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L'Écoute à Distance

Un paradigme de l'écoute : son et distance

(Jérôme Joy)


1.2.6. — Documents bibliographiques Sommaire Auditoriums Internet2.1.2. — La musique étendue — En plein air




2.1. — SON ET DISTANCE - L'ÉCOUTE À DISTANCE(Edit)

2.1.1. — Un paradigme de l'écoute : son et distance(Edit)

2.1.1.1. — Les effets sonores de construction de distance(Edit)

Le temps et la temporalité sont intrinsèquement liés à la notion de distance : la distance et l’éloignement dans le temps, les expériences du temps dans la distance. À l’image, dans le domaine de l’astronomie, des observations et de l’écoute des artéfacts en provenance d’années-lumières, notre perception peut être augmentée :

  • par des effets de proximité provoqués par la diffusion (radio par exemple, lorsque les sons indiciels d’un autre espace se mêlent aux nôtres et deviennent familiers),
  • et en contre-partie ou parfois dans le même élan, par des effets d’éloignement dans lesquels nous percevons soit des distances inexistantes soit la construction perçue d’une distance qu’alors nous investissons (même si un événement en réseau, tel un flux sonore ou un flux de données de contrôle, provient de derrière le mur à quelques mètres de nous).

L’imprégnation imaginative et l’imagination des distances est une force que nous engageons volontiers dans les expériences d’écoute[1]. Nous intégrons dans notre mémoire et dans notre perception cette sensation des distances invisibles, virtuelles et semblant effectives. Elles sont à la fois spatialisées, il est possible de les situer et de les placer dans le champ auditif, et omnidirectionnelles, à l’inverse de la vision, l’écoute n’a pas de champ occulté, aveugle[2]. Cette présence rémanente et persistante - en quelque sorte phosphène sonore - modifie les perceptions de l’espace, que nous nous représentons à partir de notre échelle, en s’accordant sur ces fluctuations des limites de notre environnement qui peut devenir soudainement étendu. Nous connectons l’espace et la temporalité l’un à l’autre, que le premier soit éloigné ou proche, et que la seconde soit différée ou en direct. Cela détermine ce qui a été discerné comme étant un soundscape (paysage sonore)[3].

Ceci est déjà présent dans nos écoutes acousmatiques : l’opération d’accepter que les sources sonores que nous entendons ne soient pas présentes, temporellement et spatialement (dans le cas de sons streamés ou “téléphonés”). Nous sommes aussi ici, de manière similaire, dans le champ des représentations virtuelles, allant de la téléprésence aux « mixed realities » et à la réalité augmentée, et dans l’expérience du monde sans représentation visuelle face à face, faisant appel à une liste d’objets de l’écoute que nous pouvons amorcer aujourd’hui et qu’il s’agira d’étudier : le « presque-entendu »[4], le « déjà-entendu »[5], le « jamais-entendu », le « pas-encore-entendu »[6], etc.

(à réécrire)



2.1.1.2. — Les perceptions de la distance(Edit)

Au travers de cette première approche, et au lieu de rendre homogènes et « liquides » ces invisibles distances et temps (“chronotopies”), les effets de singularité et d’aspérité sont réhaussés : les condensations temporelles et spatiales focalisent nos attentions. Dans les espaces sonores distants, streamés en flux, les événements discrétisés, tout autant que les étendues qu’ils créent, sont les accroches de notre perception. Ils deviennent des grains ou des « états » qui font apparaître des discontinuités et des perspectives. Tout comme lors de la diffusion de bruits blancs ou roses, même si ceux-ci sont produits par des sources distantes que nous réceptionnons, ils semblent toujours être causés et émis par notre propre appareil de réception ou de diffusion, mais leurs fluctuations, régulières ou irrégulières, aussi minimes soient-elles, redonnent la sensation d’une distance que nous appliquons sur l’origine de ces sons et recréent une distance acoustique et géographique : nous acceptons par l’écoute qu’ils soient auditivement localisés ailleurs et que leur provenance soit autre, située au-delà de notre périmètre visuel.

