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« Tout ce qui bouge sur un écran est du cinéma. » (Jean Renoir)


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Jean Nocher, Plate-Forme 70, 1946






Plate-Forme 70 (ou l'Age Atomique)(Edit)

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"4 février 1946: Diffusion de Plate-Forme 70 de Jean Nocher, une émission de science-fiction qui sert de prétexte au limogeage du directeur général de la RDF, Claude Bourdet, par Gaston Defferre, secrétaire d'Etat."

"Plate-Forme 70 a été diffusée sur la Chaîne Parisienne le 4 février 1946, interdite le 11 février par décision du Ministre de l'Information, reprise le 4 mai sur la Chaîne Nationale, et supprimée à nouveau le 15 juin après cinq diffusions tronquées.

Au matin du 5 février (1946), tous les journaux du monde apprirent que "Paris et la France avaient vécu une nuit de terreur (sic)". Une émission (radiophonique) "trop réaliste" avait semé la panique dans la plupart des quartiers de Paris et dans de nombreuses villes de Province."

"Dans la soirée du 4 février 1946 la première de dix émissions de radio provoquait une panique à Paris et dans la région parisienne où elle était captée. Cet épisode de 24 minutes relatait une catastrophe nucléaire d'ampleur mondiale. Devant l'émoi provoqué, son auteur, Jean Nocher, était suspendu pour trois mois et l'émission interdite le 11 février par le Ministère de l'Information. Elle fut cependant reprise le 4 mai sur la Chaîne Nationale, mais tronquée et sabotée: les épisodes 3 et 4 furent inversés, le quatrième fut diffusé avec un disque en moins, le début de la cinquième passa deux fois et la fin fut supprimée, le sixième eut un blanc de plusieurs minutes et le dernier disque de la septième fut "perdu". La série fut à nouveau interdite le 15 juin."




Références :
http://www.forez-info.com/encyclopedie/traverses/14651-plate-forme-70-ou-lage-atomique.html




Un indicatif sonore introduisit l'émission, devant évoquer " l'arrivée soudaine d'un évènement inconnu", "l'invitation au voyage, à la découverte d'un mystère".

Un speaker annonçait ensuite une importante communication de la part d'un éminent spécialiste de l'Institut Mondial de Recherche Atomiques (IMRA). Avec le recul, le nom que s'était donné Nocher fait sourire: Professeur Hélium. Autour de lui, une dizaine d'autres personnes jouaient d'autres personnages. Nocher/Hélium débuta son allocution par un rappel des faits survenus quelques mois plus tôt au Japon. Le colonel Tibbett a lancé au dessus d'Hiroshima "un petit engin de 1 kilo 320 grammes appelé bombe atomique" et qui, en 2 secondes 4 cinquièmes, a effacé de la surface de la terre une ville de 315 000 habitants. Notons au passage que l'engin, bien que baptisée "Little boy" ne ressemblait pas une bombinette mais qu'elle dépassait les 4000 kilos. Le professeur Hélium poursuit: " Des colonnes de flammes et de fumée s'élevèrent jusqu'aux altitudes stratosphériques, tandis qu'au sol, toutes choses, toutes vies se volatilisaient. D'après mon distingué confrère J.-R. Oppenheimer, de l'Université de Californie, l'engin développait 10 puissance 15 ergs par centimètre carré et élevait la température ambiante à un peu plus de 100.000 dégrés."

Le professeur revient ensuite assez longuement sur ce qui avait précédé cette expérience in vivo, c'est à dire les dernières phases du projet Manhattan destiné à réaliser la bombe. Il évoque "Trinity", c'est à dire le premier essai atomique, le 16 juillet à Alamogordo (au Nouveau Mexique), et les préparatifs à l'usine d'Oak Ridge (Tennessee), au milieu d'une zone isolée et interdite de 24 km carrés où travaillèrent durant deux ans 75.000 ingénieurs et techniciens.

Il s'attarde sur les effets de l'explosion du 16 juillet : " les témoins oculaires (...) rapportèrent que [l'explosion] coucha tous les hommes et les animaux qui n'avaient pas pris soin de s'enterrer au préalable dans un rayon de 20 km." Il rappelle les travaux menés en Europe, en France notamment, par divers chercheurs dont Joliot-Curie, "arrêtés dans leurs expériences par les effroyables dangers d'une désintégration en chaîne qui, de proche en proche, aurait fini par faire éclater la terre".

Après ce petit exposé dans lequel il cite Robert Oppenheimer, le père de la bombe, mais aussi Kenneth Bainbridge, un des responsables de Los Alamos, qui supervisa l'essai du 16 juillet, le ton se fait plus grave. " Toute matière, en effet, constitue un réservoir d'énergie démesurée dont les atomes n'attendent qu'une occasion pour faire explosion, comme autant de grains de dynamite. Notre nature, si calme en apparence, avec ses pierres inertes, ses prés et ses bois, est une colossale poudrière qu'un geste imprudent de mes éminents confrères de l'Université de Colombia ou du Massachussetts Institute of Technology peut d'un moment à l'autre faire sauter dans l'espace."

