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Jérôme Joy : « J’ai comme vous-même j’imagine besoin de pas mal de silence et de distance »

Léa Dreyer

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(Photo : John Blouin, Avatar, Québec)





Version septembre 2021

No English version

(Texte pour l'exposition éponyme, Espace Rossetti, Atelier Expérimental, Nice, 2021)







« « Ce sont sans doute des petites transes que généralement on garde pour soi. » ». (Jérôme Joy)

« Les réalisations de Jérôme Joy depuis plusieurs décennies sont toutes reliées entre elles par un récit sous-jacent, sans que chacune de ses œuvres ne s’arrête vraiment, mais constitue, une-à-une, une sorte d’éclairage momentané, « de lampe de poche », au travers d’un travail au long cours, de terrain et de fond.

Dans ce travail, beaucoup de formes sont différentes et autorisées, beaucoup de sauts et de glissements de pratiques aussi, entre musiques, sons en espace, documents, de plus en plus d’images, des textes, des livres, à partir de simples assemblages et captations, ce dont sa récente collaboration avec David Ryan (Palais de Tokyo, 2016) témoignait et re-montrait une des origines.

Alors on dira qu’il s’agit d’un espace psychique, d’un espace sensitif de rapport au monde, d’une zone étrange oscillante entre langue et non-langage, à l’imaginaire éloquent, dont l’objectif est d’inverser le visible et l’invisible, par le biais d’une fragile recherche de l’extrême et du brûlant. C’est comme plonger dans l’eau ou se tenir un temps, pour essayer ou pour retrouver une sensation, dans un angle en plein vent ou encore à un emplacement en plein soleil. Ce sont sans doute des petites transes que généralement on garde pour soi. Elles sont momentanées, improvisées, et néanmoins solides, et la proposition est de les prendre au sérieux, sans plus. »



« Je ne me dis jamais plasticien, parce que c’est lié aux formes. Musicien, ça sonne plus pour moi, parce que c’est « muser », et je trouve que ça correspond plus à ce que je fais. Les formes m’importent assez peu. ». (Entretien avec l’artiste, 21 mai 2021)


Pour son exposition « J’ai comme vous-même j’imagine besoin de pas mal de silence et de distance », Jérôme Joy présente une série de lettres et d’écrits, ainsi qu’un ensemble d’éléments visuels, sonores, ou trouvant place dans l’espace intermédiaire des sens.

Les lettres d’Hamish Fulton adressées à l’artiste rappellent deux préalables essentiels. Il y a d’abord l’importance du cheminement, inscrit dans le paysage traversé, ou dans la zone mentale et sensible dans laquelle se trouve l’artiste au travail. Deux espèces d’espaces qui sont assez proches pour être confondus, et où viennent se brouiller les frontières sujet-environnement. Fulton suggère aussi que dans la queue de la comète qu’est cette trajectoire, de ce cheminement, prend place l’acte de création, et que ce dernier ne peut s’arrêter aux limites matérielles de l’œuvre : tout ne se passe pas forcément dans l’objet.

Ces zones traversées, non saturées, on les explore dans AUDITO, qui s’attache à multiplier les points de vue et d’écoute, à décrire ces obliques, ces inclinations infimes, ces petits écarts ou flexions du genou qui relancent la perception, dans une réciprocité permanente entre l’individu et son champ d’action, et ceci jusqu’à une indifférenciation. Cet « essai-sur-le-son » progresse par hypothèses, il gravite au plus proche de l’activité de modulation qui prend place au sein même du corps improvisateur et auditeur, dont « le support est nécessairement le produit fusionné de ce qui est à l’intérieur et à l’extérieur ». AUDITO dévoile un monde très commun traversé dans un état de réceptivité accrue ; il pourrait aussi bien n’être qu’un espace imaginé, virtuel, une expérience de pensée.



« Il y a une forme d’ambiguïté entre AUDITO, qui se présente comme un livre, et un set improvisé… J’essaye d’approcher ce qui se passe quand je joue. Pour moi c’est un livre sur le son. ». (Entretien avec l’artiste, 19 juillet 2021)


Avec Les Camélias et Les Nympheas, Jérôme Joy fait du « non cinéma » : un cinéma étendu, ou élémentaire, qui déploie un jeu d’analogie entre écoute et vision, sans désir de synesthésie spectaculaire ou symbolique. Plutôt, il approche à nouveau cet état de réceptivité décrit dans AUDITO, proche du songe ou de l’hypnose, qui génère par iridescence une plus grande réalité. Ces vidéos tournées au téléphone portable accueillent l’accident – les changements pulsés de mise au point y rappellent nos battements de cœur – mais cherchent avec précision à donner corps aux phosphènes, ces rémanences visuelles lumineuses semblables au flare, lumière « parasite » qui se loge dans l’objectif des appareils photographiques. Essais de perception entoptique et de vision retournée, Les Camélias et Les Nympheas sont aussi un hommage promis à la peinture. Leurs corps flottants et leurs « acouphènes visuels » rappellent le chaos irisé vécu par Cézanne dans son acte de peindre, alors qu’il se mêlait au paysage dans une vision primordiale.



« Il est à présent incorporel, irisé, petite nuée mentale traversée de toutes ces couleurs et de ces sons, et qui ne fait d’ombre à rien. ». (Jérôme Joy, AUDITO, roman S-F essai-sur-le-son, 2017-2021 (en cours), Livre 1, p.48)


Générées par deux machines multi-effet en boucle, dans un jeu quasi-incontrôlable de réinjections, les nappes d’ALAP multiplient les ajustements et les légères modulations, comme les fréquences fantômes et les effets stéréophoniques. Jérôme Joy y « joue du feedback », dans un état de fluide instabilité. Dans sa présentation, il n’y a pas la volonté d’en faire une sculpture finie, une forme ou un objet, mais de proposer une expérience constamment renouvelée. Comparable à l’expérience du live, ALAP ne dessine cependant pas un espace-temps autoritaire. L’artiste semble s’approcher de l’exil, voire de l’échappée, dans l’improvisation comme dans la pensée vécue qui précède et accompagne la création – autre écho aux égarements de Fulton, mais au sein de la musique étendue, où se déploie une écoute faite de libres associations. Ainsi, ces sons « ne sont pas des matières, ils sont ce qui rend sensible l’air, ce qui nous rend membranes » ; ils ne seraient que de l’espace.

C’est un questionnement quasi-physicaliste sur la notion de relation que pose l’artiste : la relation à l’œuvre, à sa présentation, et à tout ce qui « ne va pas de soi » ; la relation à un environnement que l’on module en même temps qu’on est modulé par lui. Cette modulation est l’expérience de l’ajustement et du déplacement, le clinamen – la déviation spontanée des atomes décrite par Lucrèce – qui ajoute à la complexité de notre rapport au hasard et à l’impossible vérité. Au sein du doute, Jérôme Joy joue de l’indétermination de notre connaissance du monde.





«Voyez, on n’invente rien, on module c’est tout, et on finit par lâcher ses affaires des yeux. ». (Jérôme Joy, AUDITO, op. cit., Livre 0, p.32)




Léa Dreyer,
Paris, Nice, septembre 2021.





   
   
   
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