On extended, boundless, vibratory and in-the-now sympathy music

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NOISE


études de la musique noise / studies on noise music



LA MUSIQUE À NIVEAU SONORE ÉLEVÉ - MUSIQUE-ENVIRONNEMENT
SOUND LEVEL, INTENSITY AND LOUDNESS - MUSIC AT HIGH VOLUME -
LOUD SOUND & MUSIC STRUCTURES INTO ENVIRONMENT AND SPACE - MUSIC AN ENVIRONMENT


Part 1


Part 2 (Videos) : page 1 (XVIIIème-XXème) - page 2 (1980-2013)









Articles connexes / Other related articles :
Anté-Bruit - Composer le tout-audible (2013)
Études de la musique "noise" /
Studies on "noise" music.

• NIVEAU SONORE ÉLEVÉ / LOUD SOUND —


Œuvres racines de la musique "noise" /
Early works of "noise" music.

• BANDONEON (David Tudor) - 1966 — read /lire
• POEM FOR CHAIRS, TABLES, BENCHES, ETC (La Monte Young) - 1960 — read /lire
• X FOR HENRY FLYNT (La Monte Young) - 1960 — read /lire
•TWO SOUNDS (La Monte Young) - 1960 — read /lire
• MUSIQUE BAROQUE - CONTREMUSIQUE, MACHINERIES ET SON/BRUIT - XVIIIeme siècle — bientôt / soon
• ŒUVRES DE CHRISTIAN WOLFF - Faits, Actions, Collectifs — read /lire




(Rédigé après le concert Free Noise Night #3, le 22 juin 2013 à Saint-Nazaire, suite à un débat d'auditeurs après le set de pizMO).
(Toutes les traductions des extraits cités sont de l'auteur, sauf lorsque les références de traduction sont spécifiées).

Keywords : Noise Music, Loudness, Loud Sound, Loud Music, Listening, Psychoacoustics.




Article (proof) (FR)


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« Le compositeur actuel doit être un pionnier [...] forcé de tout remettre en question sur le plan de la forme et de la réalisation sonore. »
(Iannis Xenakis, "Musique, Architecture", [1971], nouvelle édition augmentée, Tournai, Casterman, 1976)

« Créer donc reviendrait [...] à faire quelque chose d'original, c'est-à-dire n'ayant aucune similitude ou ressemblance avec du déjà observé. Faire naître quelque chose de rien. Engendrer de l'inengendré. »

(Iannis Xenakis, "Musique et Originalité" [1984], In Kéleütha: Écrits, Textes réunis par Alain Galliari, Préface et notes de Benoît Gibson, Paris : L'Arche, 1994)

« Nul n'a jamais ouï que ce qu'il peut entendre, que ce que sa culture lui permet d'écouter. »
(Michel Serres, "Interférences", Hermès II, Paris : Éd. de Minuit, 1972)




Jouer à Niveau sonore élevé(Edit)

(TO PLAY LOUD)



(lire un résumé de ce chapitre)



Le trio électronique pizMO (Havard, Joy, Ottavi)[1] joue fort, très fort ; nos performances toujours improvisées et sans préparation sont d'un niveau sonore extrême (harsh noise) sans que l'objectif soit de l'ordre d'une agressivité gratuite ou d'une posture liée à un effet sensationnel. Jouer à un niveau sonore très élevé a plusieurs nécessités :

  • proposer une écoute physique expérientielle différenciée de l'écoute musicale analytique habituelle et mettant en jeu tout le régime des sens[2], là où la musique a créé au fil des époques une dissociation[3] ;
  • construire une immersion sonore par la projection et l'amplification des sons dans un espace ;
  • conduire des impacts acoustiques (interactions avec l'espace) considérés comme constitutifs de cette musique fondée sur l'écoute ;
  • l'écoute de résultantes et de fabrications sonores, liées à la pression acoustique, à la distorsion, à la saturation, aux effets de masquage et de filtrage en direct, etc., qu'il serait impossible de percevoir dans des conditions autres ;
  • expliciter et déterminer l'intensité et la dynamique sonores comme structure musicale (ici d'improvisation) en tant que processus expérimental de composition en direct.

Le trio pizMO réalise des performances/œuvres basées sur l'intensité sonore en direction d'une musique vibratoire d'un seul tenant en "continuum"[4]. Au sein de ce trio, chacun des performeurs déploie dans l'improvisation collective un registre qui lui est propre, avec un nombre de sons très restreint, ce qui permet de créer une concentration et une (dés)orientation caractéristiques. La conjonction des timbres et des natures de sons se constitue à partir de sons électroniques (fréquences, modulations, synthèse, etc.), de bruits blancs filtrés et modulés, de sons (enregistrés) altérés et de sources sonores en direct qui sont amplifiées et traitées. Le mixage en direct des trois registres complémentaires ouvre sur des tensions et des énergies sonores "illimitées" (à l'encontre du peu de sources sonores employées), à la fois homogènes et hétérogènes, produisant des masses sonores complexes créées par des masquages[5], des filtrages[6], des déphasages[7], des pressions et saturations acoustiques[8] et des artéfacts résiduels non-linéaires[9] à partir de sons impulsionnels et de sons continus. Ces énergies se structurent par l'intensité sonore et selon une durée qui s'établit lors de chaque performance, cette dernière restant non dirigée et non préparée. La construction processuelle de l'intensité sonore s'organise en commun dans le déroulement au fil de l'écoute et dans le présent des performances qui sont toujours spontanées : ainsi la composition (collective) est le présent par l'écoute. Il s'agit d'un processus musical qui construit une immersion sonore de tensions et d'intensités des sons et des réponses de l'environnement acoustique.

Si aucune conduite ou direction n'est mise en place autant en préalable que dans le déroulement des performances de pizMO, c'est bien pour énoncer un mode de création collective spécifique qui se place au niveau de l'exploration et l'expérimentation extrêmes de l'instant et de l'espace (acoustique), de manière exigeante, et qui exprime une dimension sociale et politique de l'improvisation (collective) par l'écoute. L'intention n'est pas de produire du son ou des sons énonçant un consensus musical mais d'être pleinement (dans) les sons. Ainsi se trouvent évacuées les éléments historiquement développés par la musique improvisée (libre ou contrôlée) quant à la constitution d'un "instrumentarium" (et d'une instrumentation), de suivi de règles d'accompagnement (notations, instructions, etc.), de placement des interventions et des rôles, etc. Chaque musicien est ici auditeur réactif[10]. La musique qui en est issue intensifie le moment et l'espace par des tensions et des intensités qui resteront uniques et dont l'intérêt est d'en faire l'expérience et de les évaluer tous ensemble simultanément. Dans ce sens le rôle des intensités (sonores) et de la durée est de constituer cette musique dans son audibilité transitoire qui ne peut s'appuyer que sur un présent extrême et sur comment elle affecte l'espace, le moment et notre expérience.




Niveau sonore(Edit)

(LOUDNESS & MUSIC BY LOUDNESS)



(lire un résumé de ce chapitre)

La prise en compte du niveau sonore dans la musique et de l'influence de l'intensité ouvre un faisceau de questions qui ne sont pas évidentes à discerner d'emblée. En effet historiquement le niveau sonore d'une œuvre musicale ne semble pas être vraiment opérant et un opérateur décisif en tant que tel, d'une part, lors de sa réception (en concert) et, d'autre part, lors de sa reproduction quelque soit le support. Les cadrages habituels de la musique soliste, de chambre ou pour orchestre semblent offrir les mêmes récurrences de niveau sonore d'écoute (en correspondance avec la conception des salles de concerts). La justesse des hauteurs, des rythmes et des durées répond aux standards de l'écoute de la musique dans le répertoire occidental, musique que l'on sera prêt à reconnaître ultérieurement. Quant à l'intensité sonore et à son volume général, leur rendu ne semble pas être un constituant de l'œuvre elle-même. Nous concevons facilement la reproduction musicale même avec une altération importante du niveau sonore, car seul le confort de l'écoute dans un contexte donné prime pour ajuster ce niveau pour bien distinguer ce que l'on veut entendre. C'est justement sur ce point que la performance en direct (et sa corollaire, l'écoute en direct, c'est-à-dire en co-présence avec l'œuvre en train de se dérouler dans le même espace) surpasse les supports de notation et d'enregistrement. Ceci tient au fait que l'intensité sonore offre généralement des réticences à sa transcription et à sa prévisibilité en tant que donnée musicale et qu'enfin elle est imprégnée dans l'œuvre réalisée et dans l'espace dans lequel cette dernière sonne. Les variations et les variabilités de l'intensité touchent à des ajustements continuels voire processuels, lors de l'interprétation (ou de la réalisation) d'une œuvre, tant au niveau des détails et que dans les mouvements d'ensemble. La perception de l'intensité sonore s'appuie sur le direct de l'œuvre jouée dans un espace et dans sa collaboration avec lui.

Dans nos environnements sonores quotidiens, les sons ont continuellement des allures dynamiques dépendants de leurs intensités, de leurs spectres et de leurs registres (fréquences). Leur perception et l'acuité perceptive permettent de les anticiper et d'en avoir des images auditives et mentales qui sont stockées dans la mémoire, qui, en retour, accompagnent nos perceptions futures. La puissance sonore (loudness) est l'équivalent perceptuel de l'intensité sonore ; elle nous permet de discerner les variabilités entre les sons forts et les sons faibles. L'intensité est importante dans la nature dynamique des sons car un changement de puissance a une signification essentielle dans la perception et l'analyse des sons dans des contextes environnementaux.

Pourtant une modification d'intensité n'a pas d'effet majeur sur la perception des hauteurs, des durées et des timbres dans le cas d'une musique écrite et pré-conçue — et ceci dans la plupart des cas, car bien évidemment à un niveau sonore extrême des altérations apparaissent, comme la distortion et la saturation notamment pour les hauteurs et les timbres, et modifient significativement leur perception —. Si la question du niveau sonore est essentielle dans l'exécution publique d'une œuvre, elle semble l'être moins dans sa reproduction, car comme nous venons de l'énoncer, écouter la reproduction d'une musique en la jouant sur un appareil de lecture semble être un acte indépendant du niveau de l'écoute associé au niveau d'intensité. Les disques réalisés par pizMO sont tous enregistrés en direct lors de performances, sur le vif ; ils sont en quelque sorte des témoignages de celles-ci et acquièrent une qualité différente que les performances elles-mêmes ; la sensation des niveaux sonores n'est évidemment pas la même et ce sont d'autres aspects de cette musique qui apparaissent à l'écoute de ces enregistrements, notamment concernant les matières et les conduites timbriques dans les amas sonores ; cd pizMO BLST 2012, cd pizMO I.P. 2002, cd pizMO pefalm 2001. Alors que les autres composants sonores musicaux (hauteur, durée, timbre) peuvent être imaginés en l'absence du son — sur partition par exemple, ou alors à partir d'un support d'enregistrement, etc., ou bien encore dans sa propre mémoire d'auditeur et de compositeur —, car ils peuvent être mesurés et notés, cela est en effet beaucoup moins le cas pour l'intensité surtout pour ses registres extrêmes : très faible ou très fort. Les réponses acoustiques, élasticité et rugosité, réverbération et sécheresse, sont nécessaires à son évaluation. L'intensité sonore ne peut qu'être éprouvée dans sa dimension propre dans l'espace acoustique lors de la représentation et de l'exécution de l'œuvre.

L'influence de la dynamique et de l'intensité sonore est moindre pour développer des distinctions et des analyses à partir de l'écoute d'une musique même si cet aspect tient un rôle dans le maintien de l'émotion et de l'expression musicale (comme l'impact d'un soudain changement de dynamique au milieu d'un mouvement). Et, a contrario, elle est essentielle pour qualifier le bruit ou tout son bruité — et dans ce cas elle est associée au contenu spectral sonore — : un bruit est toujours prévu et anticipé comme un son à fort niveau sonore qui va emplir d'un coup notre espace d'écoute. Un bruit à niveau faible est plutôt perçu comme un accident ou un incident dans un environnement et une ambiance sonores : un léger parasitage, des suites de sons résiduels à faible incidence, causant des perturbations mineures, etc. — c'est ainsi qu'également sont perçus les sons "bruités" sur les instruments musicaux classiques. L'intensité sonore est donc une caractéristique majeure de la perception et de la sensation du bruit (expérience physique) et un aspect moins déterminant dans l'écoute musicale et le son musical (expérience analytique), même si elle peut être considérée comme altérante et décisive dans un segment musical à partir de certains seuils — en psychoacoustique, il est montré que plus l'intensité sonore est élevée, plus la perception des hauteurs des sons est altérée : ainsi un son du registre aigu est perçu plus aigu, et un son grave, plus grave[11]. L'utilisation de bruits blancs ainsi que de fréquences (sinus) modulées comme sources sonores et matériaux à fort niveau élevé est une constante dans les musiques qui offrent des écoutes physiques et immersives, qui modulent acoustiquement et électroacoustiquement dans l'espace et qui déploient des matières sonores complexes sous la forme de masses continues et de "pleins" d'espace. Dans ces musiques l'intensité sonore devient une composante indéniablement constitutive à la fois de l'expérience musicale et de celle aurale.
Il ne s'agit pas d'une musique du déchaînement, d'une décharge et de l'emportement faciles. Il ne suffit pas et il ne s'agit pas de monter à fond les potentiomètres et de mettre les niveaux sonores dans le rouge. Cette musique intense est une musique du contrôle — dans l'incontrôlé.

Dans la musique écrite, la notation de l'intensité sous la forme d'une échelle graduelle est restée d'ailleurs approximative (on ne note pas en dB[12] ou en W/cm2[13], ou selon un "diapason" d'intensité) et demande à être interprétée au travers des indications de nuances des dynamiques et des nuances liées à l'agogique (crescendo, decrescendo, diminuendo). Il est plus facile d'imaginer les sons et les œuvres de nuances pianissimo et situées dans la moyenne de la dynamique, et beaucoup plus difficile d'apprécier les registres et les amplitudes des forte et fortissimo (tout comme l'amplitude des attaques sfz). L'interprétation de ces œuvres et leur réalisation permettent de trouver des solutions et de prendre des décisions in-situ et au moment de l'œuvre jouée.

Ceci devient d'autant plus complexe pour la plupart des œuvres du dernier quart du XXème siècle intégrant de plus, sous la forme de graphiques ou d'instructions, des altérations de timbres par des techniques de jeux étendues, des approximations et élasticité de durées, des réservoirs de hauteurs, etc. D'ailleurs il existe très peu d'œuvres dont la notation ou l'instruction ne réside qu'en des indications d'intensités et de modulations d'intensités sans autre information (concernant l'instrumentarium, les hauteurs et les durées, comme cela peut exister à l'inverse pour chacun de ces composants musicaux). D'autre part, et surtout dans les musiques les plus actuelles notamment celles basées sur le bruit et sur l'improvisation, et lorsque la conduite d'un discours musical est abandonné, la figure récurrente et présente dans la musique occidentale du crescendo/decrescendo (et ses multiples variations) est largement inemployée car inopérante, l'expression musicale étant évacuée. Le couple détente/relâche (cresc., decresc., acc., rall., dim.) nourrit et répond à un principe de pulsation hors du son lui-même (c'est-à-dire qu'il n'est pas généré par le son lui-même) et à un schéma qui entraîne l'écoute dans une chaîne d'attentes et de prévisibilités vers une résolution qui sera à la fois textuelle (hors son, sur une partition par exemple[14]) et musicalement intellectualisée et analysée (une conclusion ou un suspens harmoniques, et des relations entre une sensation et une connaissance préalable). Nous parlerons pour les œuvres d'intensités sonores extrêmes et sans discours pré-conçu, d'œuvres inexpressives et de musique inexpressive (qui ne dit rien autre que ce qu'elle est, ce que peut revendiquer pizMO).

« [La musique inexpressive révèle ] une phobie de l'exaltation lyrique ou de l'élan pathétique [et] liquide la "nuance" : [...] le pianissimo impressionniste et le crescendo romantique ne sont pas son affaire. » (JANKÉLÉVITCH Vladimir, "La Musique et l'Ineffable", [1961], Paris : Éditions du Seuil, 1983. p. 58 et p. 61.)

Les différences et les nuances de dynamiques sont plutôt utilisées aujourd'hui, comme dans pizMO par exemple, pour jouer sur des transparences et des opacités de masses sonores et sur des filtrages et masquages de fréquences et de sons complexes bruités. Ainsi la musique s'étend dans l'ensemble du champ et de l'espace audibles et les explore.



Qu'en est-il de l'antécédence historique et de l'actualité musicale élargie de l'emploi de l'intensité sonore et de sa corollaire extrême, le bruit ? Leur utilisation n'est-elle cantonnée que sur ces vingt dernières années, dans la foulée de l'amplification généralisée et de mouvements musicaux "bruyants" ou "bruitistes" qui maximisent et régulent d'une nouvelle manière les registres sonores via les techniques électroniques et informatiques ? Les musiques à fort volume sonore sont-elles liées à un paradigme ou à un symptôme d'une hyper-contemporanéité, ou encore à des positions alternatives et "politiques" ? Est-ce que l'hypothèse d'une musique "inexpressive" structurée sur l'intensité sonore a une validité ?

Il ne s'agit pas d'écrire un énième article sur la musique noise (sur ce qu'elle a de sensationnel) et sur l'amplification (sur le geste de mettre les potentiomètres à fond). Les observations ci-dessus demandent de sérier dans le répertoire musical — tout autant que dans l'ensemble du panorama musical occidental et extra-occidental — les œuvres, les styles, les intentions voire les mouvements qui ont entrepris d'explorer cette dimension sonore. Ceci demande aussi, comme nous venons de le commencer, de préciser la place des registres de l'intensité sonore dans la musique et dans toute production musicale. Comme nous l'avons vu, la difficulté reste que la décision du niveau sonore se décide sur le moment de l'exécution et de l'interprétation d'une œuvre, même si des instructions et des notations sont présentes dans la partition lorsque la musique l'exige. Sur ce point et pour les musiques précédant le premier tiers du XXème siècle, peu de documents permettent de l'attester. De même pour les musiques de la période ultérieure, il s'agit de se référer aux documents enregistrés et à notre propre expérience de présence aux concerts ayant présenté et donné à jouer ces œuvres. Les autres sources sont recueillies dans les écrits d'auditeurs, de musiciens et des compositeurs, avec toute la marge d'interprétation qui peut exister.

