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« Tout ce qui bouge sur un écran est du cinéma. » (Jean Renoir)


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Kaneto Shindo, L'Ile Nue (Hadaka no shim), 1961





Source :

http://www.youtube.com/watch?v=Lxj_htd0Cx4




Kaneto Shindo, «L'Ile Nue» (Hadaka no shima), 1961


Format : Noir et blanc - 2,35:1 - Mono - 35 mm
Durée: 1h34

Sur une île quasiment désertique de l’archipel de Setonaikai (au sud-est du Japon), une famille travaille sans interruption pour faire pousser graminées et légumes. La difficulté de leur tâche vient essentiellement du manque d’eau, qu’il faut aller chercher sur l’île voisine au prix d’efforts ininterrompus. Parmi les deux enfants, l’aîné va à l’école jusqu’au jour où survient un drame...

"Je voulais faire un film très créatif au niveau visuel. Raconter l’histoire avec des images. Une histoire où chaque vue exprimerait un sentiment du bonheur, de la tristesse, dans un décor naturel." (Kaneto Shindo)

Le film ne possède aucun dialogue. La musique est lancinante et permet d'insister sur le caractère fataliste des allers-retours des personnages sur l'île.

Cet ancien assistant de Mizoguchi réalise une nouvelle fois une pure merveille dans ce film dénué de tout dialogue: juste les bruits de la nature et quelques chants viennent ponctuer ce film d'un panthéisme hallucinant. Il a voulu réaliser, dit-il, "un poème cinématographique pour essayer de capter la vie des êtres humains qui combattent comme des fourmis contre les forces de la nature".


Après un panoramique du relief côtier de l’île, la camera s’approche de la terre aride tel un observateur lointain. A l’aube, nous observons au loin les silhouettes minuscules, tels des insectes, d’un paysan (Taiji Tonoyama) et de sa femme (Nobuko Otowa, héroïne de la plupart des films de Shindo) naviguant à la godille sur une modeste barque en bois. A leur arrivée sur la terre ferme, ils déchargent de grandes barriques en bois qu’ils vont remplir d’eau à la rivière bordant le village. Chargeant péniblement les sceaux accrochés à leur palanche, ils repartent en direction d’une petite île. A leur arrivée il portent les sceaux sur les chemins escarpés de l’île, se déhanchant sous l’effort. A leur approche, deux enfants se précipitent pour nourrir les animaux, veiller au fourneau, et préparer le repas, afin qu’il soit prêt à l’arrivée des parents. Après avoir vite avalé son petit déjeuner, l’aîné attrape son sac d’écolier et se dirige vers la barque, accompagné de sa mère chargée d’une paire de barriques vides qu’elle remplira de nouveau à la prochaine escale. Ainsi va le rituel existentiel de la vie familiale qui se répète en silence, rythmé par le déhanchement des paysans portant leur sceaux chargés, toujours plus haut sur les terres arides.

Tableau contemplatif sur le labeur paysan, L’île nue se présente comme une véritable curiosité cinématographique. En effet, le parti pris du réalisateur est de développer une histoire sans dialogues. S’inspirant de l’expressivité des films muets, il choisit de se concentrer sur la photographie, le cadrage et le montage au détriment d’un scénario minimaliste. Palliant à l’absence de dialogues, le bruissement du vent dans les feuilles, le son des baguettes renforcent l’approche naturaliste du réalisateur. A cela s’ajoute l’une des clés de la réussite du film, la partition musicale de Hikaru Hayashi, jeune compositeur à l’époque et qui composa pour la première fois une mélodie originale, travaillant en étroite collaboration avec le réalisateur. Faisant écho au cycle du labeur des paysans, le thème principal - véritable leitmotiv -, est utilisé de façons différentes tout au long du film, à partir de subtiles variations exprimant tour à tour tout le prisme des émotions humaines.