La tension monte encore. On songe au président des Etats-Unis dans quelque film de catastrophe, s'adressant à la nation avant le cataclysme. "Mesdames, Messieurs, si j'étais philosophe, je vous dirais que l'homme vient de découvrir le moyen de défaire l'oeuvre du Créateur: il suffit désormais d'appuyer sur un petit bouton pour la renvoyer au néant, avec tout son univers. Mais je ne suis pas venu à ce micro pour philosopher: je suis là pour vous demander de garder tout votre sang-froid."

Et d'annoncer qu'"on vient de relever certains troubles graves affectant non seulement les organismes humains mais aussi le mécanisme terrestre, et dûs aux rayons alfa (alpha, ndlr) que l'uranium 235 et le plutonium émettent à la vitesse formidable de 20.000 kilomètres/seconde".

Les troubles, explique-t-il, ont été constatés à 6 h 35, notamment à Tunguska, en Sibérie, à Gunport dans l'Ontario (USA) et dans un hameau heureusement isolé de la Sologne. Le professeur Hélium conjure à nouveau les auditeurs de ne pas céder à la panique même s'ils constatent des évènements étranges: pannes de lumière, lueurs dans le ciel, arrêts de moteurs, tremblements du sol...

Gunport n'existe pas, semble-t-il, mais Tunguska (Toungouska), contrairement à ce que précise bizarrement une note en marge du texte, n'est pas sorti de l'imagination. Et Nocher, certainement, connaissait l'évènement mystérieux survenu en 1908 dans ces régions reculées de ce qui était alors l'empire du Tzar. Evènement de nature catastrophique qui continue de faire gloser la communauté scientifique; l'hypothèse la plus raisonnable étant celle de l'impact d'un objet céleste (astéroïde). Mais d'autres ont évoqué le crash d'un appareil extraterrestre quand ce n'est pas un essai du "rayon de la mort" sorti du cerveau génial du méconnu Nikola Tesla.

En tout cas, les victimes sont peu nombreuses, tente de rassurer Nocher/Hélium. Bien évidemment, le Présidium de l'IMRA s'est immédiatement réuni et s'est mis en liaison avec tous les spécialistes possibles et imaginables. " Ils sauront, espère fermement Hélium, écarter le danger qui menace notre terre et notre civilisation, avant qu'il n'ait pu prendre des proportions catastrophiques."

Après que le speaker n°1 eut encore appelé au calme, après une interruption et quelques mesures de musique, un 2e speaker, puis encore un autre, entrent en scène pour tenter en direct de joindre de toute urgence, en anglais aussi, un scientifique nommé Professeur Pickford, d'un certain "Clark Institute". Mais le Professeur Pickford reste désespérément silencieux. Bruit de morse d'un navire, est-il précisé dans le livre: Ta - ta - ta, Ta - ta - ta, Ta - ta -ta... Un SOS évidemment même si la retranscription qui en est faite à l'écrit est imprécise. Un nouvel appel au calme lancé à l'attention des auditeurs embarqués sur le Titanic : " Que chacun demeure à son poste et soit digne de la grandeur du moment. "

Enfin une nouvelle "rassurante", annoncée par un speaker: les "troubles de désintégration" s'étendent en ce moment non plus sur la terre mais sur les océans, en particulier l'Atlantique qui se soulève en un gigantesque raz-de-marée sur les côtes US. Cette fois, la mention S.O.S est clairement énoncée sur les ondes. Suit immédiatement un message d'alerte destiné à tous les commandants de ports et d'aérodromes: interdiction formelle de vol, interdiction de lever l'ancre, interdiction de se porter au secours des navires en perdition.

Et à nouveau le professeur Hélium intervient pour un communication. Le professeur Pickford, du Clark Institute, qui s'était fait porter en char spécialement blindé vers un des centres particulièrement menacé, a été volatilisé en même temps qu'une assez grande étendue de territoire. Et avec lui sans doute quelques dizaines de milliers d'autres gens mais c'est à porter au crédit de la communauté scientifique que le professeur Pickford, certainement responsable en partie de la tragédie en cours, soit une des premières "grandes victimes du devoir".

Mais "devant le danger, toutes les querelles se sont apaisées, toutes les haines se sont éteintes et l'on comprend enfin la vanité fratricide de nos luttes d'antan." Bref l'Union sacrée au bord des abîmes. Et voici que le président de l'O.N.U, avec un accent mi-belge, mi-anglais, prend la parole. " Je lance un pathétique appel au sang-froid de tous les peuples du monde. Qu'en cette occasion, même si la civilisation devait disparaître et s'engloutir dans l'océan de son propre génie, que du moins la dignité humaine soit sauve: nous finirons en beauté, ou nous recommencerons notre bonheur ! " (Applaudissement à l'antenne).