Dans les musiques expérimentales du XXème siècle, il est difficile de savoir pour la plupart des œuvres le niveau d'intensité sonore (loudness) appliqué par le compositeur pour l'interprétation et leur diffusion. Il est toujours étonnant d'apprendre que certains d'entre eux utilisaient des contrastes dynamiques très importants jusqu'à des niveaux sonores très et extrêmement élevés (Xenakis, Tudor, Cage, etc.), ou extrêmement faibles (Feldman, Lachenmann, etc.). Nous ne connaissons à ce jour aucune étude qui aurait été développée sur la question de l'intensité sonore dans la musique du XXème siècle et son rôle dans la composition et dans la vision et l'intention des compositeurs, alors que paradoxalement ce fût le siècle de l'avènement de l'amplification et des sons électroniques, et donc de l'accès au contrôle maximisé de l'intensité sonore.

Notre ambitus sonore s'est largement modifié à partir de la seconde moitié du XXème siècle avec, ce que nous venons de remarquer, le développement de l'amplification, de la reproduction et des dispositifs électroniques et électro-acoustiques (jusqu'à l'informatique et la réseautique d'aujourd'hui). Cette modification (de notre perception sonore et de nos sensations musicales) a toujours été en co-relation

  • avec l'évolution de ces techniques et les investigations musicales (dans ce sens, nous parlons d'une organologie étendue et de l'exploration du champ auditif et des périmètres d'écoute), et, conséquemment,
  • avec l'analyse et l'acuité de perception de nos environnements sonores,
  • et finalement, avec l'amplitude insoupçonnée des pratiques sonores et musicales et des registres créés et joués (dans les musiques occidentales et extra-occidentales, via les études ethnomusicologiques).

Si l'utilisation de l'intensité sonore va également de pair avec la complexité sonore liée à l'utilisation des sons bruités (ou non descriptibles dans la notation et l'instruction), à l'extension du registre spectral sonore (de l'infra-grave au suraigu) et à l'engagement d'un travail sur les durées (élongation et fragmentation des occurrences sonores), notre intention est de considérer que celle-ci est le fondement structurel et l'élément constitutif des musiques expérimentales d'aujourd'hui.



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pizmo — juin 2013 - free noise night #3
— galerie du petit maroc, saint-nazaire

— photos : Perceval Bellone
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BLST, pizMO (Havard, Joy, Ottavi), nov. 2012
Plateforme Intermedia, La Fabrique, Nantes



ACOUSTIQUE ET PSYCHOACOUSTIQUE



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Le champ auditif



- Le son est une vibration de l'air se propageant dans toutes les directions. Comme l'air est compressible, cette vibration est à la fois un déplacement alternatif et une compression périodique. Dans une direction donnée, distinguons un sens qui définit un « avant » et un « arrière ». L'air se déplace (très faiblement) vers l'« avant » : il comprime la zone qui se trouve dans cette direction. Puis il revient vers sa position médiane et la dépasse vers l'« arrière », créant, pour la zone qui se trouve de l'autre côté, une dépression. Cette vibration est progressive : le petit déplacement local du milieu autour d'une position se transmet à la zone voisine, à une certaine vitesse, jusqu'à de grandes distances. Le son est la sensation auditive engendrée par la fluctuation périodique de la pression de l'air.

- La vitesse à laquelle les variations de pression se succèdent, donne la mesure de la hauteur tonale. Lorsque les variations de pression sont lentes, nous entendons un ton grave, plus les variations de pression se succèdent rapidement et plus le ton devient aigu.

- Le niveau sonore est défini comme notre perception de l'amplitude d'un son. Le niveau d'un son, c'est-à-dire la sensation sonore, dépend de la puissance transmise aux oreilles des auditeurs. Le niveau sonore est le niveau de pression acoustique. Le niveau sonore SPL (sound pressure level) correspond à la puissance sonore d'écoute, soit la pression de l'air sur les tympans.

- L'amplitude sonore est l'ampleur des variations de la pression acoustique et de la distance parcourue par les vibrations d'un corps sonore. Ainsi le niveau sonore est la puissance sonore que l'on perçoit subjectivement, alors que l'amplitude est une mesure physique objective sonore. Lorsque l’amplitude de l’onde est grande, l’intensité est grande et donc le son est plus fort.

- L'addition de niveaux sonores. Le problème de l'addition de plusieurs niveaux sonores se pose lorsque plusieurs sources sonores produisent un son simultanément. Comme les niveaux sonores sont des grandeurs logarithmiques, elles ne peuvent être additionnées comme telles. Deux sons de niveaux sonores identiques entraînent un son total de 3 dB plus élevé, tout juste perceptible. Pour avoir la sensation qu’on a diminué ou augmenté la puissance de la source par 2, il faut une variation physique de 10 dB.

- L'intensité sonore est le résultat de l'amplitude et elle est objectivement mesurable en degré de puissance que le son porte. L'intensité du son dépend de l'amplitude des vibrations du corps sonore qui les produit. L'intensité permet de distinguer un son fort d’un son faible. Elle dépend des propriétés absorbantes du milieu (L’absorption par l’air augmente avec la fréquence du son). Lorsqu'on se trouve à proximité d'une source sonore, le son est toujours plus fort que lorsqu'on s'en éloigne. Ce phénomène est dû à la répartition de l'énergie sonore dans l'espace. L'intensité sonore minimale définit le seuil d'audibilité.

- L’intensité acoustique (ou énergie sonore, ou niveau d'intensité sonore) est la puissance transportée par les ondes sonores dans une direction donnée. L'intensité acoustique est une grandeur essentielle pour la description des espaces sonores. S'il n'y a pas d'intensité acoustique, il n'y a pas de transfert d'énergie d'un endroit à un autre, donc pas de signal sonore. Mais ce n'est pas une quantité directement accessible à la sensation ni à la mesure. La sensation dépend uniquement de la pression acoustique ; une intensité acoustique correspond nécessairement à un son, mais un son intense peut avoir une intensité faible s'il correspond en grande partie à une onde stationnaire causée par une résonance. Lorsqu'une vibration produit un son, cette énergie est propagée en même temps que le son, on l'appelle "énergie sonore".


- Le niveau de puissance acoustique est une valeur caractéristique de sources sonores (machines, haut-parleurs, ...), alors que le niveau sonore en un lieu dépendra de l'éloignement de la source sonore, des caractéristiques de réverbération de la pièce, etc.

- Le volume sonore est souvent utilisé pour exprimer la puissance sonore ; toutefois, elle se différencie du niveau sonore.

- La puissance sonore croît avec l’amplitude de la vibration. Le niveau de puissance sonore est la quantité globale d'énergie acoustique cédée par la source par unité de temps. Ce niveau une valeur intrinsèque à la source et correspond au niveau sonore émis. Il ne peut être mesuré que dans une chambre réverbérante ou une chambre sourde.

- La dynamique sonore est le niveau relatif des valeurs maximale et minimale (bruit de fond) de la sonie, c'est-à-dire le niveau sonore ressenti par les êtres humains.

- La pression acoustique est la grandeur physique la plus simple qui soit corrélée à la sensation de puissance ou de volume sonore (sonie) : les sons que nous disons forts correspondent à des pressions acoustiques élevées, et si, toutes autres appréciations étant égales par ailleurs (grave ou aigu, percussif ou continu, etc), un son devient plus fort, c'est que la pression acoustique correspondante augmente, et inversement, si le son faiblit alors que ses autres qualités demeurent identiques, c'est que sa pression acoustique diminue. La pression acoustique ne concerne qu'un point de l'espace, et ne donne aucune indication sur la façon dont la vibration de l'air qui constitue le son s'est transmise. La pression acoustique correspond à la variation de pression de l'air (ou de tout autre milieu fluide) au passage de l'onde sonore.

- L'impédance acoustique permet de caractériser la propagation d'un son dans un milieu, elle est en rapport avec la densité du milieu et la vitesse du son dans le milieu.

- Le niveau acoustique de sensation sonore. On exprime le niveau acoustique de sensation sonore en phones. L’oreille humaine n’a pas la même sensibilité à toutes les fréquences. Elle est plus sensible aux sons entre 2000 Hz et 5000 Hz (phénomène de résonance avec le tympan) et beaucoup moins sensible aux basses et aux hautes fréquences.

- La sonie est le nom donné à la sensation qui nous fait juger si un son est fort ou faible (sensation de force sonore). La sonie est la grandeur de sensation reliée à la perception des intensités sonores. La réponse de l'appareil auditif fait que la sonie d'un son pur dépend non seulement de l'intensité sonore (en dB) mais aussi de sa fréquence. La sonie mesure le rapport (subjectif) entre deux sensations d'intensité sonore. La sensation de sonie dépend son seulement de l'intensité du son mais aussi de sa durée.






Musique Étendue(Edit)

(EXPANDED MUSIC — SONIC EXPANSES' MUSIC)



(lire un résumé de ce chapitre)

« L'art réel communique avant qu'il ne soit compris. [...] La musique n'est pas dirigée vers l'entendement, mais vers tous les sens. [...] Mon objectif est d'étendre la musique jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien d'autre que la musique. [...] La force extrême du son devient la seule présence physique, et c'est seulement là que vous pouvez le ressentir de manière adéquate. [...] Je crois que le son est quelque chose de très puissant parce qu'il est immédiat et qu'il communique sans l'intermédiaire des mots. Sa nature même le rend insécable en signes d'un côté et son de l'autre. Le son n'existe en pratique que comme vibration, audible ou pas. [...] Mais si certaines personnes, lorsqu'elles m'écoutent, trouvent ce que je fais lors de mes concerts va au-delà de leurs limites, elles peuvent juste partir, ça n'a aucune importance. Et ça ne dérangera en rien mon concert. »
(Zbigniew Karkowski, "Physiques Sonores", Paris : Van Dieren Éditeur, 2008)



Les questions de la musique actuelle,

  • d'une part, tournent autour de l'oscillation, de la transduction, de la générativité (à partir de systèmes générateurs de sons, auto-générateurs, en feedback, générateurs à partir de données externes et extra-musicales, etc.), des natures et combinaisons de sources sonores, des modulations et des inter-connexions, de la saturation et du bruit, (et conséquemment des problématiques sociales, statutaires et historiques qui les animent et qui les favorisent), ce premier ensemble qualifiant un pan expérimental de la musique d'aujourd'hui,
  • et, d'autre part, dans un champ plus général, se posent autour de la reprise, de l'amplification, des constituants instrumentaux et techniques (de production, de diffusion), de la multiplication des supports, de la spectacularisation (des émotions et des gestes), des traverses et perméabilités entre les genres musicaux, des apports de pratiques jusqu'à présent parsemées (phonographie, intermédialité), etc.

Pourtant, ce qui nous semble être une des interrogations essentielles est celle de l'intrication de la musique et de l'environnement, de leurs oscillations communes et respectives, et des impacts de l'un sur l'autre. Habituellement la musique est reproductible de lieu en lieu et est indépendante des conditions contingentes au moment de son exécution et de sa reproduction. Le lieu et l'espace d'écoute (auditorium) est généralement "préparé" et agencé de manière à garantir une qualité de de co-présence (œuvre, musiciens, auditoire), de reproductibilité et d'audibilité en correspondance avec ce que nous désignons en tant que musique (c'est-à-dire conventionnellement dans la culture occidentale, une musique dont le son est l'intermédiaire et le médium d'un programme "composé"). Cet espace va réagir correctement pour ne pas altérer la réception et la production musicales et pour ce faire il est conçu pour protéger, architecturalement et socialement, ces dernières des sons ordinaires et extraordinaires, incontrôlables, du "dehors". Son échelle règle l'intensité sonore des événements qui s'y passent et sa structure fermée isole au mieux des intensités sonores externes qui pourraient s'y propager. Ce réglage peut être très fin dans le but de prévoir une "équi-audibilité" et "-intelligibilité" pour chacun des auditeurs, et il peut être assisté par des systèmes techniques de correction et de soutien des sons pour que leurs propagations soient prolongées ou atténuées voire dans certains cas spatialisées. Sa réponse aux sons procure une sensation d'annulation des effets, pour la plupart indésirables, de l'espace (réverbération, masquage, etc.) pour privilégier les réflexions sonores les plus directes quelle que soit l'intensité des sons. D'ailleurs ce type d'espace ne "sature" pas (tout du moins pour les salles qualifiées de meilleures), et il semblerait qu'il serait difficile d'y ajuster une saturation sonore : c'est-à-dire d'arriver soit à une pressurisation acoustique permettant de faire réagir et "sonner" l'espace selon ses propriétés de résonance et de "résistance" (impédance), soit à des colorations simples des sons selon ces mêmes propriétés. Il s'agit d'un espace "orienté" qui régit les répertoires musicaux et les régimes sonores qui y sont donnés. Il les accueille, et, en même temps, du fait de son défaut de variabilité et de modularité pour, justement, garantir la fidélité sonore et acoustique pour une meilleure intelligibilité, il initie et sollicite des productions de musiques issues de ces mêmes répertoires. L'auditeur y fait peu l'expérience[15] de l'espace, de la durée et du son en faveur d'une expérience esthétique musicale "régulière" ou standardisée. Ainsi il se conforme à des conditions de présence et d'attention à la musique qui sont liées à l'immobilité, la concentration, et le contrôle de soi, et qui correspondent à une prédisposition à l'analyse et la conceptualisation engageant l'écoute dans une situation "domptée" et dirigée vers la félicité. Il s'agit véritablement d'un espace musical et d'un espace acoustique, et sans doute moins d'un espace sonore : il procure de concert avec la production musicale des expériences prédicatives — à l'encontre de celles antéprédicatives, c'est-à-dire antérieures à la conceptualisation et aux principes langagiers et discursifs, qui ne sont donc pas ou peu conviées et convoquées au sein de ces espaces d'écoute.

Écouter de la musique, dans ce sens, et nous allons le voir, est plus une opération à la fois aurale, intellectuelle et intellectualisée d'un suivi musical présupposé qu'une expérience directe et dans le présent des conduites sonores musicales, et l'utilisation de niveaux et d'intensités sonores extrêmes — tout autant que celles de registres, de densités et de durées non-communs, c'est-à-dire, dans le cas des intensités, hors de la gradation du pianissimo au fortissimo prise comme convention, tout en restant dans notre perception du spectre sonore —, semble venir perturber ce type d'écoute en faveur d'une écoute que nous pourrions commencer de qualifier de "physique" et en prise avec l'environnement (en quelque sorte, environnementale). L'apport et l'importance de cette écoute "libérée" sont, d'une part, liés à une nécessité de non-coupure et de continuité de nos expériences dans le quotidien et dans le présent (même si la musique y désigne un moment et un espace singuliers), et, d'autre part, sont corrélés à une conception de l'illimité musical (et des expériences que nous pouvons en avoir ; et que nous nommons musique étendue) comme élan majeur dans l'histoire musicale et comme forme d'utopie à la fois sociale et musicale (tout-à-fait concrète).



« Ce que produit l'enregistrement de la musique est une dissociation, quelque chose de différent de la performance elle-même : ce que vous entendez dans l'enregistrement est bien sûr la même performance, mais séparée du contexte originel où elle a été donnée. Quel est l'importance de ce contexte (naturel) ? Le contexte procure une "partition" que les interprètes jouent inconsciemment. Il ne s'agit pas d'une partition qui énonce explicitement la musique et qui, donc, comme c'est généralement et traditionnellement le cas dans la musique, n'a aucun intérêt pour l'auditeur, mais d'une partition qui coexiste inséparablement avec la musique, l'accompagne et la soutient. » (CARDEW Cornelius, "Towards an Ethic of Improvisation", In "Treatise Handbook", 1971, Edition Peters)[16]






Intonation pure, Intensité pure(Edit)

(JUST INTONATION — JUST INTENSITY)



La notion de "musique étendue" se comprend au premier abord comme une extension du phénomène musical liée à un débordement spatial et de sa pratique :

  • la musique qui se diffuserait au-delà des murs des salles dans lesquelles elle est donnée, voire même l'opération de la jouer en dehors de ces salles : l'effrangement et la propagation de la musique ; ceci serait aussi engagé dans la modification de la disposition spatiale spectatorielle pour organiser et distribuer spatialement et architecturalement de manière différente la production et la diffusion musicales dans un espace ;
  • une compréhension de la musique au-delà des définitions et des consensus qui lui donnent un périmètre d'action et de réception musicales : une conception "élargie" de la musique (au sens beuysien) ;
  • et une opération de dépassement des éléments et des actions qui permettent de jouer de la musique : une extension des moyens de la musique, amenant un élargissement des échelles de timbre et du spectre sonore joués par la musique.

L'assertion peut aussi se comprendre dans un registre temporel : une musique sans début ni fin qui s'abstrait d'une durée fixée (et qui s'étend donc dans le temps), et qui dans ce sens autoriserait à aborder des systèmes continus de génération et de jeu musical (automatiques, programmés) au-delà de la production humaine et instrumentale : une musique dont la durée devient illimité.

La notion d'étendue est liée et se réfère directement à la propriété du son qui est de se propager : ainsi toute musique utilise des étendues de sons, acoustiquement parlant, elle peut aussi s'étendre au-delà et au sein des salles par différents moyens et relais, ceux de retransmission et de diffusion (la radio, l'enregistrement, l'internet, etc.), et, dans les pratiques les plus contemporaines, elles intègrent des techniques dites étendues de jeu instrumental qui vont au-delà de la littérature historique et du répertoire d'une musique d'un genre donné.

