, SARC Belfast, 2006.
  9. Sinclair P. Locus Sonus, In "Autumn Leaves – Sound and the Environment in Artistic Practice”, Edited by Angus Carlyle, CRiSAP, Double Entendre Publishing, 2007.
  10. Tanaka A., Tokui N., Momeni A. Facilitating Collective Musical Creativity, Sony CSL Paris, MM’05, Singapore, 2005.
  11. Thibaud J-P., Towards a praxiology of sound environment, CRESSON Grenoble.
  12. Cristofol J., Prédiction, Variation, Imprévu, 2005-2008, http://plotseme.net/










  1. Locustream (réseau de micros ouverts et dispositifs d’écoute innervés par ce réseau), Wimicam (instrument microphonique de performance).
  2. Interactions à distance, local/remote, sympathies, résonances, mixed realities [9], ainsi que toute la réflexion menée par Jean Cristofol, épistémologue et enseignant à l’ESA d’Aix en Provence, concernant les modalités des flux et du temps réel.
  3. Laboratoire Méditerranéen de Sociologie dirigé par Samuel Bordreuil et basé à Aix en Provence.
  4. Ces deux derniers programmes ouvrant de nouvelles collaborations avec le CRESSON, laboratoire CNRS et centre de recherche sur l'espace sonore et l'environnement urbain, basé à Grenoble, http://www.cresson.archi.fr/ , avec Telecom Paristech et le Laboratoire de Usages à Sophia-Antipolis.
  5. Terme que nous avons adopté qui combine la notion de field recording (enregistrement ambulatoire, sur le terrain) avec la notion de spatialisation plus généralement liée à un dispositif fixe dans un espace intérieur (électroacoustique). Une traduction littérale serait « spatialisation de terrains ».
  6. FACE: French American Cultural Exchange – puf : Partner University Fund. Programmes portés par une Fondation américaine et par les Services Culturels de l’Ambassade de France aux États-Unis et soutenus par des contributions privées et publiques. http://www.facecouncil.org/education/partenariatuniversitaire.html
  7. Il s’agit des projets LS in SL (2007/2008) et New Atlantis (2008/…) développés en commun par Locus Sonus et SAIC.
  8. avec nos partenaires et avec l’Observatoire des Pratiques Sonores (Sonotorium) porté par Locus Sonus et développé par Bastien Gallet, Christophe Kihm et Philippe Franck qui sont impliqués dans le laboratoire depuis son début.
  9. en collaboration avec STEIM Amsterdam, CRiSAP London, SAIC Chicago, GMEM Marseille, ainsi que les laboratoires CNRS de sociologie et d’architecture: LAMES Aix en Provence, CRESSON Grenoble, LTCI/ Laboratoire des Usages Paris/Nice Sophia Antipolis.
  10. Icecast2, PureData, OGG vorbis avec une évolution vers du full access et raw audio.
  11. PHP, mySQL.
  12. Linux Xubuntu, nano-pcs, Pd, Max/MSP, Holospat, JunXion.
  13. Comme par exemple avec les “streamers”, complices qui ouvrent et maintiennent les micros ouverts.
  14. Locustream Radio Tuner in SL par Brett Ian Balogh, La mouvance des flux par Cédric Maridet, Trajets par Pascale Gustin, Distillerie Sonore par Cécile Beau, Pont Sonore par Gilles Aubry et Stéphane Montavon, etc.
  15. SARC / Sonic Art Research Center, Belfast. CRiSAP / Creative Research into Sound Arts Practice, Univ. of London. STEIM / Center for research & development of instruments & tools for performers in the electronic performance arts, Amsterdam. LORNA, Reykjavik. Et en 2009 avec Medialab Prado – Madrid, Kibla – Maribor, Hangar – Barcelona, CultureLab – Newcastle University.
  16. Stream Frictions par Nicolas Bralet, Carpophores par Esther Salmona, Audiofil par Lydwine van Der Hulst, LAPS par Nicolas Maigret, Ubik par Julien Clauss, TRFK par Alejandro Duque, etc.
  17. Caractères organologiques liés à la pratique et à l’évolution des systèmes construits et élaborés en tant qu’outils, instruments et dispositifs de « jeu » et qui produisent des occurrences identifiables et reproductibles d’un système à un autre.
  18. Du grec agôgê. Ce qui concerne le mouvement, soumis à des fluctuations temporelles (ralentissements, changements de vitesse, etc.) dans le jeu de l'interprétation ou de la lecture.
  19. “Remote acoustics is the phenomenon of using a remote site as acoustic chamber for a sound source” (Pedro Rebelo & Alain Renaud) [8] (L’acoustique contrôlable à distance est liée à l’utilisation d’un site distant comme espace de résonance et de traitement acoustique pour une source sonore locale).
  20. Locus Sonus in Second Life, dont la première étape a été présentée au Festival Seconde Nature à Aix en Provence en juin 2008.
  21. http://jeromejoy.org/
  22. http://petersinclair.org/
  23. RadioMatic/Streaps (2001) Jérôme Joy & Ralf Homann, Radiostudio Bauhaus Universität.
  24. PicNIC (2002) Jérôme Joy / Quatuor Formanex, Fabrice Gallis, Festival Résonances, Nantes. Phénomène relevé également par Bernard Stiegler et Atau Tanaka.
  25. Infra 3.
  26. Recherches conjointement menées avec Locus Sonus par Samuel Bordreuil (LAMES), Jean-Paul Thibaud (CRESSON), Marc Relieu (LTCI) , Bastien Gallet (ESBA Montpellier), Christophe Kihm (Le Fresnoy), Michel Waisvisz (STEIM Amsterdam) et Jean Cristofol (ESA Aix en Provence).
  27. Un des exemples les plus couramment cités est celui du blind date ou speed dating, ces rendez-vous (notamment pour le recrutement d’employés) se déroulant “dans le noir” et sans connaissance préalable de son interlocuteur(trice) sont issus des pratiques des chatrooms et des forums, et sont répliqués “à l’identique” dans la vie sociale.
  28. Pour faire la distinction avec la recherche sur l’art, qui de son côté est un domaine mature et identifié, tout-à-fait compatible bien entendu avec la recherche en art.
  29. Assises Nationales des Écoles supérieures d’Art, Rennes, les 6 et 7 avril 2006, et les actes publiés de ces assises. Colloque “Chercher sa recherche : pratiques et perspectives de la recherche en écoles supérieures d’art”, Nancy, décembre 2005.
  30. Suite aux nombreux textes d’études sur la recherche dans les pratiques et les enseignements artistiques, publiés sous l’égide de la DAP, par Jacques Imbert, Richard Conte, Michel Métayer, Jean Da Silva, Balbino Bautista, Antoine Desjardins, Bernard Guelton, Jean Cristofol, Hubertus von Amelunxen, Dominique Chateau, Jean Lancri, etc. http://www.agglo.info/Documentation-textes
  31. Il n'y a aucune raison d'imaginer que la recherche en art dût ressembler (dans les méthodologies, les formes d'investigation et les modes d'évaluation) à la recherche universitaire et aux modes de production dans le marché de l’art, et il n'y a aucune raison non plus de les adosser contradictoirement ou de les opposer systématiquement.







   
   
   
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