En poursuivant cette réflexion, nous remarquons que les caractéristiques de ces détails sonores produisent des altérités et des identités dans “l’image sonore” d’un espace distant. La particularité de notre écoute est d’être « flottante »[7], à la fois attachée à ces détails et à ces indices, quitte à les poursuivre dans la durée, et par ailleurs prête à construire des espaces, même s’ils sont paradoxaux, et à imaginer des étendues et des ambiances. Les récurrences sonores dans le temps ouvrent successivement des opérations auditives : identification, reconnaissance spatiale, reconnaissance d’une partie d’un cadre temporel (diégèse[8] et vie agogique[9]), distinction de caractéristiques d’un « lieu » local distant (folklorique, vernaculaire ou exotique, ou à l’opposé, commun, ordinaire et banal), sensation de familiarité et distinction avec notre propre environnement local (paysage sonore distinct, ambiance jointe ou accolée), etc.

Il serait important de se pencher sur les notions telle que celle de « folklore » (et d’exotisme)[10] ou d’idiome sonore pour interroger plus attentivement ces intensifications et amplifications de la perception de la distance et de la proximité, à la fois géographiques et culturelles[11], dans les espaces sonores en réseau.

Mais une des particularités qu’il faut relever est que chaque auditeur crée dans l’écoute son propre espace d’attention, qui sera différent de son voisin ou de sa voisine, ainsi les focales sont multiples, tout comme les espaces représentés et reconstitués par chacun des auditeurs. Ceci est particulièrement valable dans l’écoute des sons et des ambiances environnants (prises de sons, micro ouverts streamés,soundwalks[12]) dans des lieux d’écoute non-prédéterminés (comme par exemple, chez soi et dans notre quotidien), et reste plus discret dans la disposition d’écoute telle que nous la connaissons dans les situations de concert[13], dans lesquelles l’attention visuelle collective est corrélée à l’écoute ensemble d’un même événement sonore ou musical dans un espace acoustique commun[14].

Pour illustrer ce propos, voici un extrait en anglais d’un texte d’Angus Carlyle[15] :

« Locus Sonus: So Far, So Near. I once installed a microphone out of the window of the thirteenth floor of a 1960s tower block in the Elephant and Castle district of London and connected it to the Locus Sonus network. It was a strange sensation indeed to log on in the middle of the night from my home on the south coast some fifty miles away and hear what was happening in the sky outside my office – a medley of tyres screeching, voices carried up, buses’ hydraulic brakes discharging air and different bird calls. It was stranger still to realise that these sounds had been already-heard by those on the ground. On one occasion, I remember emailing Locus Sonus’ Jerome Joy early one morning and getting the quick response of someone who was also online. I was simultaneously streaming the sounds from the Elephant and Castle node into my home and Jerome was too, both of us hearing the lashing rain and rattling wind of a fierce storm breaking over South London. We shared the perception of already-heard, transmitted in data packets over fibre optic cables. When I think about it now, Jerome was also hearing the almost-heard, for his interpretation of the storm lacked my personal experience of the office that it was buffeting. And yet, there was nothing to stop Jerome asking me about the office block and colouring in with closer detail the outline of the space suggested by the telematised stream. This is just one example: to go the Locus Stream map and click onto an active stream is to experience the vertiginous appeal of the already-heard and the almost-heard all around the world. » (Angus Carlyle, Déjà Entendu: Sound as Already-Heard, conférence Symposium Audio-Extranautes, Locus Sonus, Nice, déc. 2007)

(à réécrire)