Mais le fait de la "musique étendue" est justement de se baser sur la propriété de propagation sonore pour se constituer, et ceci en dehors de tout autre principe dont le fondement serait "hors-son", hors des propriétés sonores et acoustiques.
L'espace sonore est une vision théorique, il n'existe pas (mais tout espace fait d'air a une acoustique), ce sont les propagations et les étendues des sons qui font sonner les espaces et qui mobilisent leurs propriétés acoustiques sous certaines conditions.

En fait le terme de "musique étendue" permet d'approcher aussi d'autres dimensions :

  • la musique s'appuie sur un dispositif, celui du concert et de son espace (topos), qui est resté inchangé même si les renouvellements de formes esthétiques de la musique n'ont pas cessé à travers son histoire ;
    • la musique étendue explore, excède et sature ce dispositif ; (où commence la musique ? où finit-elle ?)
  • la musique a multiplié ses moyens (de production, de diffusion) (tekne), des instruments acoustiques, aux instruments d'enregistrements, et aux instruments numériques (synthèse sonore, générative, etc.), entre présence (synchronisation avec la musique qui se déroule dans le même espace) et reproductibilité (la musique devenant indépendante des lieux et des moments) ;
    • la musique étendue ne s'appuie pas sur des instruments particuliers et sur une multiplication des supports et des médias mais sur la synchronisation des lieux et des moments et de leurs expériences et de leurs accessibilités ;
  • la musique se fonde sur une répartition marquée des rôles : entre créateur et auditeur, entre expérience collective (favorisée) et expérience individuelle (défavorisée) ;
    • la musique étendue amenuise ses rôles par la primauté donnée à l'expérience (esthétique) du "présent" (même si les moyens de réalisation sont succints, la "scénographie" sonore et musicale réduite, voire inexistante, la manipulation sonore (le faire musical) absente) et par une absence de hiérarchie entre l'expérience individuelle et celle collective, par un rejet d'une opposition entre son et musique (entre sons captés ou relayés et sons construits et organisés) (entre expression et impression) ;
  • la musique est devenue une production linéaire, chronologique et discursive (conduite de l'émotion à partir d'une écriture hors-son à partir de la compréhension d'un "langage" mis en œuvre) qu'on ne peut réduire à une mémorisation ;
    • la musique étendue, inexpressive, propose un art de l'expérience de l'écoute par la mémoire (de l'expérience) et la topologie (la propagation et l'étendue des sons dans les lieux, l'immersion), potentielles que l'auditeur doit moduler et construire dans des synchronicités (avec les sons, avec les lieux, avec les moments) ;
  • la musique, de par le concert, est ritualisée, donc limitée temporellement et spatialement (épistémè) ;
    • la musique étendue se constitue sur les singularités des expériences issues des interactions entre les étendues des sons et les corps des auditeurs (/créateurs) ;
    • il ne s'agit plus d'une théorie des techniques, des représentations et des discours, mais d'une théorie du sensible et des expériences : de la propagation et la réception sonores et de la mémoire des auditeurs entre les lieux et les moments (les relations, les situations, les synchronisations, les désynchronisations), de l'interrogation de la circulation des sons et des expériences d'un endroit à un autre, d'un dispositif à un autre, d'un moment à un autre ("wayfarer", Tim Ingold), invitant à la mobilité de l'auditeur dans les espaces, et proposant à l'auditeur de ne plus confondre la durée de la musique à celle de son écoute (praxis).
      Ainsi, nous pourrions dire (à la suite de Martin Seel, que l'attitude esthétique conçoit le monde comme une forme de vie, et non pas comme un lieu de vie (attitude scientifique) ni comme un lieu pourvoyeur (attitude économique) — (Martin Seel, "Aesthetic Arguments in the Ethics of Nature", Thesis Eleven, 32, 1992, p.88.).

Dans ce sens le philosophe Arnold Berleant conçoit une esthétique environnementale fondée sur l'attention perceptuelle et sur l'expérience continuelle du monde :

La musique pourrait être définie comme un art social-environnemental. [...] En fait le terme "musique" est un raccourci pour parler de l'ensemble d'une situation expérientielle. La "musique en soi" est une synecdoque puisque le son (musical) est inséparable de (ce) qui le produit et de celui qui l'entend (évidemment cela peut être la même personne).(Arnold Berleant, (2009) “What Music Isn’t and How to Teach It.” Action, Criticism, and Theory for Music Education 8/1: 54-65. http://act.maydaygroup.org/articles/Berleant8_1.pdf )


Music could better be described as a social-environmental art. [...] In fact, the word music is actually a shorthand way of speaking of an entire experiential situation. “Music itself” is thus synecdochic, since musical sound is inseparable from an agent who produces and one who hears it. (Obviously they may be the same individual.) — (Arnold Berleant, (2009) “What Music Isn’t and How to Teach It.” Action, Criticism, and Theory for Music Education 8/1: 54-65. http://act.maydaygroup.org/articles/Berleant8_1.pdf )

Un environnement conçu par un artiste est une construction perceptive fabriquée qui concentre les caractéristiques qui se retrouvent dans tous les milieux. [...] L'engagement esthétique renonce aux séparations traditionnelles entre le critique et l'objet d'art, entre l'artiste et le spectateur, et entre l'artiste et les autres. [...] Les occasions où l'appréciation esthétique peut se développer sont illimitées et peuvent impliquer des objets quelconques. En outre, l'implication esthétique ne doit pas être rare ou restreinte. Elle est seulement limitée par nos capacités de perception et par notre volonté d'y participer. Dans le même temps, l'expérience esthétique ne domine pas toutes les situations.(Arnold Berleant, (2007) "On Getting Along Beautifully: Ideas for a Social Æsthetics", In Aesthetics in the Human Environment, by Pauline von Bonsdorff, pp. 12-29)


An environment devised by an artist is a fabricated perceptual construct that concentrates features found in every environment. [...] Aesthetic engagement renounces the traditional separations between the appreciator and the art object, between the artist and the viewer, and between the performer and these others. [...] The occasions on which aesthetic appreciation can develop are unlimited and can involve any objects whatsoever. Further, aesthetic involvement need not be rare or restricted. It is limited only by our perceptual capabilities and our willingness to participate. At the same time, aesthetic experience does not dominate every situation. — (Arnold Berleant, (2007) "On Getting Along Beautifully: Ideas for a Social Æsthetics", In Aesthetics in the Human Environment, by Pauline von Bonsdorff, pp. 12-29)

Dans ce sens donné à l'environnement nous sommes en immersion dans le monde, impliqués dans un processus constant d'action et de réaction. Il n'est pas possible de ne pas en faire partie. L'interaction physique entre le corps et son environnement, l'interconnexion psychologique entre la conscience et la culture, et la dynamique harmonique par l'attention sensorielle rendent l'être humain inséparable de la situation environnementale. Les dualismes traditionnels, tels que ceux qui se basent sur la séparation de l'idée et de l'objet, de soi et des autres, de la conscience interne et du monde externe, disparaissent dans cette expérience intégrante de l'individu et l'espace. Une nouvelle conception de l'être humain émerge : organique, consciente, sociale, telle une entité expérientielle qui est à la fois produite et génératrice des forces environnementales. Ces forces ne viennent pas seulement des objets physiques et de leurs conditions, tel que dans le sens usuel que l'on donne à l'environnement. Elles comprennent aussi les conditions somatiques, psychologiques, historiques et culturelles. L'environnement est la matrice de telles forces. En tant que partie de l'environnement, nous formons et à la fois nous sommes formés par les qualités expérientielles de l'univers dans lequel nous habitons et vivons. Ces qualités constituent le domaine perceptif dans lequel nous engageons des expériences esthétiques, formé par la multitude des forces qui sont agissantes en son sein. [...] Je pense que nous pouvons découvrir certains traits communs entre nos activités et les expériences que nous menons avec les nombreuses formes artistiques : elles sont toutes des occasions que nous pouvons appeler esthétiques.(Arnold Berleant, (2002) "Notes For a Cultural Æsthetic", In Koht ja Paik / Place and Location, ed. Virve Sarapik, Kadri Tüür, and Mari Laanemets, Eesti Kunstiakadeemia, 2002, pp. 19–26)


In this sense of environment, people are embedded in their world, implicated in a constant process of action and response. It is not possible to stand apart. A physical interaction of body and setting, a psychological interconnection of consciousness and culture, a dynamic harmony of sensory awareness all make a person inseparable from his or her environmental situation. Traditional dualisms, such as those separating idea and object, self and others, inner consciousness and external world, dissolve in the integration of person and place. A new conception of the human being emerges as an organic, conscious, social organism, an experiential node that is both the product and the generator of environmental forces. These forces are not only physical objects and conditions, in the usual sense of environment. They include somatic, psychological, historical, and cultural conditions, as well. Environment is the matrix of all such forces. As part of an environmental field, we both shape and are formed by the experiential qualities of the universe we inhabit. These qualities constitute the perceptual domain in which we engage in aesthetic experience, a domain shaped by the multitude of forces acting on it. [...] I suspect that we may discover certain common features in people's activities and experiences with the many artistic forms, occasions we can call aesthetic. — (Arnold Berleant, (2002) "Notes For a Cultural Æsthetic", In Koht ja Paik / Place and Location, ed. Virve Sarapik, Kadri Tüür, and Mari Laanemets, Eesti Kunstiakadeemia, 2002, pp. 19–26)

Suite à la démonstration d'Arnold Berleant à propos de nos expériences environnementales en tant qu'expériences esthétiques, nous pouvons ouvrir une question qui se pose à la musique étendue :
Toute expérience est-elle nécessairement esthétique du seul fait qu'elle implique la perception sensible ?



Une hypothèse sous-jacente de la "musique étendue" et donc de l'expérience de l'illimité musical et sonore est celle que jouer de la musique est activer un espace.

Habituellement la musique est prévue pour être jouée dans un et des espaces d'écoute. Ces espaces organisés et architecturés de l'écoute se sont normalisés de la même manière que l'utilisation dans la musique du spectre sonore et de l'harmonie musicale (sur le socle du tempérament égal). Ces standardisations touchant ces éléments, tout autant que la nature des sons et leur amplitude, ont été réglées afin d'écarter

  • les simultanéités dites inharmonieuses (dont le bruit trop riche en harmoniques)
  • et les intensités extrêmes (dont les tensions gênent la "clarté" de la musique), du plus ténu à l'extrême fortissimo
  • qui tous deux jouent le rôle de filtre de l'espace acoustique — comme en a pu jouer Glenn Gould à sa manière.

« Un jour, alors que j’avais à peine une dizaine d’années, j’étais en train de travailler [sur une fugue de Mozart] quand tout à coup on a mis en marche un aspirateur à côté du piano, et je n’arrivais plus à m’entendre jouer. À cette époque je n’étais pas en très bons termes avec la femme de ménage, et la chose était faite à dessein. Je ne pouvais presque plus m’entendre. Mais je me suis mis soudain à sentir ce que j’étais en train de faire - la présence tactile de cette fugue, représentée par la position des doigts, et représentée aussi par le genre de son qu’on obtient sous la douche en secouant la tête avec l’eau qui ressort par les deux oreilles. C’était la chose la plus lumineuse, la plus excitante qu’on puisse imaginer - le son le plus extraordinaire. [La fugue] décollait - tout ce que Mozart n’était pas vraiment parvenu à faire, je le faisais pour lui. Je prenais brusquement conscience du fait que l’écran spécial à travers lequel je regardais tout cela, et que j’avais dressé entre moi-même et Mozart et sa fugue, était exactement ce dont j’avais besoin - [c’est ainsi], je l’ai compris plus tard, qu’un certain processus mécanique devait s’interposer entre moi-même et l’œuvre d’art à laquelle je travaillais. [...] ... dans les passages piano, je n’entendais littéralement plus rien de ce que je jouais. Bien entendu, je sentais une relation tactile avec le clavier, qui est lui-même chargé de tant d’associations acoustiques. Je pouvais donc imaginer ce que je faisais, mais sans réellement l’entendre. La chose étrange était que soudain tout se mettait à sonner mieux que ce n’était le cas sans l’aspirateur, et particulièrement les endroits où je ne pouvais plus m’entendre du tout. [... ] Ce que j’ai appris de la rencontre fortuite de Mozart et de l’aspirateur, c’est que l’oreille interne de l’imagination est un stimulant beaucoup plus puissant que tout ce qui peut provenir de l’observation extérieure. »
— (Glenn Gould, "The Well Tempered Listener", film télévisé, CBC, 1970 - cité par Geoffrey Payzant dans Glenn Gould, "Un homme du futur", trad. L. M. et T. Shipiatchev modifiée, Paris, Fayard, 1983, p.73, p. 155.)


« placer, de chaque côté du piano, une radio ou, mieux encore, une radio d’un côté et une télévision de l’autre, et mettre toute la sauce. [...] il fallait que le niveau [sonore] soit suffisamment élevé pour que, tout en sentant ce que je faisais, je perçoive en premier le son de la radio, ou celui de la télé, ou, mieux encore, les deux ensemble. J’étais en train de séparer, à ce moment-là, ma concentration en deux parties... »
—( Glenn Gould, Entretiens avec Jonathan Cott, trad. J. Drillon, Paris, Fayard, 1983, p.57.)


À ce sujet :
"L’aspirateur, branché sur la machine corps-piano-(œuvre), fonctionne comme un prisme. Ce genre de processus mécanique de désensibilisation matérielle, extérieur à l’architecture des œuvres, a ses répondants dans les procédés de reconstruction par lesquels Gould intervient analytiquement dans leur organisation formelle (contrepoint, rythme, effets dynamiques, phrasé, ornementation, sans parler de toutes les astuces de montage autorisées par les technologies d’enregistrement)." — (Élie During, "Glenn Gould : l’aspirateur et autres procédés", http://www.musicafalsa.com/article.php3?id_article=63 — "Logiques de l'exécution : Cage / Gould", In Critique, nº639-640, dossier « Musique(s). Pour une généalogie du contemporain », août-septembre 2000, http://www.ciepfc.fr/spip.php?article51 )

Ainsi la musique s'est structurée et, en fin de compte, a établi un langage que l'écoute décode en dehors de tout élément contextuel. Elle a structuré des discours musicaux et n'a plus structuré ni fait osciller et moduler son environnement (dans le sens d'activer l'espace, d'en faire l'expérience, autant spatialement que temporellement). Autant le tempérament est devenu égal, autant l'échelle d'intensité l'est devenue également.



Pour illustrer cette hypothèse de la musique comme filtre de l'environnement, les œuvres de La Monte Young sont à ce sujet remarquables et concernent principalement l'exploration du spectre harmonique :

  • que cela soit au travers de l'immersion sonore
  • et au travers de la "just intonation", au-delà du tempérament égal
      • développée par exemple dans "The Well-Tuned Piano" (1964-present), les "Symmetries" et "Prime Time Twins", et dans "Just Charles & cello" (2002-2003).

        La "just intonation" (ou gamme naturelle) poursuit l'exploration du tempérament à intervalles justes et par division multiple de Helmholtz ("Théorie physiologique de la musique fondée sur l'étude des sensations auditives", Paris : Masson, 1868 ; "On the sensations of tone as a physiological basis fo the theory of music", London, 1885), afin d'utiliser des rapports harmoniques "purs" et ainsi l'utilisation des harmoniques supérieures (ou partiels de rang supérieur au-délà de 7) pour l'obtention de combinaisons sonores inédites perçues.



En place et lieu d'une musique expressive ou expressionniste (ce qui est pourtant relevé par la plupart des commentateurs), ce qui semble intéresser La Monte Young est l'entrée dans le son et une immersion musicale sans équivalent, en durée, en espace et en action.

../files/articles/lamonteyoung/1968_kostlmy_intosound.jpgConversation With La Monte Young By Richard Kostelanetz, 1968. In Richard Kostelanetz. "The Theatre of Mixed Means - An Introduction to Happenings, Kinetic Environments, and Other Mixed-Means Performances". New York : The Dial Press, 1968, pp. 183-218 ; and in La Monte Young/Marian Zazeela," Selected Writings". Munich, Germany: Heinar Friedrich.
ref. p. 197

Source :
http://theater.ua.ac.be/bih/pdf/1968-00-00_lamonteyoung_conversationkostelanetz.pdf
http://www.ubu.com/historical/young/young_selected.pdf

Kostelanetz — Vous avez parlé "de tenter d'entrer dans le son". Comment cela marche-t-il ?
La Monte Young — Il y a plusieurs façons d'approcher cela. La première est lorsque vous vous concentrez tellement sur un son donné que tout ce qui survient est du son. Même si je reste assis ici, tout ce que je suis est un élément de son. Une seconde approche est de déambuler dans un espace où le son est très présent physiquement, où il est tellement enveloppant que vous "êtes" dans le son. Cet état est celui des auditeurs qui se déplacent dans l'espace de mes concerts.



Liz Kotz analyse cette question d'immersion et des conditions nécessaires pour proposer une expérience du son :

../files/articles/lamonteyoung/1968_kostlmy_kotz95.jpgCette dimension agressive physique émerge aussi dans l'utilisation de La Monte Young des sons longs et continus joués à un volume sonore extrême, qui permettrait ainsi aux auditeurs d'"entrer dans le son", selon les termes de Young, afin de développer une relation viscérale physique et une expérience avec le son au travers d'une immersion intense de longue durée. Henry Flynt analyse que le but de cette immersion dans le "son continu" était "la production d'un état altéré et modifié à l'aide d'une attention focalisée et d'une fatigue perceptive par la saturation", amenant l'auditeur à cet état par la force d'une sensation structurée.
À partir de 1962, La Monte Young se tourne vers l'exploration systématique des sons continus dans la musique "drone", par l'utilisation de combinaison de fréquences subtilement modulées et superposées diffusées parfois à des volumes et intensités sonores extrêmes sur de longues durées, ce qu'il avait commencé à mener et à développer depuis les années 60.