Le speaker annonce des incidents techniques sur la station mais se félicite que partout règne le calme dans la capitale même si des attroupements spontanés se sont formés aux carrefours comme le prouve ces bruits de foule. Un reporter est sur place, sur les grands boulevards. Il s'approche d'un orateur au milieu de la foule et tend le micro. " Que chacun fasse son mea culpa, clame l'homme du peuple. Le monde entier a mal vécu. (...) Il a utilisé le progrès pour le mal et non pour le bien, pour la mort et non pour la vie. (...) Maintenant que vous êtes sur le point de mourir, vous vous apercevez quelle vie prodigieuse aurait été la vôtre si vous aviez su utiliser la science pour le meilleur et non pour le pire, et si vous aviez su mettre au pouvoir des hommes qui auraient fait marcher votre justice du même pas que votre science !..." Des applaudissements se font entendre.

Le reporter se dirige vers une femme qui porte un bébé: "Que pensez-vous de tout cela Madame ? - Dites donc, si vous croyez que c'est le moment de penser !" " Quand je pense que j'ai travaillé toute ma vie pour ça et que j'étais arrivé à me faire une petite rente !" se désespère un autre. Mais une rumeur se fait entendre; une voix mentionne un tremblement de terre boulevard de la Chapelle. "Coupez, nom de..."

Un silence puis des cris de peur en provenance de la rue. Appel au calme et tentative en direct de joindre une autre invraisemblable sommité: le professeur Kourotchkine. Pas de réponse. Un air de jazz se fait entendre, devant symboliser la folie d'un monde qui se meurt. L'émission touche à sa fin. Un reporter est en direct de Notre-Dame où de nombreux fidèles se sont rassemblés. Les auditeurs entendaient alors un bruit d'orgue puis la foule qui entonnait "Plus près de toi mon Dieu". C'est un hymne protestant qu'on imagine mal résonner dans une cathédrale. Les farceurs se sont sans doute inspirés du naufrage du Titanic sur lequel, dit-on, cet air, célèbre au demeurant, fut le dernier joué par l'orchestre du bord. Retour au studio (si on peut dire) où les choses vont mal. Bruit d'explosion lointain qui se rapproche. Les speakers restent fidèles au poste comme l'avaient été les opérateurs radio du Titanic.

"- Tiens le coup mon, vieux ! Il faut tenir le coup...

- Je ne peux plus... Je ne peux plus... Mes chers auditeurs..., ici la Radio..."

Bruits d'explosion...

Le canular prend fin à ce moment mais pas l'émission. Le professeur Hélium revient à l'antenne:

- Allons, réveille-toi mon petit... C'était une blague.

Speaker n° 2 (à propos du speaker n°1). - Il s'est tellement laissé prendre à son propre jeu qu'il en est tombé dans les pommes.

Speaker n°1. - Ah! ça mes enfants, je dois vous avouer que j'y ai cru, à me sentir transformé en plutonium !

Nocher explique ensuite aux auditeurs: " Aujourd'hui, nous vous avons donné un avant-goût du suicide. La semaine prochaine, nous tenterons de vous lancer dans l'autre vie et de vous faire connaître les nouveaux bonheurs." Et d'évoquer une ère nouvelle de l'humanité, un âge où des fusées géantes relieront Paris à New-York, où un désintégrateur gros comme une cabine téléphonique remplacera la force de millions de bras humains; où la terre sera débarrassée de cet esclavage qui s'appelle le travail servile et où des villes de lumière, de verdure et d'eau remplaceront les cités sordides...

"Cela non plus n'est pas un rêve, pas plus que la fin du monde n'était un cauchemar: votre vie ou votre mort sont à portée de main. Prépare-vous donc à vous éteindre ou à renaître, et chaque semaine, suivez-nous dans ce beau voyage à travers l'avenir, cet avenir si proche, qui vient si vite, et que vous connaîtrez. En 1970, votre sort sera fixé: c'est cette date que nous avons choisie pour vous faire nos révélations. A la semaine prochaine le grand voyage atomique... Si vous n'avez pas peur de ce qui vous attend, vous vous laisserez poser sur cette plate-forme, et..."

L'émission s'achevait avec une montée d'orchestre tandis qu'Hélium comptait de 46 à 70, et les mots de fin du speaker: "Mesdames et Messieurs, vous venez d'entendre Plate-Forme 70, une émission de Jean Nocher, avec le concours de..." (suivaient les noms des participants, au nombre 5 seulement pour cet épisode).






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