Si L’île nue reste une réussite, c’est avant tout par sa forme. En effet, la photographie du film est soignée à l’extrême et le choix d’un noir et blanc volontairement contrasté renforce la poésie et la beauté intemporelle des images. La nature, personnage secondaire est filmée de façon symboliste : un couché de soleil évoque la tristesse du couple après le deuil de leur enfant. Le film est parsemé de contre-jours splendides frisant parfois le maniérisme. A la manière du néo-réalisme italien, dont l’influence était encore vive à l’époque, Shindo fond ses personnages dans le paysage, adoptant un point de vue documentaliste (seul les deux acteurs principaux sont professionnels). Les acteurs (Tonoyama est d’origine insulaire) incarnent à merveille la souffrance humaine et l’effort répétitif, et leur performance sera applaudie par la critique au festival de Moscou en 1961. Si Shindo parvient à rendre cette histoire à la trame si élémentaire intéressante et jamais ennuyeuse, c’est aussi grâce à un montage très élaboré. Lorsqu’il filme les paysans gravissant l’étroit chemin chargés des sceaux, il dilate le temps et nous montre l’effort répété, filmant le geste sous une variété d’angles ; le cadrage parfait faisant poindre l’émotion à chaque plans.''


Un couple vit avec leurs deux enfants sur une minuscule île, le problème étant... l'eau. On suit pendant près d'une demi-heure ce couple faisant des va-et-vient en bateau, de nuit comme de jour, entre leur résidence et la terre, d'où il ramène à chaque fois quatre seaux d'eau sur leur dos, porté par une musique qui rappelle un poil la Force du Destin de Vivaldi. Alors je vous vois venir: c'est mortel? Et ben po du tout, parce que tous les cadres, tous les mouvements de caméra sont au millimètre et ce ballet incessant de ces deux individus qui triment comme des boeufs pour remonter la pente et arroser leur culture en devient quasi-hypnotique, le spectateur serrant des dents à chaque fois que l'un des deux risque de trébucher. A la 28ème minute, c'est le premier incident de course: la femme glisse, un seau tombe, elle rattrape in-extremis le second; son mari s'approche calmement d'elle et lui retourne une baffasse qui la projette à terre. L'incident est clos. Après l'été, les saisons s'enchaînent, petites festivités en automne, hiver rude où il faut continuer de constamment de défricher, printemps pluvieux où il faut aller ramasser des algues... Les deux garçons pêchent un gros poisson qu'on va s'empresser de vendre en ville, fiesta, c'est le resto annuel, on se prive po sur le riz et l'eau (e Jap reste sage). Et puis après 1h02 de jeu, c'est le drame: l'aîné tombe malade, fiêvre, mort subite. Les enfants de l'école viendront assister à son enterrement, les parents pipent rien. Sauf la femme qui, un jour, alors que l'été est revenu, décide de renverser volontairement un seau et d'arracher de rage quelques plans d'ignames (je dis "igname", pour faire bien, c'est peut-être des carottes, hein...). Le mari reste stoïque cette fois-ci, la femme se calme et reprend son ouvrage. Le film se termine sur une vue aérienne de l'île (sublime) et l'on se rend compte pour la première de la taille minuscule de l'îlot.


Dans un premier temps, Shindo réfléchit à un scénario mettant en scène un couple de paysans et leurs deux enfants sur une île aride de l’archipel de Setonakaï. Son drame est minimaliste et le script tient sur quelques pages. Au fond, l’objectif n’est pas de construire une histoire pleine de péripéties, mais plutôt de plonger le spectateur au cœur d’une activité rurale difficile, certes, mais admirable. Rapidement, Shindo réunit une dizaine de techniciens avec lesquels il part sur l’île de Mihara non loin d’Hiroshima. Cette équipe, qui ne s’élargira pas au cours du temps, s’installe dans une auberge du village en bord de mer où elle restera pendant deux mois. Au large, une petite île désertique se dresse majestueusement hors de l’eau. Shindo la baptisera L’île nue

L’île nue se présente encore aujourd’hui comme un OVNI cinématographique. Primée au festival de Moscou en 1961, cette œuvre unique est une fenêtre contemplative sur le dur labeur d’une famille de paysans. Pendant une heure trente, le cinémascope de Shindo suit les quatre personnages en proie aux joies et difficultés d’une existence simple mais néanmoins riche en sentiments. De ce travail, on aurait pu craindre un résultat des plus ennuyeux. Mais dès les premiers plans, nos peurs s’évanouissent devant tant de beauté et d’expressivité.