— (Liz Kotz, "Post-Cagean Asthetics and the 'Event' Score", In October Magazine, Vol. 95, Winter 2001, MIT Press, pp. 55-89, http://faculty.ucr.edu/~ewkotz/public_html/texts/oct95.pdf , http://faculty.ucr.edu/~ewkotz/publications.html )

La Monte Young dans sa "Conférence 1960" ('Lecture 1960'') décrit l'expérience prolongée d'un son continu comme l'expérience d'un environnement (dans lequel nous sommes en immersion) par l'écoute mais aussi et surtout par l'expérience physique d'un espace acoustique. Cette expérience corporelle musicale induite par l'écoute et par les sensations sonores participe de nos modulations des espaces et des étendues sonores que nous poursuivons continuellement (au-delà du moment musical à proprement dit). Nous acquérons par elle une perception et une expérience renouvelée du monde autour de nous, à l'aide de ces "changements de plans" ou "changements d'intensités" : par syntonisation, par filtrage, par modulation, par oscillation, par immersion, etc.

Sometimes we produced [Terry Riley and I] sounds that lasted over an hour. If it was a loud sound my ears would often not regain their normal hearing for several hours, and when my hearing slowly did come back it was almost as much a new experience as when I had first begun to hear the sound. These experiences were very rewarding and perhaps help to explain what I mean when I say, as I often do, that I like to get inside of a sound. When the sounds are very long, as many of those we made at Ann Halprin's were [during our collaboration with the dance company in 1959 and 1960], it can be easier to get inside of them. Sometimes when I was mekaing a long sound, [...] I began to feel the parts and motions of the sound more, and I began to see how each sound was its own world and that this world was only similar to our world in that we experienced it through our own bodies, that is, in our own terms. [...] By giving ourselves up to [the sound and the world], I mean getting inside of them to some extent so that we can experience another world. This is not so easily explained but more easily experienced. [...] We find [...] that when the sound stops, or we leave the area in which the sound is being made, or we just plain leave the world of the sound to some degree, that the world into which we enter is not the old world we left but another new one.
— (La Monte Young, "Lecture 1960", in "Happening and Other Acts", Mariellen Sandford (Ed.), New York : Routledge, 1995, p. 79)
Parfois nous produisions des sons qui se prolongeaient au-delà d'une heure. Si c'était un son puissant, mes oreilles ne retrouvaient leur écoute normale qu'après plusieurs heures et quand mon ouÏe revenait lentement, c'était presque comme une nouvelle expérience comme quand j'avais commencé à écouter le son. Ces expériences étaient très enrichissantes et aident peut-être à expliquer ce que je veux dire quand je dis, et je le dis souvent, que j'aime entrer dans un son. Quand les sons sont vraiment très longs, comme l'étaient ceux que nous produisions [avec Terry Riley] chez Ann Halprin [lors de nos collaborations avec sa compagnie de danse en 1959 et en 1960], il est peut-être plus facile d'un entrer. Parfois quand je produisais un son long, [...] je commençais à mieux ressentir les parties et les mouvements du son et à avoir comment chaque son a son propre monde [et a sa propre organicité], et que ce monde est semblable au nôtre dans la mesure où nous en faisons l'expérience quotidienne avec nos propres corps, c'est-à-dire, avec nos propres moyens. [...] En nous abandonnant [aux sons et au monde], cela veux dire y entrer jusqu'à un certain point pour faire l'expérience d'un monde autre. On n'explique pas ça si aisément mais il est plus facile d'en faire l'expérience véritable. [...] Nous découvrons [...] quand le son s'arrête ou quand nous quittons l'espace où le son est produit, ou simplement quand nous quittons partiellement juste le monde du son, que le monde dans lequel nous entrons n'est pas l'ancien monde que nous avions quitté mais un autre, nouveau.
— (La Monte Young, "Conférence 1960", Paris : Éditions Éoliennes, 1998 & 2012, pp. 17-19) (Adaptation de la traduction de Marc Dachy)



Son intérêt pour les environnements (tel la "Dream House") et la "just intonation" (ou intonation pure, ou encore tempérament équitable — selon Philippe Lalitte —, et tempérament à intervalles justes — (voir plus haut)) (avec "The Well-Tuned Piano", "Just Charles & cello", mais aussi les "Drift Studies") est à "originer" dans son approche de l'expérience du son "en plein air" ou en extérieur : les sons de frottements du vent sur les obstacles, les "bruits de fond" des ambiances environnementales (les sons permanents auxquels nous ne prêtons pas forcément une attention).

../files/articles/lamonteyoung/1968_kostlmy_naturalsounds.jpgibid.
ref. pp. 194-195

Young — Le vent est un son constant dont la fréquence à tout moment est dépendante de l'environnement ou du lieu, et donc cette dernière n'est jamais stable. Parfois cette fréquence perçue restait continue pendant les tempêtes de neige quand le vent soufflait à travers les fentes au travers des planches de la cabane [son lieu d'enfance à Bern, Idaho], mais même là le son se caractérisait par des variations d'augmentation et de diminution de cette fréquence, que nous associons aussi facilement au son du vent, selon la force variante des rafales. J'aimais vraiment ça. Je trouvais cela incroyable. C'était super de l'entendre arriver et s'engouffrer - très calme, très apaisant et méditatif. Durant mon enfance je me souviens de quatre expériences différentes de son continu qui ont influencé mon travail musical : le son des insectes : le son des poteaux et fils téléphoniques ; le son produit par la vapeur pulsée comme celle s'échappant de la théière de ma mère et celle des cornes de train ; et la résonance particulière à des reliefs géographiques comme les vallées, les lacs et les plaines. En fait, le premier son continu et constant, sans début ni fin, que j'ai entendu lorsque j'étais enfant était celui du vent près les poteaux téléphoniques — le murmure constant des fils. Cela a eu une influence importante sur mon écoute et sur certains de mes travaux traitant du son soutenu et du son clairsemé tel que le "Trio for Strings" et la "Composition 1960 #7" (un si et un fa# "à tenir durant une longue durée").
Kostelanetz — Et à cette époque, êtes-vous retourné écouter le vent dans les fils téléphoniques ?
Young — Oui, et encore aujourd'hui, j'adore vraiment les centrales électriques. Par exemple, le transformateur placé sur les poteaux téléphoniques contribue certainement à ce son constant, à ce bourdonnement. Quand l'électricité passe par les relais et traverse les transformateurs, des bourdonnements de différentes fréquences sont produits. La combinaison astucieuse entre l'électronique et les machines électriques semble générer des séries d'harmoniques partielles. Les partielles comprises dans ces séries sont reliées entre elles par des ratios de nombre entier, et ce qui est intéressant de comprendre isi est que les harmoniques partielles produites par les vibrations des cordes et des instruments à vent comme les pipeaux et les cornemuses sont aussi en relation de la même manière. Si mon réfrigérateur redémarre, or s'il arrive que je mette en route le moteur de mon aquarium à tortue, je peux arriver à chanter quelques unes des harmoniques inférieures si vous voulez.
Kostelanetz — Donc, vous remarquez que l'environnement (la nature) est pleine de sons continus ?
Young — En fait, en dehors des sons d'essaims d'insectes et des espaces géographiques résonants naturels, il n'était pas si facile de trouver des sons de fréquence constante avant notre époque de la mécanisation et de l'électronique.
Kostelanetz — Et les cascades ?
Young — Leur son est à peu près constant. S'il s'agit d'une grande cascade, le son est assez bruité très proche du bruit blanc. C'est un son plein, une masse sonore qui contient tellement de fréquences simultanées qu'on l'entend comme un complexe de sons. Théoriquement, le bruit blanc contient chaque fréquence dans une "bande" particulière, même si le son d'une cascade peut très bien ne pas toutes les posséder.
Les endroits où nous trouvons un son continu, le drone, et qui est avec nous depuis plusieurs milliers d'années, ce sont dans certains systèmes musicaux qui l'utilisent, comme en Inde, en Écosse, et en Espagne. Le son constant est aussi présent dans l'organum, une forme évoluée du plain-chant au IXème siècle qui correspond au chant religieux de l'Église Catholique [une forme primitive de la polyphonie vocale sacrée] ; dans un certain style d'organum différentes hauteurs sont continues, et la mélodie les traverse.

Si il y a une consonance (et une harmonie) à trouver, elle n'est sans doute pas celle d'une seule contemplation du son, mais celle d'une modulation constante et continuelle physique et environnementale (en surplus d'être mentale et spirituelle chez La Monte Young). Cette modulation ne se fonde pas sur des cadres de structures (de combinatoires hors du son) comme nous pouvons le trouver dans la musique occidentale du XXème siècle (dont la musique sérielle est le parangon et dont la musique tonale est le socle), mais sur des possibilités infinies de l'exploration harmonique du son. Celle-ci se trouve autant dans le son lui-même (l'ambitus de sa spectralité et la variété des combinaisons et des échelles harmoniques) et que dans la propagation du son dans l'espace et dans le temps (que je nomme la "musique étendue") : une continuelle syntonisation que nous opérons. Ainsi il s'agit à chaque fois d'activer un espace (et non de s'y lover et de le comprendre comme un réceptacle "neutre") et de le découvrir par le son et par le corps. L'intérêt est de mobiliser l'espace d'une manière qui quitte celle normalisée et standardisée et qui a conditionné toute la musique occidentale. "Poem" est dans ce sens exemplaire et fait émerger les prémisses des œuvres qui vont suivre.

Ainsi il faut voir son travail, qui suivra les œuvres de 1960, sur la "Just Intonation" et la micro-tonalité (les possibilités infinies de la gradation de l'octave) comme une exploration systématique de la naturalité harmonique des espaces et des sons dans les espaces (les résonances naturelles). De même notre relation à l'environnement et aux acoustiques des environnements devient modifiée : nous y modulons plus que nous y ou l'écoutons, les sons s'y étendent et nos modulations (nos mouvements) étendent la perception de l'espace et des sons. Les compositions et les œuvres de La Monte Young intègrent autant les particularités sonores et acoustiques que celles des mouvements des auditeurs voire de la situation sociale représentée par le "concert" (que transgresse presque à chaque fois La Monte Young, en travaillant sur la durée et les sons continus, sur l'intensité sonore liée au spectre harmonique, sur les actions à mener, sur la nécessité de prendre en compte les propriétés de l'espace, etc.).



Si le geste originaire présent dans "Poem" est un geste du quotidien, celui de bouger une chaise, et participe d'une "philosophie" du quotidien, il s'agit ensuite de prendre conscience que cette chaise "sonne" dans l'espace dans une amplitude harmonique et d'intensité. Faire de la musique (ou la fabriquer) dépasse l'impression et l'expression de celle-ci pour se fonder sur une réalité, ici acoustique :

../files/articles/lamonteyoung/1968_kostlmy_reality.jpgibid.
ref. p. 190

Les sons les plus longs et continus donnent une réalité à l'analyse harmonique auditive et ces relations internes dans le son se révèlent très vite bien plus belles, harmonieuses et justes que les approximations arbitraires du tempérament égal. — (La Monte Young)



Et ensuite il s'agit de considérer que l'environnement (le monde autour de soi et au-delà) dans lequel nous agissons et dans lequel la musique apparaît, est un espace dont l'ampleur harmonique et spectrale et celle des intensités jouent des résonances et des propagations naturelles (c'est-à-dire construites, car il n'y a pas de "nature" en soi) dans toute notre capacité de perception et de compréhension sonores et musicales. L'inharmonicité et toute la palette des intensités sont présentes (ce que nous montrent les musiques et les pratiques musicales d'autres cultures que celle occidentale, mais aussi certaines de nos pratiques sonores qui par défaut ne sont pas qualifiées de musicales et qui pourtant forment notre ambitus d'écoute et créent des expériences esthétiques qui musicalisent notre présence et notre activité dans un environnement) :

../files/articles/lamonteyoung/1968_kostlmy_natureintonation.jpgIbid.
ref. p. 201

Kostelanetz — Ce que vous nous indiquez est donc que la nature est en "intonation pure".
Young — C'est un exemple de système harmonique qui apparaît naturellement dans le monde sonore.



En prenant sa source sur l'observation et l'expérience du "réel" et des variations et simultanéités continuelles de celui-ci (puisque nous-mêmes nous y modulons), du bruit faisant découvrir des palettes larges des harmoniques du son, au son le plus ténu présent dans nos ambiances, la musique devient une musique par l'environnement (au-delà d'une musique de l'environnement), une musique de syntonisation (les accords et les désajustements continuels de nos modulations) et une musique du filtrage puisque les interactions en direct entre les espaces, les sons et nos corps créent et fabriquent des filtres modulés dans les opérations d'écouter et d'entendre. Notre appareil auditif et notre perception étant toujours en action, notre attention varie en analysant les propagations sonores (Bregman, "Audio Scene Analysis", 1990 — http://webpages.mcgill.ca/staff/Group2/abregm1/web/pdf/2004_%20Encyclopedia-Soc-Behav-Sci.pdf —) et les détails, dynamiques et "couleurs" d'une ambiance (Thibaud, 2004, 2012 — http://doc.cresson.grenoble.archi.fr/opac/doc_num.php?explnum_id=40http://www4.ncsu.edu/~mseth2/com307/readings/ThibaudSenses.pdfhttp://halshs.archives-ouvertes.fr/docs/00/74/58/80/PDF/ambiances2012_thibaud_siret.pdf —). Être présent dans une ambiance ou dans un paysage sonore (terme et philosophie inadéquates ici, et dont il faudrait renouveler l'approche, après Robert Murray Schafer ("The Soundscape - the Tuning of the World", 1977) , avec notamment les notions de "Positive Soundscape" — http://usir.salford.ac.uk/2460/1/Davies_ICA_2007_soundscapes_paper_v3.pdfhttp://webistem.com/acoustics2008/acoustics2008/cd1/data/articles/001103.pdf — et de "wayfarer" selon Tim Ingold — http://www.spacesyntax.tudelft.nl//media/Long%20papers%20I/tim%20ingold.pdf — ), est non seulement poétique et contemplatif, mais est aussi et surtout une expérience du présent et du direct sur lequel nous pouvons agir.

../files/articles/lamonteyoung/1968_kostlmy_beyondinformation.jpgIbid.
ref. pp. 197-198

Il y a un domaine dans lequel je vais plus m'investir — que se passe-t-il après que la donnée d'information liée au son a passé l'étape de la réception dans la chaîne auditive ? Il est fort probable, tel que je l'entends, que ce qui me fait aimer ce son est plus que seulement la manière dont mon oreille reçoit l'information. — (La Monte Young)



Habituellement dans la musique les conduites mélodiques, harmoniques et de nuances d'intensité se retrouvent conjointes pour développer des états d'émotions (ethos), ou encore sont articulées pour créer des reliefs et des dynamiques liés à une structure sous-jacente qui établit une règle d'écriture et de décisions qui dirige l'écoute. Ce que relève La Monte Young est qu'il y a aussi des interactions acoustiques entre le spectre harmonique et l'intensité sonore et que ceci peut structurer (comme nous l'avons signalé plus haut) la musique et son environnement. Là où la musique utilise des déliaisons (entre hauteur et intensité, entre durée et hauteur, entre durée et intensité, entre timbre et les autres composants que nous venons de lister, et toutes les autres combinaisons multiples entre eux), il y aurait un territoire sonore et musical infini à explorer et à jouer.

../files/articles/highvolume/theatreofeternal4.jpgIbid.
ref. p. 201

Un élément qui façonne l'utilisation de l' intonation juste et ce que les auditeurs entendent lors de mes concerts c'est l'amplification. Il arrive que l'amplification soit une nécessité de l'audibilité des harmoniques — plus le son est fort, mieux vous pouvez entendre les harmoniques du son, en tout cas leur perception augmente avec l'accroissement de l'intensité et de l'amplitude sonores. À un volume sonore ordinaire elles sont tellement faibles que vous ne pouvez pas percevoir la plupart des harmoniques supérieures. En fait, si vous écoutez ma voix chantée sans qu'elle soit amplifiée et en vous mettant très près, vous pourrez sans doute jusqu'à la troisième harmonique. Avec une amplification, vous percevrez dans ma voix jusqu'à la septième harmonique et dans celle de Marian jusqu'à la neuvième. C'est la seule raison pour laquelle nous jouons "The Tortoise" aussi fort. — (La Monte Young)

../files/articles/lamonteyoung/1968_kostlmy_loudsound.jpgIbid.
ref. p. 213

Kostelanetz — Donc vous jouez ensemble à un volume et à des amplitudes sonores extrêmement élevés, presque au seuil de la douleur.
Young — Cela arrive. Pour moi ce n'est pas douloureux, mais pour une personne qui n'a pas l'habitude cela peut être souvent le cas. C'est le seuil de l'instabilité sensitive qui est recherché. On apprend, je crois, à écouter les sons forts sans ressentir la douleur. Je ne pense pas que j'ai perdu de ma capacité auditive durant ces dernières années. Quand je travaillais avec Ann Halprin [en 1959-1960 à Los Angeles] et que j'écoutais des sons à très fort volume en restant à proximité, il m'arrivait de ne pas retrouver une écoute normale avant quelques heures. En ce moment, je n'ai pas ce problème. J'ai appris que je pouvais encore entendre les fréquences jusqu'à 17 500 Hz ce qui est probablement le niveau le plus élevé que je n'ai jamais obtenu. Bien que je n'ai aucun moyen de prouver que je peux entendre des sons de très faible intensité aussi aisément qu'autrefois, mon hypothèse est que mes oreilles et ma capacité auditive ne se sont pas détériorées.
Il y a deux raisons essentielles à mon travail avec des sons qui atteignent des niveaux de 120 et 130 dB. En premier lieu, nous savons à partir des études de la courbe de Fletcher-Munson que l'oreille n'entend pas les fréquences graves à un niveau sonore faible, en tout cas et proportionnellement, pas aussi bien que les aigus. Donc, si nous prenons comme exemple une situation sonore donnée contenant des fréquences graves, aigues et mediums et à un volume relativement peu élevé, l'oreille ne percevra pas tout le spectre sonore présent, notamment le registre grave sera peu perçu. Cela ne se résoud pas aussi facilement. Nous savons cependant qu'à un niveau sonore élevé l'oreille entend mieux, par rapport à la situation initiale, le registre grave. Vous obtenez ainsi le registre sonore intégral. En second lieu, les interactions issues des combinaisons de fréquences, particulièrement les résultantes différentielles, sont mieux perçues à un tel niveau sonore. Les résultantes obtenues dans un registre inférieur avec les fréquences en-dessous de 15 Hz produisent des battements et peuvent être très utiles pour le musicien pour ajuster ses intervalles harmoniques de manière précise, et ces battements ne sont perçus seulement qu'à des niveaux sonores les plus élevés.