  1. « La téléphonie permet autant la transmission d'informations sonores qu'une véritable expérience à distance. L'auditeur se projette de l'autre côté de la liaison, pour vivre un phénomène lointain. Les procédés de transferts relèvent donc autant du déplacement effectif de signaux que du déplacement virtuel de ceux qui les perçoivent. » (Yannick Dauby, Paysages Sonores Partagés, p.8, 2004)
  2. « Auditory space has no point of favoured focus. It’s a sphere without fixed boundaries, space made by the thing itself, not space containing the thing. It is not pictorial space, boxed in, but dynamic, always in flux, creating its own dimensions moment by moment. It has no fixed boundaries: it is indifferent to background. (...) » (Edmund Carpenter and Marshall McLuhan, Acoustic Space in Carpenter and McLuhan, Explorations in Communication (London: Jonathon Cape, 1970) p. 67, cité par Angus Carlyle)
  3. « A soundscape is a sound or combination of sounds that forms or arises from an immersive environment. The study of soundscape is the subject of acoustic ecology. The idea of soundscape refers to both the natural acoustic environment, consisting of natural sounds, including animal vocalizations and, for instance, the sounds of weather and other natural elements; and environmental sounds created by humans, through musical composition, sound design, and other ordinary human activities including conversation, work, and sounds of mechanical origin resulting from use of industrial technology. The disruption of these acoustic environments results in noise pollution. The term "soundscape" can also refer to an audio recording or performance of sounds that create the sensation of experiencing a particular acoustic environment, or compositions created using the "found sounds" of an acoustic environment, either exclusively or in conjunction with musical performances. Pauline Oliveros defined the term "soundscape" as "All of the waveforms faithfully transmitted to our audio cortex by the ear and its mechanisms". According to author, composer and environmentalist, R. Murray Schafer, there are three main elements of the soundscape: Keynote sounds, Sound signals, Soundmarks. In his 1977 book, The Tuning of the World, Schafer wrote, “Once a Soundmark has been identified, it deserves to be protected, for soundmarks make the acoustic life of a community unique”. » (IASA2008, Mexico)
  4. « Steven Feld’s Sound and Sentiment, to take one example, is rich with instances of the almost-heard, of moments where the same source elicits dissimilar interpretative responses in the anthropologist and the Bosavi experts Feld is working with in Papua New Guinea. But Feld’s writing shows a way back out of any impasse created by the almost-heard towards the sociability identified earlier in these notes. Feld demonstrates in practice how by entering into a communicative relationship with other hearers, one distinguished by patient attentiveness and imagination, we can construct a shared vocabulary and grammar that enables at least makeshift meanings to migrate between us. » (Angus Carlyle). Une autre proximité est aussi à relever : celle des « presque-rien » de Luc Ferrari concernant la musique anecdotique et le paysage sonore, et la même expression développée par Vladimir Jankélévitch en 1957 et associée à la métaphysique du “je-ne-sais-quoi”, source d’un devenir et d’actualisations.
  5. « The déjà entendu seeps into the cracks of both the physics and the physiology of sound. With sound able to travel such distances and able retain a recognisable something of its original morphology, much of what is heard is already-heard. » (Angus Carlyle).
  6. « Je n’entends pas la musique au moment où je l’écris. J’écris pour entendre quelque chose que je n’ai pas encore entendu. » (John Cage).
  7. D’après Kraus [KRA 97], « Dans les environnements non structurés et imprévisibles, il peut être utile d’utiliser des heuristiques pour la coopération et la coordination entre agents autonomes, basées sur des techniques humaines efficaces de coopération et d’interaction.» Considérons donc l’écoute flottante. Il s’agit d’un phénomène étudié en ergonomie [KAR 98] qui correspond au fait que des sujets humains qui travaillent dans un environnement commun ont tendance à intercepter des messages qui ne leur sont pas destinés et à utiliser cette information pour faciliter le travail collectif. (...) Avec l’écoute indiscrète (eavesdropping), Kaminka et al. [KAM 01] utilisent un phénomène similaire pour permettre à un observateur extérieur de suivre l’activité d’une équipe en interceptant les communications entre ses membres. (François Legras, Écoute flottante et communications locales pour la formation de groupes). L’écoute flottante en psychanalyse : mode d'écoute du psychanalyste adapté à l'association libre et qui consiste à ne rien privilégier par avance de ce que dit l'analysant, de façon à laisser ce qui est important se dégager de l'enchaînement des mots et des idées, sans l'intervention intempestive du clinicien. L'écoute analytique, appelée également "écoute flottante", consiste à moins se concentrer sur le contenu du discours (les mots qui sont prononcés) que sur ce qui "percole" dans la communication à un niveau infra conscient: ce qui se dit au-delà, à côté, ou même malgré les mots.