Pour commencer, le cinéaste a choisi de développer son histoire sans le moindre dialogue. Passionné par le cinéma muet, qu’il voit comme un puits d’expressivité, il souhaite que les images de L’île nue se suffisent à elles-mêmes. L’humanité des personnages s’exprime dans un sourire lorsque le repas est dressé, ou dans des larmes lorsque le sort vient frapper leur destinée. Ici les regards pèsent plus lourd que tous les mots. La bande son est celle de la nature : on y entend le vent qui bruisse dans les feuilles, les baguettes qui tintent contre la porcelaine des bols du déjeuner ou le bruit sourd d’une bêche s’enfonçant dans la terre aride. Cette mise en scène naturaliste fonctionne à merveille et offre des séquences d’une rare intensité.

Mais ce qui surprend le plus dans L’île nue, c’est la répétition des images et la longueur des plans. Le port des seaux d’eau à la palanche, le maniement de la godille pour faire avancer le bateau, l’arrosage de la terre sont autant de gestes filmés dans de longues séquences avec une patience hypnotisante. Cette attention portée à chacun des mouvements révèle le vrai visage de l’effort. Il ne s’agit pas de l’exploit violent et subi réalisé par le super héros d’un blockbuster ou d’un manga, mais de la réalité du travail. Tout n’est qu’attention, concentration et répétition.

Là encore on aurait pu craindre de s’ennuyer devant de telles images. Mais les visions de Shindo associées au thème musical – lui aussi récurrent – de Hikaru Hayashi enveloppent le spectateur dans une bulle de beauté et de contemplation. Regarder L’île nue, c’est comme observer l’apparition d’un arc-en-ciel ou le coucher du soleil … Ici, il y a un amour de la photographie qui rappelle Soy Cuba (1964) de Kalatozov. D’ailleurs le premier plan de chacun des deux films est quasiment identique et d’une beauté comparable (un long travelling aérien sur le décor où va se dérouler le drame).

Dans un souci de perfectionnisme kubrickien - entre les deux artistes le rapport à la photo est évident - Shindo accentue le naturalisme de sa mise en scène grâce à des comédiens complètement fondus dans le paysage. Paradoxalement, c’est le manque de moyens attribués à la production qui finit par engendrer un tel résultat : ne pouvant avoir sous contrat des acteurs de renommée, Shindo se tourne vers deux de ses connaissances, Nabuko Otowa et Taiji Tonoyama. Il leur propose le rôle du couple en leur promettant qu’ils seront payés si le film fait des bénéfices !

Pour Tonoyama, c’est la première fois qu’il incarne un personnage principal. Acteur de second rôle, il est choisi pour son professionnalisme mais également pour son origine insulaire : natif d’une île voisine à celle du tournage, Tonoyama est familier avec la ruralité de l’archipel et endosse le rôle avec une facilité déconcertante. Son déhanchement lorsqu’il porte les seaux d’eau, son agilité à manier les outils en font un paysan tout à fait crédible. Parallèlement, la jeune Otowa est très à son aise dans ce personnage de femme meurtrie par l’effort et infaillible dans sa détermination. C’est peut-être elle qui, dans le film, incarne le plus intensément la souffrance humaine : lorsque la palanche pèse sur ses frêles épaules, tout son corps s’affaisse et ses muscles se raidissent à l’extrême. Ici, il n’y a pas de place pour la simulation. Les seaux sont bien remplis et l’effort est réel. La performance des deux comédiens est étonnante et sera applaudie par la critique du festival de Moscou en 1961. Pour l’anecdote, Shindo rappelle que les journalistes étaient persuadés que Nabuko Otowa et Taiji Tonoyama étaient de véritables paysans ! Si cette idée peut paraître saugrenue elle n’est pas totalement idiote puisque tous les autres protagonistes du film sont des habitants de la région...

"Dans l’île nue, film sans paroles, la révolution du montage sonore devient plus évidente. Un simple soupir y prend une valeur expressive comparable à ce que fut un battement de paupière pour exprimer une profonde émotion au temps du muet". (Georges Sadoul)

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