Kostelanetz — Plus le volume sonore est fort et élevé, plus vous entendez les différentielles harmoniques.
Young — Et, ainsi, la précision harmonique et d'intonation est plus grande, et la complexité est plus riche.

Nos capacités de production et d'écoute musicales sont étendues et intègrent les opérations de syntonisation et de modulation avec nos environnements ; la musique est espace, intensité, son, que nous modulons et filtrons continuellement.

../files/articles/lamonteyoung/1968_kostlmy_musiclistening.jpgIbid.
ref. p. 203

On pourrait très bien définir la musique par tout ce que nous pouvons écouter. — (La Monte Young)




articles connexes :











Le présent sonore et musical(Edit)

(THE SONIC & MUSICAL NOW)

Engager des interactions entre l'espace et la musique demande à la fois de transgresser la disposition réglée des lieux destinés à l'écoute, et d'explorer des échelles élargies des régimes sonores et des réalisations musicales. Ces échelles demandent de se placer au-delà du langage et de la maîtrise sonore tous deux au service d'une intention musicale conceptualisée (par l'écriture, par des formes de composition anté-sonore, etc.) — et qui, de surcroît dans son exacerbation et son exclusivité, "oublie" ou n'emploie plus l'ensemble et l'envergure des qualités et des contrastes sonores —, afin de laisser surgir des propriétés immédiates de l'action et des conduites des sons dans un espace et dans une durée. Ainsi la présence (ou le présent) des sons, leurs étendues, leurs animations, leurs dynamiques, et leurs combinaisons, sont constitutives :

  • des réactions de l'espace (et plus justement, de l'environnement et de ses configurations continuellement changeantes et variables en fonction de contingences et d'expériences qu'on y mène) ;
  • des modulations de durées (dans les étendues sonores qui se propagent dans les espaces acoustiques et avec lesquelles nous interagissons et modulons) ;
  • et des réactivités que nous menons et entreprenons pour mobiliser nos perceptions et nos pratiques dans le son, et comment nous les activons (syntonie[17], détachement[18], idiorrythmie[19], etc.).

Si la situation musicale est spatiale et temporelle, elle est aussi "présente" et dans le présent (tout en étant aussi mais pas exclusivement un espace de représentation). Ainsi ce présent est celui de l'animation des dynamiques et des interactions, de ce qu'on produit, ce qu'on reçoit, dans un "direct", c'est-à-dire dans ce qui est simultané à nous, qui se déroule, qui se présente à nous, et qui vient modifier notre expérience en cours dont nous pouvons en retour moduler l'intensité (sans que nous l'ayons prévue ou analysée en préalable). Un des enjeux est donc que le présent sonore soit aussi le présent musical.

Généralement, à l'écoute d'une musique, qu'elle soit improvisée ou interprétée, nous engageons des principes de prédictibilité et de prévisibilité en fonction des indices apportés par la conduite des sons et des mouvements musicaux : nous suivons des anticipations et un programme et nous anticipons des tensions et des résolutions, au travers des modulations harmoniques et des durées de ces dynamiques. Nous avons appris à percevoir les successions des tensions (climax), des relâchements et des détentes dans les mouvements musicaux (selon les styles de musique) ainsi que leurs durées, leurs allongements et leurs fins, voire parfois leurs objectifs et leurs intentions de créer tel ou tel "climat" particulier. Nous savons qu'une musique n'est pas infinie (qu'elle se résout dans des décisions qui sont déjà prises à l'avance) et qu'elle est continuellement "audible" dans le sens qu'elle ne débordera pas l'ambitus sonore (en termes de fréquences audibles par nos oreilles, en termes de successions harmoniques et en termes d'écarts de dynamiques) et que finalement nous entendrons ce qui est attendu ou prévu. Ces principes (de chaînes de prévisibilité dans le déroulement) s'appliquent toujours à la conduite harmonique et des intensités sonores, et rarement à l'espace : l'écoute frontale est généralisée et l'utilisation de la spatialisation dans les musiques les plus récentes (électroacoustiques par exemple) ou dans les systèmes d'écoute actuels (cinéma, systèmes surround, ambiphoniques[20], etc.) est toujours basée sur la distanciation, c'est-à-dire que la référence est toujours notre point d'écoute (de manière similaire au point de vue). L'auditeur surplombe et se repère sans problèmes face à un horizon (musical) qui restera toujours visible, même dans le cas où il se retrouvera submergé, par exemple, par la puissance, et ainsi par le plaisir procuré par celle-ci, d'un dispositif orchestral ou, autre exemple, par l'évolution émotionnelle d'un mouvement musical — quoiqu'il serait vraiment intéressant de définir ce que nous appelons l'émotion musicale.

« Le son signale ce qui est imminent, ce qui va arriver comme une indication de ce qui va vraisemblablement arriver. Beaucoup plus que la vision, il est chargé du sens de ce qui va arriver ; autour de ce qui est imminent il y a toujours une zone d'indétermination et d'incertitude — toutes conditions qui favorisent un intense agitation émotionnelle. [...] Le son agit directement sur l'organisme comme une commotion. [...] L'ouïe est le sens de l'émotion. [21] » (DEWEY John, "L'Art comme Expérience (Art as Experience"), [1934], coll. "Folio Essais", Paris : Éd. Gallimard, 2010)






Musique par l'environnement(Edit)

(MUSIC BY ENVIRONMENT — MUSIC AN ENVIRONMENT)

« Tout mouvement de nature est le produit de vibrations, mais une même vibration ininterrompue ne fait pas un son ; pour cela il doit y avoir interruption, impact et résistance. [...] Les sons "viennent" de l'extérieur du corps, mais le son lui-même est proche, intime ; c'est une excitation de l'organisme ; nous sentons la secousse des vibrations à travers tout notre corps. »
(DEWEY John, "L'Art comme Expérience (Art as Experience)", 1934)

« Toutes les structures sur la surface de la terre vibrent, rien n’est en repos. »
(GENDREAU Michael, "Parataxes", Paris : Van Dieren éditeur, 2010)



  • La musique est très rarement "topologique"[22], c'est-à-dire en prise avec ses limites, avec ses extrêmes, avec ses continuités (et discontinuités), avec ses alentours et ses voisinages.
  • Elle est également rarement dans "l'actuel", c'est-à-dire dans le direct de ses transformations, de ses modulations et de ses interactions qui vont agir sur son propre déroulement. On parle plus aisément de la prise de conscience du direct de l'écoute — nous percevons que nous sommes en train d'écouter et que les autres font de même, et nous concevons que certains éléments musicaux peuvent jouer de cette perception en mettant en correspondance le temps du "discours" musical et celui de l'auditeur, troublant ainsi la limite que nous mettons entre notre propre présent et celui d'une musique, et, finalement, par ailleurs, nous nous rendons vite compte qu'une musique est (en train d'être) jouée en direct ou non —.
  • Et elle est aussi rarement "intersubjective", c'est-à-dire modulée en direct sur des décisions, des écarts, des participations et des "syntonies" qui s'organisent dans le présent et dans le déroulement (dont personne ne connaît, en préalable, l'issue et l'allant).
  • A contrario, elle est le plus souvent familière (centrée), hospitalière (empathique et "corrythmique"[23]), discursive, et subjective (c'est-à-dire expressive d'une volonté individuelle : compositeur(s), interprète(s) mais peu fréquemment auditeur(s)).

Par ses aspects (topologique, actuel, intersubjectivité), ce sont les conditions environnementales de la musique qui nous intéressent : non pas à destination d'une musique de l'environnement, mais d'une musique par l'environnement, dans laquelle le son, les sonorités, les durées et les temporalités sonores deviennent des éléments structurants de l'espace[24]. "Sentir" et explorer le monde — "sentir" dans le sens de sensorialité et de qualités sensibles, des plus douces aux plus fortes, dans les interactions avec le monde ; explorer car se mouvoir est essentiel pour activer du sensible, qui, de son côté, est non réductible à des états fixes — permettent aussi d'en acquérir des perceptions et des expériences. Ces dernières sont de l'ordre du présent et de l'immédiat (de notre contact immédiat avec le monde) dans toutes leurs dimensions et envergures, coexistantes et diffluentes.

« Dans l’expérience sensorielle, se déploient en même temps le devenir du sujet et les événements du monde. Je ne deviens moi-même que dans la mesure où quelque chose se passe et il ne se passe quelque chose (pour moi) que dans la mesure où je deviens. Le présent du sentir n’appartient ni à l’objectivité ni à la subjectivité seule, il appartient nécessairement et toujours aux deux ensembles. Dans le sentir, le “ Je ” et le “ monde ” se déploient simultanément pour le sujet sentant ; dans le sentir, le sujet sentant s’éprouve soi-même et le monde, soi dans le monde, soi avec le monde. »(STRAUS, Erwin, "Du sens des sens - Contribution à l’étude des fondements de la psychologie", [1935], Trad. de l’allemand par Georges Thinès et Jean-Pierre Legrand. Éditions Jérôme Million, Grenoble, 2000)

Dans ce sens, une dynamique sonore, — une amplitude extrême du niveau sonore, de même que celle du registre sonore (spectre) —, n'est plus approchée et éprouvée à l'aulne de sa musicalité "pensée" (et de son réglage dans le discours musical) mais comme participant et collaborant à un auditorium plus large (et sans doute plus grand) — l'environnement — et à un rapport élargi au monde qui nous permet d'envisager et d'expérimenter une musique par l'environnement et avec l'environnement.

À partir de là, il est évident que faire de la musique (ensemble, et dans des environnements communs) a une densité politique : comment faire de la musique avec des auditeurs si nous, musiciens, auditeurs, musiciens et auditeurs, ne sommes pas tous concernés par les questions et les problèmes que nous nous posons, qui nous mobilisent et qui nous enthousiasment ? Comment faire ensemble de la musique si ce moment et cet espace ne sont pas de participation ? Autant la musique n'exprime pas, autant elle module avec nos préoccupations communes. Le moment du concert et le moment de la musique ne sont pas isolés des dynamiques sociales et environnementales (liées au son, au bruit, à la réception et la production sonores, à l'attention, à l'activité musicale, à la co-présence et la collaboration, etc., ainsi qu'aux normes et standards qui anticipent les expériences qui y sont impliquées).
C'est ce que semble convoquer le terme d' écoréalité d'une œuvre musicale selon le musicologue Bernard Vecchione (In "La Réalité Musicale", 1985)[25].
Une production musicale œuvre dans un écosystème, y participe, s'y anime et s'y engage, dans une échelle bien plus grande que celle du champ de l'activité musicale à proprement parler ; elle serait à la fois centripète et centrifuge ; ses densités et ses intensités, musicales et sonores, font osciller et filtrent, absorbent et se propagent dans des étendues qui vibrent moins dans des "salles" qu'au sein d'espaces en "plein air" — réf. 1, réf. 2 — ou de champ libre, environnementaux, sociaux, politiques, etc.

« En s'ouvrant indubitablement au ambiances et aux lieux (et en quoi ceux-ci modifient notre expérience de ce qui fait « musique »), cette organologie complexe (de la « musique étendue », comme nous la nommons) propose aussi une « musicalisation » synchrone et a-synchrone de l’espace social, c’est-à-dire une rythmique des régimes d’attention et d’adresse singuliers et collectifs qui intensifient, au travers de l’écoute, notre conscience (mutuelle et individuelle) d'un côté, de ce qui arrive (en flux, et fortuitement) et, d'un autre côté, de la musique que l’on construit, fabrique et compose. La musique étendue devrait être une musique par l'environnement. »(JOY Jérôme, "Les Étendues Sonores — Auditorium Terre/Mars". In Actes de l'école thématique CNRS « Soundspace – Soundscape », Espaces, Expériences et Politiques du Sonore, sous la direction de Claire Guiu et Marie-Madeleine Mervant-Roux, organisé par ESO Espaces & Sociétés Université de Nantes et Université de Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2012 ; et aussi : JOY J., "Auditoria & Audiences — Shakkei and the out in the open listening experience". In « On Listening », edited by Angus Carlyle, CRiSAP University of the Arts London, 2013 (en cours de publication) ; JOY. J., "La Musique Étendue — "En Plein Air". In « Around », catalog of the sound festival, (pp. 104-149), Transl. by Celine Cruickshanks. Edited by Yang Yeung, Soundpocket, Hong Kong Arts Development Council, Hong Kong (HK), 2010)

Cette "musicalisation" sociale, ou plus justement le fait qu'il n'y a plus de musique séparée et que celle-ci œuvre dans l'espace élargi social, et que, de surcroît, elle est elle-même élargie et étendue[26], n'entre pas dans les prescriptions habituelles, c'est-à-dire dans une sonorisation générale et designée de la société, ni dans une approche esthétique cosmétique et restrictive. Il faut relire Joseph Beuys :

« Je suis de ceux qui croient que seul l'Art, - c'est-à-dire l'art conçu à la fois comme autodétermination créative et comme processus qui engendre la création, - est à même de nous libérer et de nous conduire vers une société alternative. [...] Mais l'action que je prône ne se cantonne pas au seul domaine de l'art, il le dépasse et concerne le corps social dans sa totalité. »(BEUYS Joseph, conversation avec Eddy Devolder, le 23 février 1988)

Dans une ambition de moindre envergure que celle de Beuys, et citant de leur côté la situation d'écoute musicale et la manière dont elle s'est construite dans nos sociétés, Vladimir Jankélévitch et Glenn Gould se rejoignent à propos d'une approche praxique de l'écoute et la production musicales — ce que, nous le verrons plus loin, Christian Wolff et la musique expérimentale anglaise (Cardew, etc.) prolongeront — :

« Composer de la musique, la jouer en l'interprétant, la chanter ou même l'écouter en la recréant, — ne sont-ce trois modes d'opérer, trois attitudes drastiques bien plus que gnostiques ? Le créateur, l'exécutant qui est recréateur créatif, l'auditeur qui est recréateur fictif participent tous les trois à une sorte d'opération magique : l'exécutant coopère avec le premier opérateur en faisant exister l'œuvre effectivement dans l'air vibrant pendant un certain laps de durée, et l'auditeur, recréateur tertiaire, coopère en imagination ou par des gestes naissants avec les deux premiers. »(JANKÉLÉVITCH Vladimir, Op. cit., p. 99.)
« Il serait absurde d'écarter d'entrée de jeu l'idée que l'auditeur puisse finir par devenir son propre compositeur. Au centre du débat technologique, on trouve un nouveau type d'auditeur. Il s'agit d'un auditeur qui participe plus et mieux à l'expérience musicale. [...] D'artistique, son expérience devient environnementale. [...] En fait, toute cette question de l'individualité de la situation créatrice selon laquelle l'acte créateur est le résultat d'une opinion individuelle, l'absorbe et la conditionne, sera soumise à une reconsidération radicale. [...] Il se pourrait bien, à vrai dire, [que le mot art] devienne tout à fait inadéquat pour décrire un environnement et des situations. […] L'auditoire serait alors devenu artiste. La vie serait devenue art. »(GOULD Glenn, "The Prospects of Recording", 1966)[27]
« [Se construit une ] identité créatrice [qui] devient collective, [et qui] s'empare des techniciens et de l'auditeur, non plus considéré comme une entité collective mais comme un créateur disposant des mêmes prérogatives par rapport à l'interprète que celles que celui-ci s'octroie par rapport au compositeur. »(GOULD Glenn, "Le Nouvel Auditeur", cdrom, Éd. Syrinx, 1999)



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CORNELIUS CARDEW & SCRATCH ORCHESTRA (1969)
SCRATCH ORCHESTRA - RICHMOND JOURNEY (1970)




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CORNELIUS CARDEW - TOWARDS AN ETHIC OF IMPROVISATION


« Le son informel ou l'informe dans le son a un impact sur nos réactions émotionnelles que la musique "formelle" n'a pas, en ce que cet informe agit de manière subliminale plutôt que sur le plan culturel. C'est une définition possible de l'espace expérimental qu'explore AMM [ndlr : collectif d'improvisation actif depuis 1965]. Nous "recherchons" des sons et des réponses qui y sont attachées, plutôt que de les penser, de les préparer et de les exécuter. La recherche se développe au sein du son et le musicien lui-même est au cœur de cette expérimentation. » — (CARDEW Cornelius, "Towards an Ethic of Improvisation", In "Treatise Handbook", 1971, Edition Peters)[28]

../files/articles/highvolume/cardew_teatrise.jpgCORNELIUS CARDEW, TEATRISE, p.73 (1965-1967)





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écouter / listen "Guero" (1969) de Lachenmann

écouter / listen "Éphémère" (1977) de Spahlinger

lire la partition / read the score of "Éphémère" (1977) de Spahlinger /



MATHIAS SPAHLINGER, MUSICA NEGATIVA
HELMUT LACHENMANN, MUSIQUE CONCRÈTE INSTRUMENTALE


Le terme de "musica negativa" est évoqué par Claus-Henning Bachmann en 1990 à propos de la musique de Mathias Spahlinger[29], terme qui provient de la fameuse "Open Letter to Hans Werner Henze" d'Helmut Lachenmann (1983)[30]. Henze qualifie donc de "négative" l'approche musicale de moins en moins consensuelle (et de plus en plus bruitiste — "musique concrète instrumentale") de Lachenmann. Pour Spahlinger la négation n'est jamais négative et n'est pas réductrice à une destruction, et quand il s'agit de dissoudre tout aspect de l'ordre, il indique que : « [This] means enabling the regulating function of active listening itself to be experienced through the decomposition of order. » ("Cela signifie activer la fonction de régulation de l'écoute active et l'éprouver à travers la décomposition de l'ordre." — Ce qu'il faudrait confronter aux principes observés dans l' "auditory scene analysis" d'Alfred Bregman (1990)[31].