  8. La diégèse est l'univers spatio-temporel désigné par un “récit”, son temps interne, c’est-à-dire “tout ce qui est censé se passer, selon la fiction que présente le récit (un film par exemple) ; tout ce que cette fiction impliquerait si on la supposait vraie” (Étienne Souriau, Vocabulaire d’Esthétique, 1951). “La diégèse est donc l'histoire comprise comme pseudo-monde, comme univers fictif dont les éléments s'accordent pour former une globalité. Il faut dès lors la comprendre comme le signifié ultime du récit: c'est la fiction au moment où non seulement celle-ci prend corps, mais aussi où elle fait corps” (Jacques Aumont et al., Esthétique du Film, 1983). Ainsi, les auteurs accordent une importance à la diégèse en tant qu'univers créé par la fiction racontée, mais aussi comme moyen pour le spectateur d'accorder un sens aux événements racontés.
  9. L'agogique (néologisme de l'Allemand agogik proposé en 1884 par Hugo Riemann) désigne les légères modifications de rythme ou de tempo dans l'interprétation d'un morceau de musique de manière transitoire, en opposition à une exécution exacte et mécanique. L'agogique peut être une accélération, un ralentissement, une césure rythmique au sein d'un morceau. Elle est par conséquent une part importante de l'interprétation. Elle peut s’apparenter au rubato. Par extension, le terme s'applique à « la théorie du mouvement dans l'exécution musicale ».
  10. « Although the sound source of beeping horns was the same, the significance attached to it by different people - by Lingis, on the one hand, and the seasoned inhabitants of Teheran and his hitch-hiker, on the other - is not the same. Here it might be better to talk of the almost-heard (by analogy with the psychologists’ presque-vu). » (Angus Carlyle).
  11. « Like a landscape, she says, a soundscape is simultaneously a physical environment and a way of perceiving that environment; it is both a world and a culture constructed to make sense of that world. » (Emily Thompson, The soundscape of modernity: architectural acoustics and the culture of listening in America 1900-1933, Cambridge, US, The MIT Press), cité par Bill Davies, in “The Positive Soundscape Project: A re-evaluation of environmental sound”.
  12. « Barry Truax (Handbook for acoustic ecology in Schafer, R.M. (ed.) The music of the environment series: Cambridge Street Publishing,1999) defines the soundscape as an environment of sound where the emphasis is on the way the sound is perceived and understood by an individual, or by a society. For him the key is the relationship between the individual and any such environment, whether environment is identified as a real place or a more abstract construction such as a musical composition. » (Bill Davies, in “The Positive Soundscape Project: A re-evaluation of environmental sound”)
  13. « The photograph of the cinema audience all looking in the same direction that adorns the cover of the AK Press version of Guy Debord’s book The Society of The Spectacle represents the limit-state of the visual sensory register. Much more common, with sight, is the situation in which the crowd’s eyes are all pointed in different directions. (...) Look at a crowded station platform the next time you are standing on one: it is hard enough to find two sets of eyes orientated in the same way. (...) On the station platform, the only things that pass as an ‘earlid’, the only ways out of the shared soundworld, are through headphones, through hearing loss, or through a deeply developed capacity for meditative withdrawal. » (Angus Carlyle).
  14. Alfred Schütz, Faire de la musique ensemble, Une étude de la relation sociale, 1951, Ed. Musica Falsa, 2007. « Le processus de communication entre le compositeur et l’auditeur requiert normalement un intermédiaire : un interprète ou un groupe d’interprètes. Entre tous ces participants, des relations sociales d’une structure très complexe s’établissent. (...) Le compositeur, par les moyens spécifiques de son art, a organisé [le flux du temps interne - voir plus haut la définition de la diégèse -] d’une telle façon que la conscience du co-participant (le terme de co-participant - be-holder - inclut l’interprète, l’auditeur, le lecteur de musique, etc.) arrive à relier ce qu’il entend actuellement à ce quoi il s’attend, à ce qu’il vient juste d’entendre et à ce qu’il a entendu depuis que le morceau de musique a commencé. Par conséquent, l’auditeur écoute le flux continu de la musique non seulement orienté de la première à la dernière mesure, mais simultanément orienté en sens inverse jusqu’à la première mesure. (...) Il n’existe pas une mesure [similaire au temps chronométrique ou au temps externe] pour la dimension du temps où vit l’auditeur (...). Nous avons donc la situation suivante : deux séries d’événements dans le temps interne, l’une appartenant au courant de conscience du compositeur, l’autre ua courant de conscience du co-participant, sont vécues simultanément, et cette simultanéité est créée par le flux continue du procès musical. La thèse de ce présent écrit est que cette participation au flux de l’expérience de l’autre dans le temps interne, cette existence continue d’un présent vécue en commun, constitue (...) la relation de syntonie, l’expérience du “Nous”, qui est au fondement de toute communication possible. »
  15. Angus Carlyle est co-directeur du CRiSAP, Creative Research into Sound Practices, LCC, London College of Communication, University of the Arts London, http://crisap.org/




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