« S'exprimer veut dire : entrer en relation avec son environnement, affronter à partir de ce qu'on est et de ce qu'on voudrait être les questions de société et les catégories de la communication déjà existantes, en se confrontant alors aux valeurs qu'elles renferment. Cela signifie aussi représenter et faire apparaître la réalité à travers cette confrontation avec les catégories de transmission, et de surcroît, représenter et devenir conscient de ce qu'on est soi-même, comme partie intégrante et produit de cette même réalité.
S'exprimer veut dire enfin : s'opposer aux catégories de transmission dont on hérite, en tant qu'objectivation des normes en vigueur, une résistance provoquée par les contradictions et les asservissements (Unfreiheiten) qu'elles contiennent. C'est là une résistance qui rappelle à l'homme sa capacité et sa responsabilité pour se déterminer soi-même et prendre conscience de son aliénation. »
— (Helmut Lachenmann, "La Question du Beau Aujourd'hui", in, 2009, p. 69)


« [Je viens] à la conclusion que l'intérêt de la "musique concrète" ne réside pas dans les bruits, mais dans l'énergie d'un son. [...] Cette idée d' énergie reste pour moi la chose la plus importante. » — (Helmut Lachenmann, "De la musique comme situation", Entretien avec Abigail Heathcote, In, 2009, p. 262-263)



Cette "musicalisation" sociale est un objectif et un constituant de la musique par l'environnement.
La notion d'environnement est prise ici à la fois dans son sens large, ambiantal, contextuel et interactionnel, et dans le fait qu'elle inclut (au sein des interactions) celles d'espace, de situation, de sensorialité, d'embarquement et d'immersion des corps (embodiment), d'acoustique, etc. C'est-à-dire que prendre l'environnement dans sa dénomination de "monde extérieur" ou encore de "paysage sonore" (soundscape) nous intéresse moins voire pas du tout. Dans un sens plus beuysien que cagien, cet environnement n'est plus vu seulement
- comme un réceptacle (un cadre, — ambientación, une atmosphère, un bruitage), c'est-à-dire le lieu où est "représentée" la musique et où se "raccordent" des séparations (entre les rôles répartis : auditeurs, techniciens, interprètes, compositeurs, etc. ; réglant des distributions d'espaces : l'auditoire, la scène, l'arrière-scène, les machineries : et des chronologies invisibles à tous : composer, préparer, répéter, mettre en scène, exécuter, reproduire),
- mais aussi comme la fabrique "physique"[32] de la musique en action.

La musique n'a plus non plus à prendre le son comme intermédiaire et comme support d'une organisation pré-conçue et compartimentée de l'écoute et de la production sonore, puisqu'il n'y a plus dans notre cas de séparations entre langage et medium et entre intention et production, puisqu'il s'agit de la réalisation d'une expérience directe sonore en tant qu'expérience esthétique musicale.






L'expérience du présent(Edit)

(EXPERIENCING THE NOW)

« La musique commence avec l'acoustique. [...] [La] frontière entre le son et le bruit est ainsi très mouvante ; d'ailleurs la frontière entre le musical et le non-musical n'a jamais cessé de se déplacer par incorporation du non-musical dans le musical. »
(Iannis Xenakis, Propos recueillis par François Nicolas, 11 mars 1986)



L'une des investigations les plus remarquables de ces dernières décennies est celles de l'évolution des "lieux" de la musique jouée — de la salle gradinée vers les plateaux nivelés et modulaires, des constructions singulières architecturées[33] vers des dispositifs embarqués dans le "plein air" et le "champ libre"[34], des dispositifs en réseau jusqu'à la mobilité, etc. —. À travers celle-ci il s'agit, à la fois, de proposer des dispositions différentes des auditeurs et des performeurs, de passer de la frontalité à la spatialité puis à l'organicité dans l'espace, et de combiner des rapports variés et variables entre les sources sonores et les acoustiques (pour jouer des pressions et des étendues, des filtrages, etc.). Loin de chercher à rétablir ou à ajuster des normalisations ("tempérer" les espaces en quelque sorte), ces initiatives, pour les plus avancées, cherchent des modulations constitutives à la fois de l'espace, de la durée et de la musique. Chaque situation de concert amène une singularité (non reproductible ?), à partir de laquelle la distinction entre ces trois constituants n'est plus un principe opérant, puisque c'est leur synergie qui produit l'expérience du moment musical situé dans un présent commun : celui de l'écoute. Ainsi l'espace d'écoute est aussi l'espace de composition, et vice-versa. Cette jonction salvatrice pour la musique marque l'expérience du présent (le reste, en amont et en aval de cette expérience, est superflu).

(composer as performer as listener as composer as performer as composer as listener ...) (Jérôme JOY)
(le compositeur en tant que performeur en tant qu'auditeur en tant que compositeur en tant qu'interprète en tant que compositeur en tant qu'auditeur ...)

(performer into composer into listener into composer into performer, etc.) (Christian WOLFF)
(interpréter en composant en écoutant en composant en interprétant, etc.) (Christian WOLFF)


> Studies > listening, auditoria, audience > écoute, auditeurs, auditoriums




(Cette partie est en cours de développement et est intégrée à l'article La Musique à Niveau Sonore Élevé - Musique Environnement)












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Michel Waisvisz, 1974

MICHEL WAISVISZ, COMPOSING THE NOW, 2003
(COMPOSER LE PRÉSENT)


« La construction des sons s'effectuait en amont, ou plus précisément : avant le "moment de la musique".
Leur réalisation occupait beaucoup de temps dans la création de l'œuvre. [...]
Composer de la musique électronique au-delà de l'illusion du contrôle et de la maîtrise.
Composer de la musique électronique en direct sur scène dans le présent, avec des sons préparés pour être joués à l'aide d'ordinateurs pilotant des algorithmes et des processus contrôlés par des capteurs en temps réel, et avec un auditoire dédié et captif.
S'impliquer dans la composition performative de la musique en intégrant des instruments de performance et de composition.
L'illusion du contrôle versus des règles de discipline et d'engagement. {...]
Composer par l'oreille.
Composer est au-delà du contrôle de l'action de la performance. [...]
Être heureusement pris dans un mouvement d'inconscience ?
Une attention plus intense à la réalité musicale ? [...] Dans ma proposition le prodige réside dans l'engagement physique et mental et dans la convergence avec des instruments manipulables et contrôlables physiquement et électroniquement tout en interagissant avec d'autres musiciens lors d'une situation de concert face à un public ! [...]
Des instruments qui vibrent au travers du son;
Des instruments qui sont à la fois des capteurs en temps réel, des algorithmes et des haut-parleurs. [...]
Performeur et instrument sont confondus et combinés ensemble dans un seul circuit électro-mécanique. [...] Habituellement, de manière consciente et insconsciente, les interprètes entendent et réagissent au moindre mouvement ou humeur de l'auditoire. Dans les nouvelles salles de concert équipées de haut-parleurs nous pouvons créer des instruments qui augmentent la perception de cette intensité de cette situation et donc l'attention de l'interprète à celle-ci. Bref, il s'agit d'amplifier la sensation de présence de l'auditoire pour qu'elle devienne plus prégnante et décisive dans un concert. Jouer moins fort sera certainement dans l'avenir un des prochains objectifs. [...] »


« The building of the sounds was done outside, or more precise : before 'music time'.
Its creation occupied a multitude of it's performance time. [...]
Composing electronic music beyond the illusion of control.
Composing electronic music on stage in the now, with prepared computers that contain sounds, algorithms hooked up with sensors and the presence of a dedicated audience.
Involved performative composing of music with new integrated composition and performance instruments.
Illusion of control versus rules of engagement. [...]
Composing by ear.
Composing is meta steering of performance actions. [...]
Happily being caught in a stream of unconsciousness ?
Augmented awareness of music reality ? [...]
In my vision the magic lays in the engagement and the convergence of both our mind and body with electronic/physical instruments while interacting with other musicians preferably in the presence of an audience ! [...]
Instruments that vibrate through the sound.
Instruments that are sensors, processors and loudspeakers at the same time. [...]
Performer and instrument merge together into one electro-mechanical circuit. [...]
Traditional performers hear and include in their performance every move of an audience consciously or unconsciously. In the new performance halls with loud PA systems we could create instruments that augment the situational awareness of the performer. In other words amplify the presence of the audience to have their presence become more integrated in the performance. - Of course playing less loud will probably also be one of the new inventions of the near future [...]. »

(WAISVISZ Michel, "Composing the Now", Notes for a Lecture,. IPEM Symposium in Gent, Oct. 2003 — http://www.crackle.org/composingthenow.htm )



LIVE IMPROVISATION, Michel Waisvisz, Toronto, 1978
Source : STEIM, WIRE




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Michel Waisvisz, Touch Monkeys, Skinkan, Uttersberg, Sweden, 1987








Ainsi il est aussi moins question de diffusion, de spatialisation, d'écriture dans l'espace, et d'organisation préalable de celui-ci, que de projection, de propagation, de pressions et de résultantes acoustiques de la musique. De la même manière, l'expressivité et l'énonciation musicales seraient évacuées pour laisser émerger la présence directe sonore et musicale et pour laisser se dérouler notre propre expérience du son. Ceci engage la modulation de l'auditeur dans l'écoute et sa participation dans l'espace d'écoute, l'enclenchement du rapport de la composition et de l'écoute, et finalement comment la composition devient l'écoute. Dans ce sens, l'ensemble des registres sonores et ainsi tout le spectre sonore sont impliqués. Il s'agit de faire écouter "tous" les sons dans "toutes" leurs dimensions, interactions et échelles, même les plus insoupçonnées, car il apparaît que dans nos registres et dans notre présent d'écoute tout n'a pas été exploré[35].

Ce mouvement d'effrangement des lieux d'écoute de la musique s'est accompagné de deux autres dynamiques qui se sont développées de manière très prégnante et décisive dans la musique :

  • l'élargissement des échelles de natures de sons et de leurs productions
    par l'apport
    • — de sonorités nouvelles, d'enregistrements de sons et d'instruments, de combinaisons de sons acoustiques et électroniques (musiques mixtes), d'inclusions de sons captés dans le quotidien et dans les registres non-audibles à l'oreille,
    • — de la coexistence et de l'interpénétration des sons selon John Cage (après Henry Cowell[36]),
    • — de l'utilisation de l'enregistrement comme cadre de composition (Paul Hindemith — et Ernst Toch — et ses "Trickaufnahmen" aux alentours de 1930[37]),
    • — de la construction et de l'utilisation d'instruments mécaniques et électriques (le Telharmonium de Thaddeus Cahill entre 1897 et 1906, les pianos mécaniques (Conlon Nancarrow et ses études pour piano mécanique[38], pianolas[39], etc.),
    • — de la construction d'instruments "ad-hoc" ou d'utilisation d'objets et de combinaisons d'objets résonants et excités (les objets mis en résonance devenant haut-parleurs dans "Rainforest" de David Tudor, 1968-1973 ; les instruments construits d'Harry Partch à partir de 1933[40] ; l'instrumentalité des objets, "Xylophonie I" de Clarence Barlow[41] et "Acustica" de Mauricio Kagel, 1970[42]),
    • — jusqu'aux développements de la phonographie, de l'électroacoustique, de l'emploi des sons de synthèse et électroniques, ainsi que des sons "auto-générés" par les machines, de la sonification[43], etc., en passant par l'utilisation de sons animaux (Iannis Xenakis, "Taurhiphanie", 1987[44] ; Mauricio Kagel, "Bestiarium", 1967, "Ornithologica Multiplicata", 1968 et ses volières amplifiées, et, de manière plus satirique, "Kantrimiusik", 1975) ;
    • — et visant, comme le note York Höller, la volonté de produire des sons nouveaux, inhabituels, présuppose la possibilité d'expérimentation[45].
  • l'emploi du temps réel et du direct dans les processus de jeux musicaux
    • — comme cela a pu largement se développer ces dernières décennies en combinant l'improvisation, les systèmes ouverts et les dispositifs électroniques et informatiques de traitements des sons (gérant les occurrences, les dynamiques, les interconnexions et interactions, la spatialisation, etc.) et contrôle en temps réel (de captation, de suivi, jusqu'à la sonification) — avec notamment les œuvres de Philippe Manoury et de Jean-Claude Risset, pour ne nommer que ceux qui dans la musique contemporaine ont amorcé de type d'investigations. À titre d'exemples : au côté de Karlheinz Stockhausen qui, à partir du milieu des années 60, a utilisé en direct avec les instruments des filtres et des modulateurs pour traiter les sons, York Höller réalise en 1973 "Tangens" pour trois instruments dont les sons sont transformés par deux synthétiseurs.
    • — L'hybridation instruments / dispositifs de machines fait partie des registres explorés des variations musicales du présent, et dont Xenakis prévoyait que :

« Il serait souhaitable dans un avenir très proche [que le résultat final soit incarné] par une mécanisation poussée qui supprimerait les interprètes d’orchestre ou les magnétophones […] et qui assumerait la fabrication mécanisée des êtres sonores et de leurs transformations. »(Iannis Xenakis, "Musiques Formelles" [1963], Paris : Stock/Musique, 1981, p. 34.)[46]



TAURHIPHANIE, Iannis Xenakis, 1987-88
Source : http://ubu.com/


STÖRUNG, Mathias Spahlinger, 1975






Durées et Intensités sonores(Edit)

(DURATION & LOUDNESS)

Ainsi l'intérêt n'est plus seulement l'existence des moindres sons, comme dans la filiation cagienne (qui semble poursuivre une écoute confortable et distanciée : être finalement toujours face au son), mais aussi de mettre en action tous les registres de l'imprégnation du son et de ses étendues au travers de l'immersion et des amplitudes sonores[47]. C'est-à-dire qu'il s'agit d'explorer l'ensemble du champ audible.



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La Monte Young : voice, sine waves
Marian Zazeela : voices
Tony Conrad : violin
John Cale : viola
Angus MacLise : percussions


écouter un extrait / listen









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Poem, etc., Paris 1989

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Poem, etc. Venise 1990
LA MONTE YOUNG, "THEATRE OF ETERNAL MUSIC" (THE DREAM SYNDICATE), 1964
(AVEC TONY CONRAD, MARIAN ZAZEELA, JOHN CALE, ANGUS MACLISE, TERRY JENNINGS, ETC.)

« [Les concerts performés par le Theatre of Eternal Music] utilisaient généralement "l'amplification jusqu'au seuil de la douleur". Mais ce niveau sonore élevé permettait une clarté augmentée des fréquences aigues du spectre harmonique — c'est-à-dire une perception de détails sonores qui n'aurait pas pu être présente autrement. »
« [The performances of The Theatre of Eternal Music] were generally "amplified to the threshold of aural pain". But with this high level of amplification came greater clarity in the projection of the higher pitches of the harmonic spectrum — sonic details that would not otherwise be perceivable in a performance context. »
(In Sound and Light: La Monte Young and Marian Zazeela, publié par William Duckworth, Richard Fleming, p. 142)

« [...] L'intensité et l'amplitude des ondes sinus dans les registres extrêmes aigü et grave demande une équalisation [permettant d'atténuer ou d'accentuer une ou plusieurs bandes de fréquences composant un signal audio] spécifique par rapport aux propriétés acoustiques d'un espace. [...] À un niveau sonore très élevé on commençait à avoir la sensation que des parties du corps étaient en quelque sorte synchronisées avec les ondes sinus et qu'elles glissaient tout doucement avec elles au fur et à mesure dans l'espace. »
« [...] The amplitude components of the sine waves in the extreme high and low frequency ranges require special equalization subject to the acoustics of the space. [...] At very loud levels one actually began to have the sensation that parts of the body were somehow locked in sync with the sine waves and were slowly drifting with them in space and time. »

(In Sound and Light: La Monte Young and Marian Zazeela, publié par William Duckworth, Richard Fleming, p. 216)

« [...] explorer de manière microscopique un son complexe par l'exposition à un niveau sonore élevé et soutenu — avec une attention croissante, plutôt que décroissante, de la part de l'auditeur.»
« [...] microscopically exploring a complex sound through sustained, high-volume exposure — with increased, rather than decreased attention on the part of the listener. »
(In Draw a Straight Line and Follow It: The Music and Mysticism of LaMonte Young, Par Jeremy Grimshaw, p. 74)

« [...] l'accumulation à fort volume sonore est due à l'utilisation de propriétés de l'acoustique qui n'avaient pas jusque-là été investies dans la musique. »
« [...] to accumulate at high volume is due to facts of acoustics that no earlier music has ever capitalized. »
(In Sound and Light: La Monte Young and Marian Zazeela, publié par William Duckworth, Richard Fleming, p. 188)




LA MONTE YOUNG, "POEM FOR CHAIRS, TABLES, & BENCHES, ETC.", 1960

“Poem for Tables, Chairs, Benches, etc.” est un "noisescape", un "environnement sonore bruité" constitué de crissements hurlants produits par les meubles glissés et poussés en continu sur le sol. "Poem for Chairs, Tables, Benches, etc. (Or Other Sound Sources)'', composé par La Monte Young en janvier 1960 et interprété pour la première fois en 1962 à New York, au Living Theatre, suit le principe d'un ordre déterminé au hasard et appliqué à l'utilisation de sons inhabituels et à leur durée. La partition demande de traîner n'importe quel objet sur un sol de n'importe quelle nature, à n'importe quel endroit de la pièce où se tient le public (ou même en dehors de cette pièce). Des procédures de tirage au sort sont effectuées pour déterminer les occurrences et les durées des sons. Cette œuvre demande donc aux exécutants de pousser et traîner des meubles sur le sol, la durée des événements étant déterminée aléatoirement. C'est une œuvre qui utilise la friction comme mode de production sonore et l'interprétation collective pour exécuter une performance qui prend l'allure d'un concert. La Monte Young précise que les sons doivent être aussi constants et aussi continus que possible, mais « ce qui est effectivement perçu sont [en fait] les variations incontrôlées et involontaires qui résultent de la tentative quasi impossible de parvenir à un bruit constant » (Cité dans Michael Parsons, note de programme pour "Poem for Chairs, Tables, Benches, etc.", lors du Fluxus retrospective concert, AIR gallery, Londres, 23 mai 1977), ce qui rapproche cette œuvre d'une autre de La Monte Young : "X for Henry Flynt" (intitulé aussi "arabic numeral (any integer)" [ou "X (any integer")]. Parsons poursuit sa description en soulignant que « les sons dont la nature est précisée dans "Poem", et dont on peut parfois considéré qu'ils sont un affront pour l'oreille, peuvent effectivement être très beaux si on les écoute avec concentration ». Certes, les sons peuvent sembler à première vue aggressifs et insupportables. Mais après un certain temps, souligne de son côté Dick Higgins, « l'esprit devient de moins en moins capable de s'attacher qu'à cette seule offuscation, et une très étrange et euphorique acceptation commence à se mettre en place. Et peu à peu cette euphorie comment à s'intensifier. À la fin de la pièce lorsque les sons s'arrêtent, le silence résultant est perçu comme un lourd engourdissement, aussi intense que la densité sonore environnementale et immersive construite par cette œuvre pendant son exécution. » (Dick Higgins — Dick Higgins, "Boredom and Danger", In Source No. 5 (January 1969), p. 15.)
Lire une description de l'œuvre


LA MONTE YOUNG, "TWO SOUNDS", 1960

« Il s'agit d'une [...] composition [de La Monte Young] que nous avons pu écouté en Angleterre en 1964 lors de la saison de la compagnie Merce Cunningham au Sadler's Wells. Le titre de la chorégraphie et de l'œuvre est "Two Sounds". Le compositeur a fourni deux sons enregistrés sur deux bandes différentes à lire sur des magnétophones qu'il fallait faire démarrer en décalage durant la chorégraphie. Quand le premier son a débuté, on n'aurait jamais imaginer qu'un son aussi horrible pouvait exister. Ensuite lorsque le second son a été lancé, vous deviez admettre que vous vous étiez trompé » (Cornelius Cardew). "Two Sounds" (1960) date d'une période où La Monte Young collaborait de manière très proche avec Terry Riley. Pour "Two Sounds" un des deux sons était fabriqué par la friction d'une boîte conserve sur un panneau de verre, et le second par la friction d'une baguette de percussion sur un gong : dans les deux cas le microphone était très proche de l'endroit de la friction, d'où la très forte intensité sonore. Les deux sons étaient enregistrés sur deux bandes magnétiques séparées qui devaient être jouées et démarrées à deux moments différents.
Lire une description de l'œuvre


« La Monte Young et Terry Riley, chez la chorégraphe Ann Halprin, prenaient littéralement, physiquement, la musique à bras le corps en faisant résonner les murs, les planchers, les portes et les fenêtres des salles de danse... » (Daniel Caux, in "La Monte Young", Chroniques de l'Art Vivant, n°30, mai 1972, p. 24)



POEM FOR CHAIRS, TABLES & BENCHES, ETC., La Monte Young, 1960
— dans le hall de l’École des Beaux Arts à Paris — 8 juin 1989 — 1:45-1:52 AM — Festival de performances Polyphonix 14
— Source : "89 VI 8 C. 1:42-1:52 AM Paris Encore" From Poem For Chairs, Tables, Benches, Etc., audio cassette FluxTellus, Tellus #24, co-produced by The Wexner Center for the Visual Arts, The Ohio State University, Colombus, Ohio. Post-produced at Studio Pass, NYC. 1990.
http://www.ubu.com/sound/tellus_24.html
dur. 10'32



TWO SOUNDS, La Monte Young, 1960



Pour poursuivre :






Dans une immersion à fort volume, la musique devient fréquentielle[48], densité, durée et amplitude :

  • quels registres de fréquences et de densités (d'où l'importance des sons électroniques) apportant leurs agencements inouïs viennent délivrer des expériences "nouvelles" et immersives du son et de la musique ?
  • quelles constructions d'énergies, de torsions, de durées et d'étendues des sons permettent ces expériences directes ?
  • comment permettent-elles de fonder des situations musicales et expérientielles qui interrogent à tout moment et en tout lieu la place sociale de la musique et de son écoute, justement dans un "plus grand" auditorium, dans une plongée dans l'environnement ? (sans utiliser de principes exclusifs spectaculaires et spectatoriels)
  • etc.

Quant au registre sonore, la production et la réception (l'écoute) musicales se sont fondées au fur et à mesure sur le spectre sonore instrumental (celui du registre des instruments acoustiques à partir de leur organologie) et sur des règlements d'agencements harmoniques de sons et de fréquences. Notre écoute ainsi distanciée et devenue analytique a trouvé et cherche à retrouver face à une musique ce confort musical et cosmétique. Le reste, au-delà et en-deça des limites du registre instrumental et de la reconnaissance du son musical — comme l'ont été autrefois certains agencements harmoniques (triton), ou certaines techniques et conduites de jeux pour écarter les "sons salis"[49] et des articulations non au service de moyens d'expression musicale —, a été ostracisé par une construction culturelle spécifique, et est maintenu encore sous la forme de normalisations du son (réglementaires, techniques, juridiques, etc.) et, en conséquence, sous la forme de standardisation de l'écoute. Notre ambitus aural s'est retrouvé divisé, voire sub-divisé, et réorganisé : de larges pans des registres sonores sont ainsi délaissés par l'organisation compositionnelle régulière et conséquemment par tous les constituants des dispositifs musicaux (les organisations spatiales et architecturales de nos salles, nos appareils de lecture et de restitution du son, nos supports d'enregistrements du son, etc.). Même si cette standardisation n'a pas été aussi radicale dans les périodes historiques — le tempérament, les timbres peuvent être légèrement adaptés et interprétés selon certaines variations, ceci s'étant conjugué avec l'évolution continuelle des factures des instruments au fur et à mesure des époques en permettant des nuances d'intensité et de registre de plus en plus amples —, il est à remarquer que c'est dans notre période de profusion de machines (musicales) offrant une palette élargie et une complexité de dynamiques, de spectre et de timbres inégalées et immenses que la standardisation et l'égalisation sont semble-t-il les plus opérantes.
L'enjeu est de voir et d'estimer où se placent les questions de contrôles et de maîtrises dans une visée musicale. Quand on parle de nuances à propos de chaque registre sonore, il s'agit bien d'induire un contrôle de celles-ci (notamment par l'écriture et la composition) pour une maîtrise musicale. Et l'intérêt du contrôle sonore est bien d'être au service d'une intention musicale et non d'une égalisation esthétique. L'européocentrisme ou plutôt occidentalocentrisme, conjugué par ailleurs avec les vélléités des industries musicales, provoque par l'égalisation, la classification et la standardisation — (voir aussi la notion d'ethos) — un défaut de perception de l'étendue des registres sonores, étendue dont il faut bien s'emparer aujourd'hui.

À ce titre, il reste de nombreuses expériences esthétiques musicales, aurales et acoustiques à explorer et à éprouver : dans les échelles d'intensité, de densité, de durée et dans les registres spectraux du son. L'ambitus du spectre sonore engage toute une richesse de proximités, d'écarts et d'assemblages de fréquences, d'oscillations (battements, frottements, déphasages, dysharmonies, commas) et de natures de sons (transitoires, accidentels, génératifs, manipulés, traités, etc.). Nous sommes bien en-dessous de nos limites auditives (même de celles énoncées par les réglementations) et de nos explorations musicales et aurales (par l'oreille et par le corps).



La question de la durée et de l'amplitude de cette dernière, lorsque l'une et l'autre sont longues et élargies, s'est retrouvée cantonnée dans l'énigme des musiques extra-occidentales (et vice-versa, lorsque ces cultures observent celles occidentales — voir plus bas), dans l'excentricité de certaines procédures musicales (dont on ne relève que le procédé mais plus l'expérience de celles-ci, ces œuvres étant aujourd'hui et ayant été très rarement jouées ou interprétées[50]), ou encore dans l'évanouissement d'une écoute qui se perd dans l'entendre jusqu'à disparaître par manque d'excitation et de sollicitation par ce qui est entendu et attendu comme musical : dans ce sens, dans le cadre occidental, une musique de longue durée perd en quelque sorte son statut de musique.
De même une musique soutenue à forte intensité ne répond plus aux repères consensuels de l'écoute musicale et devient perçue comme une action extrême dont la finalité est l'anéantissement, d'un seul peak de décibels, de toute l'histoire musicale. Pourtant l'intention et la motivation en sont exactement le contraire.
— (ceci serait bien entendu à prolonger aussi au sujet des musiques qui proposent des sons dont les occurrences sont distendues, dont l'organisation n'est pas explicite dans la conduite des sons, dont l'audibilité et la densité ne sont pas sur une moyenne correspondant à une écoute standardisée, etc.).






Histoire des Intensités sonores(Edit)

(LOUDNESS IN MUSIC HISTORY)


La question suivante est celle du niveau de l'intensité sonore.



DICK HIGGINS, "LOUD SYMPHONY", 1958

« SONS FORTS, CARACTERISTIQUES
1. exercer une force sonore massive
2. lui donner une substance matérielle, allez au-delà du non-physique
3. mettre en place un espace acoustique dans lequel le son est ressenti
4. les vibrations sonores sont perçues par tout le corps
5. une expérience physique du son qui complète l'expérience d'écoute par les oreilles et l'esprit. »



« LOUD SOUNDS, CHARACTERISTICS
1. a sonic force massively exerted
2. gives itself material substance, goes beyond the nonphysical
3. establishes an acoustic space as one where sound is felt
4. the vibrations of the sound can be felt on the whole body
5. a physical experience of sound that complements the experience of hearing with the ears and mind. »

(Dick Higgins)

Dick Higgins, élève de Cage, fait appel à la physicalité des sons à niveau élevé passant par l'expérience corporelle avec toutes les facettes de cette expérience (force sonore, matérialité du son, espaces sonores saturés, espaces vibratoires, etc.). Composée en 1958 sa "Loud Symphony" consistant en 30 minutes de feedback d'un microphone face à un haut-parleur, est sans doute la première œuvre musicale amplifiée à fort niveau.





STEVE REICH, "PENDULUM MUSIC", 1968


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(de gauche à droite : Richard Serra, James Tenney, Steve Reich, Bruce Nauman, Michael Snow)

écouter / listen PENDULUM MUSIC (Reich, 1968)


Steve Reich, "Pendulum Music", 1968

Chaque « instrument » est branché à un amplificateur, lui-même relié à un baffle. Chaque microphone est disposé à quelques centimètres de son haut-parleur correspondant (latéralement ou au-dessus). Avant le concert, on repère et règle les niveaux d'intensité. L'événement sonore débute lorsque les exécutants lâchent tous les microphones en même temps. Une polyphonie imprévisible de larsens pulsés se met alors en place, parfois même à l'unisson, selon le déphasage graduel affectant le balancement des sources. "Pendulum Music" se termine logiquement lorsque, quelques instants après que les micros se soient immobilisés en émettant un feedback sous la forme d'un son continu, les protagonistes débranchent de concert les fils électriques des amplificateurs.
— (D'après Pierre Albert Castanet, "Musique et Bruit", et Michael Nyman, "Experimental Music, Cage et au-delà")


> Studies > early works of "noise" music > œuvres racines de la musique noise


(Cette partie est en cours de développement)


ROBERT ASHLEY, "THE WOLFMAN", 1964



Robert Ashley a utilisé des principes de feedback sonores dans la performance "The Wolfman" (1964) créant des sons hurlants entre un microphone et un haut-parleur, et en chantant directement dans le même microphone afin de faire moduler le feedback avec sa voix. Les sons vocaux et la partie sur bande magnétique étaient amplifiés sur des systèmes indépendants monoraux de haut-parleurs produisant ainsi un niveau sonore très élevé durant la performance. L'intention de la partie sur bande magnétique diffusée simultanément avec la partie vocale et les feedbacks (qui étaient les sources principales de cette performance) était de remplir l'espace et de transformer le tout en une sorte de "drone" électronique. Les choix des sons de la bande magnétique ont été choisis en fonction du spectre sonore couvert par les feedback et de compléter ce spectre par une tempête de sons plus courts donnant l'illusion de surgir de tout point de l'espace.

Robert Ashley used audio feedback in his avant-garde piece "The Wolfman" (1964) by setting up a howl between the microphone and loudspeaker and then singing into the microphone in way that modulated the feedback with his voice. The vocal sounds and the tape composition are to be amplified in performance by separate, monaural, amplifier-loudspeaker systems capable of producing extremely high sound-levels throughout the performance space. The idea of a tape composition, which is to come out of the same loudspeakers as the voice and the feedback (the main sound source for this composition), is to fill-in the ongoing performance sound and to transform the performance into an elaborate version of the 'drone' under the influence of electronics. The choice of what sounds should be on the tape is determined by the need to have the whole range of frequencies brought into the feedback, but to give those sounds a short duration-in other words, a blizzard of very short sounds across the whole frequency range-so that the illusion of the sounds coming from all parts of the room is preserved.

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"Ashley indique que cette œuvre doit être réalisée avec un dispositif de haut-parleurs dont les volumes doivent être mis dans une position maximale pour que tout son capté par le microphone provoque automatiquement un larsen. Le chanteur doit chanter des phrases d'une durée de 13 secondes chacune. Durant les 3 premières et les 3 dernières secondes, le chant doit être tenu constant, et durant le reste du temps, il doit être altéré continuellement en prenant en compte à chaque fois qu'un seul de ces quatre paramètres : la hauteur (plus d'un octave), l'intensité sonore, la vocalisation (bouger la langue de l'arrière de la bouche vers l'avant et vice-versa), et l'ouverture/fermeture de bouche (lèvres fermées, bouchement largement ouverte). La bouche du chanteur doit rester très près du microphone ainsi le mixage entre les sons vocaux et les larsens crée une sorte d'illusion acoustique dans tout l'espace. Sur l'aspect théâtral de cette œuvre, il est indiqué que le chanteur doit apparaître sur scène, éclairée comme une scène de club, comme un chanteur de nightclub plutôt lamentable, patibulaire et sinistre. "The Wolfman" a acquis à l'époque une réputation d'œuvre malveillante et de torture sonore envers le public." — (GANN Kyle, "Robert Ashley", American Composers Series, Universities of Illinois, 2012. pp. 36-37)Et aussi : AUSTIN Larry, KAHN Douglas (2011). "Source: Music of the Avant-Garde, 1966-1973". Berkeley, CA: University of California Press. pp. 143-145.



THE WOLFMAN, Robert Ashley, 1964
Pour cet enregistrement : performance à l'University of California at Davis, Los Angeles.
First performed on Charlotte Moorman's festival of the avant-garde, Judson Hall, New York.
http://www.lovely.com/titles/cdalgamarghen2.html




> Studies > early works of "noise" music > œuvres racines de la musique noise







DYNAMIQUE ET MUSIQUE BAROQUE — CHARIVARI






(Cette partie est en cours de développement)

Dans l'histoire de la musique il y a eu une longue période durant laquelle la dynamique n'a pas pu être explorée du fait que les instruments de par leur facture ne possédaient pas une palette de nuances suffisantes, car, par exemple pour certains instruments à vent, leur justesse et leur timbre étaient dépendants du débit et de la pression de l'air et ces derniers étant plus ou moins forts ils induisaient des altérations perçues comme non musicales (le doublement des instruments ou la combinaison de différentes natures d'instruments pour obtenir une puissance plus élevée n'a pas apporté de solution de ce côté-là). Il serait intéressant d'étudier comment la musique vocale (et une partie de la musique instrumentale) a pu acquérir lors de périodes antérieures des modes conséquents de puissance et de dynamique en collaborant avec les espaces acoustiques et notamment les grands édifices d'architecture religieuse (In LUC Charles-Dominique, "Anthropologie Historique de la Notion de Bruit", In Filigrane, n° 7, pp. 33-55. 2008. — http://jalonedit.unice.fr/ethnomusicologie/cours/fichiers/anthropologie-bruit ).

À partir de la période baroque l'utilisation des crescendi et des decrescendi comme modes de variations progressives de l'intensité est un des moyens de développer l'expressivité et de dompter les puissances de certains instruments (perçues comme "bruits" et bruyantes) qui jusqu'alors avait pu apparaître dans certaines formes musicales. La dévalorisation du volume sonore élevé et du bruit sera à partir de là continuelle dans l'esthétique musicale occidentale. Le bruit dans la musique se définira par sa nature de "son complexe", plus ou moins erratique, plus ou moins difficilement contrôlable et différencié des sons harmoniques instrumentaux — définition qui se joindra à celle usuelle et subjective de "son indésirable" (ou non désiré — selon la Terminologie acoustique, American Standards Association, 1951.), déplaisant, et de "son gênant". L'intensité sonore a un rôle essentiel dans la définition du bruit car nous pouvons remarquer que tous les sons, mêmes les plus agréables et plaisants, sont perçus en tant que bruits lorsqu'ils sont trop intenses. Il peut en être de même lorsque des sons harmonieux sont combinés et associés (mixés) de certaine manière que leur association ne se trouve ni harmonique ni harmonieuse, comme dans le cas des clusters ou dans le cas de la cacophonie. La division entre les instruments bas et les instruments hauts (ayant une puissance sonore) — c'est-à-dire entre les cordes, les percussions et les vents, si on suit une gradation du bas vers le haut (que l’on doit à Boèce et à Cassiodore (Ve-VIe siècles). ; ce qui reste visible aujourd'hui dans la distribution spatiale de l'orchestre — permet de maîtriser certains effets et d'énoncer des "humeurs" dans les œuvres musicales, même si cela contredit quelque peu la régulation religieuse qui est d'intimer au silence et aux sons bas :

Au XIIe siècle, Jean de Salisbury et le cistercien Aelred de Rielvaux dénoncent le « son des orgues, le bruit des cymbales et instruments musicaux, l’harmonie des “pypes” et des cornets » qui nuisent à la dévotion. (In GEFEN Gérard, "Histoire de la Musique Anglaise", Paris : Éd. Fayard, 1992, pp. 17-18.)

En effet, il devient courant d'attribuer à des célébrations des mouvements éclatants :

  • composé de chœurs, de timbales, de trompettes, de flûtes et et de hautbois — comme dans le début de l'"Oratorio de Noël" BWV 248 (1734) de Jean-Sébastien Bach, — écouter —, en sachant que ce mouvement a été composé préalablement non pas pour une œuvre religieuse mais pour l'occasion d'un mariage princier qui fût ainsi célébré haut en couleurs et à grand bruit ;
  • ou encore le Kyrie de la "Messe du Sacre de Louis XVI" (1779) de François Giroust — écouter —, et tout une série de Magnificat, Gloria, etc. tous plus éclatants les uns que les autres.

L'orgue de son côté a eu un traitement différent. Perçu comme un des instruments les plus hauts (et dans l'époque moderne il sera considéré comme l'instrument qui peut imiter tous les autres instruments, ce qui a permis le développement historique de sa facture et de son organologie), il a bénéficié d'une évolution de sa symbolique et fût finalement intégré dans les édifices religieux et dans la musique sacrée :

Parce que l’orgue est « l’instrument le plus grand sous le rapport du volume sonore », que sa sonorité évoque le tonnerre de la voix de Dieu, que ses tuyaux ne sont pas sans rappeler les trompettes de l’Apocalypse, il devient porte-parole du message divin. Pour cela, les théoriciens détournent les éléments de son organologie et de sa sonorité qui auraient dû relever d’une certaine « démonologie sonore », comme le tonnerre (expression sonore du diable), les soufflets (qui renvoient à la forge diabolique), le vent de sa mécanique (majoritairement mal connoté), le métal de ses tuyaux, etc. (LUC Charles-Dominique, "Anthropologie Historique de la Notion de Bruit", In Filigrane, n° 7, pp. 33-55. 2008. — http://jalonedit.unice.fr/ethnomusicologie/cours/fichiers/anthropologie-bruit )



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écouter / listen Grand Jeu avec Tonnerre (Corrette, 1787)

écouter / listen Le Combat Naval (Corrette, 1779)



MICHEL CORRETTE, "PIÈCES POUR L'ORGUE DANS UN GENRE NOUVEAU -
SUITE DU 2° TON - 10/ GRAND JEU AVEC LE TONNERRE", 1787

MICHEL CORRETTE, "PREMIER LIVRE POUR LE CLAVECIN -
DIVERTISSEMENTS POUR LE CLAVECIN -
LE COMBAT NAVAL", 1779

Michel Corrette a écrit des livres de pièces pour l'orgue, notamment "Grand Jeu avec Tonnerre" et "Deux offertoires avec tonnerre". Dans la partition des Offertoires il explique : "Le tonnerre se fait en mettant sur la dernière octave des Pédales de Trompettes et Bombardes une planche que le pied baisse à volonté. En finissant, pour imiter la chute du tonnerre, on donne un coup avec le coude sur les dernières touches du Clavier" http://www.musicologie.org/Biographies/c/corrette_michel.html http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9009979k.r=michel+corrette.langFR . Yves Jaffres (In JAFFRES Yves, Michel Corrette, sa vie, son œuvre, Thèse de doctorat, Université Lumière-Lyon II, 1989, p. 457.) commente ce texte en indiquant d'une part que le bruitage des notes de pédales "se superpose à la vivacité du discours" et d'autre part que la pièce se conclut "par un vacarme assourdissant". Dans les "Divertissements pour le clavecin" : "les Échos de Boston" et "le Combat Naval", Michel Corrette indique : "L'auteur donne tout ce qu'il promet, excepté qu'il n'exprime pas tout par l'harmonie, car il prévient qu'à une certaine marque désignée « il faut frapper toutes les touches d'en bas du plat de la main, pour imiter le coup de canon de 24 livres de balle »".
Selon Yves Jaffres
(In JAFFRES Yves, op. cit. p.407.) , nous sommes en présence de la première définition du procédé technique qui sera appelé "cluster" dans la littérature musicale. Mais Jaffres note aussi que cette opération "témoigne d'une volonté d'émouvoir le public par des effets sensoriels et non plus par une savante organisation du matériau". (In FUSTIER Paul, "Contremusique et son sali", In « La Vielle à Roue dans la Musique Baroque Française », Paris : Éditions L'Harmattan, 2006 — http://paul.fustier.pagesperso-orange.fr/depart_general/non_vielle/Contremusique%20et%20son%20sali.htm ).
Bien d'autres exemples sont présents dans l'histoire de la musique.

que cela soit l'introduction de techniques de jeu étendues ou bien encore l'imitation musicale :
- Clément Janequin ("La Bataille", 1528),
- Tobias Hume ("Harke, Harke", First Part of Ayres, 1605),
- Carlo Farina ("Capriccio stravagante", 1627),
- Heinrich Ignaz Franz Biber ("Der Mars" et "Die liederliche Gesellschaft von allerley Humor", Battalia, 1673),
- Jean-François Dandrieu ("Les Caractères de la Guerre", 1724),
- Guillaume Lasceux ("Judex crederis", Te Deum, 1786),
- Pierre Antoine César ("La Bataille de Jemmapes, ou la prise de Mons", ca. 1794),
- Justin Heinrich Knecht ("Die durch ein Donerwetter [sic] unterbrochne Hirtenwonne", 1794),
- Jacques-Marie Beauvarlet-Charpentier ("Bataille d'Austerlitz", 1805),
- Jacques Vogt ("Fantaisie pastorale et orage dans les Alpes", ca. 1830),
- Jules Blanc ("La procession", 1859),
- Bernard Viguerie ("La Bataille de Marengo", 1861),
- Louis James Alfred Lefébure-Wély ("Scène pastorale", 1867).
(Référence : — http://www.quickiwiki.com/en/Noise_in_music )



Un autre aspect est celui de l'utilisation d'instruments "ad-hoc" et de machines instrumentales à fort niveau sonore dans certaines manifestations musicales (et sociales) à partir de l'époque médiévale :

[De l']enfer tumultueux, [du] « bruit d’enfer », le drame liturgique médiéval va en rendre compte en inventant des machineries effroyablement bruyantes dont Gustave Cohen (In COHEN Gustave, "Histoire de la mise en scène dans le théâtre religieux français du Moyen Age", Paris, Champion, 1951.) ou Elie Konigson (In KONIGSON Elie, "L’espace théâtral médiéval", Paris, CNRS, 1975.) révèlent les dispositifs : grandes cuves d’airain frappées ou pleines de pierres tournant autour d’un axe grâce à de grandes manivelles, grandes plaques de métal souples frénétiquement agitées, décharges de couleuvrines et de canons. Le nombre des personnes nécessaires à cette machinerie peut s’élever à plus de quinze ! [...] Tumulte de la licence la plus débridée et bestiale, cris animaux des sorciers et sorcières métamorphosés, vacarme des instruments hauts… sabbats tumultueux, que certains documents et récits de tradition orale appellent « charivaris ». (LUC Charles-Dominique, op. cit. )

Les "charivaris" sont des manifestations et des événements sociaux, profanes, liturgiques et paraliturgiques donnant lieu à des pratiques musicales et sonores collectives (a contrario de la musique faite par les compositeurs de manière solitaire) : c'est le cas de la Semaine Sainte par exemple (In LUC Charles-Dominique, "Les Vacarmes de la Semaine Sainte et des Charivaris, deux rituels liés à la mort", In "Les Musiques de la Mort en Occident", Cours d'Ethnomusicologie, http://jalonedit.unice.fr/ethnomusicologie/cours/4.-les-musiques-de-la-mort-en-occident/charivari ), durant laquelle le "charivari" consistait en des vacarmes épouvantables produits par les jeunes hommes à l'aide de rhombes, de tambours à friction et de crécelles (selon les observations ethnomusicologiques dans des communes des Pyrénées Centrales) ; ou lors d'unions matrimoniales jugée abusives, et pour notre période la plus récente, lors des charivaris d'ouvriers à patrons, des charivaris à caractère littéraire (polémiques entre étudiants et auteurs, etc.), et à caractère politique (les concerts de casseroles) par la manifestation publique d'un orchestre équipé d'engins sonores, de bassines, de bidons, etc..

Références :



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Mission d'ethnomusicologie conduite par Claudie Marcel-Dubois et Marie-Marguerite Pichonnet-Andral dans les Pyrénées centrales à Betpouey (mars-avril 1956) — Garçons faisant fonctionner crécelles et toulouhous (rhombe) pendant la semaine sainte.

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Alors que l’harmonie sociale et politique est figurée par des instruments harmoniques à cordes – bas – joués par les élites, le très fort volume sonore, notamment le vacarme disharmonieux, est un puissant marqueur de la rupture d’harmonie : dans le charivari, on trouve aussi des instrumentistes confirmés jouant le plus mal et le plus faux possible. (LUC Charles-Dominique, op. cit.)

CHARIVARI — INSTRUMENTS DU VACARME

"Le touhoulou du point de vue organologique est un instrument faisant partie de l'espèce appelée tambour à friction tournoyant (angl. "whirling friction-drum", all. "schwungreibtrommeln"). Le toulouhou pyrénéen se compose d'un résonateur de forme cylindrique d'environ 10cm de diamètre et 12cm de hauteur avec une table de résonance constituée par une membrane tendue sur l'un des orifices du cylindre. Dans cette membrane, perforée au centre, est enfilée une corde vibrante. Cette corde (de 10cm de long environ) relie la membrane à un manipulateur (bâton) [auquel on imprime un mouvement giratoire]. Le son a une portée de l'ordre de quatre cent mètres environ.
À volume de résonateur égal, la nature de la corde vibrante semble entraîner des sonorités différentes : en crin, elle provoque un son bourdonnant et en ficelle un son plus crissant. De plus sa longueur joue un rôle ainsi que la nature de la gorge et le degré d'humidification à ce niveau ; cette dernière condition est essentielle au bon fonctionnement de l'engin. Une recherche expérimentale tentée sur un toulouhou des Pyrénées a permis des paramètres physiques du son produit par cet engin. Le signal du spectre est très étroit reste dans les fréquences basses. Le spectrogramme obtenu accuse, en effet, une bande de fréquences dominante située entre 100 et 300 Hz, avec une diminution très rapide ensuite. Les phénomènes consécutifs au mécanisme de l'engin en mouvement et de la friction circulaire de la corde dont l'adhérence sur la gorge n'est pas continue se traduisent par différents types de signaux. Ceux-ci se distinguent par des phénomènes périodiques pour chaque révolution de l'engin : à l'intérieur de chaque mouvement se détachent des paquets d'oscillations qui semblent correspondre aux chocs ou accrochages de la corde et sur lesquels se greffent les fréquences de résonance. La chronographie fait apparaître une durée moyenne de 14/50mes de seconde par révolution et l'oscillogramme entier montre une relative similitude des phénomènes périodiques des trains d'ondes. Enfin l'intensité du signal du toulouhou mesurée au décibelmètre, à 50 cm. en chambre sourde, est de l'ordre de 105 dB. [...] Si l'on poursuit l'exploration de la famille des tambours à friction tournoyants hors de France on repère ce type d'instrument sporadiquement dans presque toute l'Europe, dans l'Asie, en Inde, en Chine, au Japon, en Indonésie (Java), au Viêt-Nam, dans l'Afrique orientale et dans les États Unis d'Amérique. [...] Inscrit dorénavant dans la collection des engins de Ténèbres, le toulouhou devient l'un des producteurs de ces célèbres vacarmes cérémoniels des temps d'interdits aussi bien que de licences temporaires (carnaval en particulier). Il prend rang dans l'arsenal des engins dont la multiplicité reflète l'imagination des générations amoncelées depuis l'origine des rites de nature singulièrement bruyante."

— (MARCEL-DUBOIS Claudie, "Le Toulouhou des Pyrénées Centrales — Usage rituel et parentés d'un tambour à friction tournoyant", In Les Colloques de Wégimont, III - 1956, Ethnomusicologie II, Bibliothèque de la Faculté de Philosophie et Lettres de l'Université de Liège pp. 55-89. 1960)



Ce "remplissage" de l'espace sonore par l'utilisation de machines produisant des sonorités assourdissantes et "à tue-tête" est aussi présent dans la musique baroque pour invoquer les météores (tonnerre, orage, vents, etc.), ceci participant à une nouvelle catégorisation musicale : celle des "bruitages" (et également celle des "sons salis" instrumentaux, que nous développerons dans une autre étude consacrée à la "contremusique") — ce qui sera poursuivi plus tard par Satie, Varèse et les musiciens futuristes avec l'intégration d'instruments du "quotidien" (machine à vent [ou eoliphone, heliophone], Maurice Ravel, "Daphnis et Chloé", 1909-12 —, machine à écrire, Érik Satie, "Parade", 1917 (plus une sirène aigüe, une roue de loterie, des flaques sonores, un claquoir, un revolver, une sirène grave) —, sirènes, Edgar Varèse, "Ionisation", 1931 —, etc.). Nous nous trouvons là à la limite entre l'illustration sonore par l'effet (quasi naturaliste, par l'entrée du bruit de l'environnement dans la musique) et la prise en compte du potentiel instrumental et sonore de telles machines.



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écouter / listen Hyppolite et Aricie, scène de l’orage (Rameau, 1733)

écouter / listen Les Boréades, Suite des Vents (Rameau, 1763)

écouter / listen Les Indes Galantes, Vaste Empire des Mers (Rameau, 1735)

écouter / listen Les Indes Galantes, Les Incas du Pérou (Rameau, 1735)
MACHINES MUSICALES

L’éoliphone ou héliophone, plus couramment appelé machine à vent, est un outil utilisé dans la musique et les opéras dès le XVIIeme siècle pour reproduire le son du vent. L'éoliphone se présente sous la forme d'un large cercle de métal ou de bois sur lequel est tendu un drap que l'on frotte plus ou moins vivement d'un geste circulaire.

L'opéra de Jean-Philippe Rameau "Les Indes Galantes" est un feu d'artifice baroque, avec des scènes dignes d'anthologie, telles celle de la tempête ("Vaste Empire des Mers") ou celle du "Tremblement de Terre", avec des effets spéciaux superbes (machine à vent, roulement de basses véritablement sismiques !)
Les cataclysmes ont été exploités surtout par les musiciens baroques dans les œuvres dramatiques vocales, en particulier dans l’opéra. « Les symphonies "descriptives" qui accompagnent dans l’opéra baroque et classique, les cataclysmes, tempêtes, apparitions et ravages de monstres, doivent être comprises de cette façon : le déploiement de moyens musicaux inhabituels. Par exemple, l’emploi par Rameau, d’enchaînements audacieux pour le tremblement de terre des "Indes Galantes", a sans doute pour objet de peindre le phénomène et la situation, d’exprimer l’effroi ressenti par les personnages en présence de ce phénomène et de provoquer un état chez le spectateur qui soit l’imitation de cet effroi.
— (D’après Pierre Saby, "Imitation", dans Vocabulaire de l’Opéra, Minerve, 1999.)




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L'apparition de la basse continue — La partie de basse était jouée en continuo selon des règles d'improvisation issues des parties écrites. Elle était jouée par des instruments bas : violoncelle, viole de gambe, contrebasse, clavecin, théorbe, luth, orgue, etc. —au XVIIème siècle amène un adoucissement sonore et accompagne la recherche des coloris propres à la musique baroque et aux formes développées à l'époque (vocales, madrigaux, concertos, opéras, etc.) — la cornemuse devient musette de cour, et d'autres instruments subissent des modifications organologiques et de jeu : le hautbois de concert, le violon, etc. ; les autres instruments dits "hauts" sont délaissés à la musique populaire : crécelle, cliquettes, mortier, marteau sur enclume, vielle à roue, serinette, tambour, grosse caisse, trompette, hautbois, cors de chasse, serpent, cloche — (et nous pourrions dire jusqu'à la vuvuzela actuelle — In BISET Sébastien, "Éloge Circonstanciel de la Vuvuzela", 2010. — http://www.sebastien-biset.com/wp-content/uploads/2010/09/ELOGE_VUVUZELA.pdf ). En parallèle de la démesure orchestrale (et architecturale) de l'époque, ceci conduit vers un raffinement musical et vers le rejet catégorique du bruit et induit la maîtrise des producteurs musicaux (interprètes, compositeurs) et des auditeurs (dans une salle, assis, positionné, silencieux, en soirée). L'attention devient plus focalisée sur la conduite des lignes musicales et la sensibilité auditive est mise en avant et contribue au raffinement recherché que nous venons d'évoquer. C'est à cette même époque qu'apparaît la notation des variations d'intensité (diminuendo, crescendo, etc.), et au XVIIIème siècle, celle des nuances (du pianissimo au fortissimo) est établie. L'apogée de la puissance sonore sera atteinte avec l'orchestre de la fin du XIXème siècle et, par la suite, les conquêtes de l'atonalisme, du dodécaphonisme et du sérialisme permettront de délier les paramètres musicaux sonores et notamment d'enlever les préparations de dynamiques pour les rendre cellulaires et constrastées et non plus organiquement liées à des mouvements et des modulations homogènes. Un autre jalon important de la richesse musicale sera l'apport de la musique électroacoustique et électronique au milieu du XXème avec l'utilisation du haut-parleur et de sources sonores enregistrées et électroniques traitées et transformées.



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Instrument - enclume utilisé dans "Ionisation"
Les possibilités des instruments à percussion sont innombrables : on les appelle faiseurs de bruit mais moi je les appelle des faiseurs de son.(Edgar Varèse, 1937, In "Écrits", Paris : Bourgois, 1983)

Lorsqu'on dit bruit (pour l'opposer au son musical), il s'agit d'un refus d'ordre psychologique : le refus de tout ce qui détourne du ronronnement, du "plaire", du "bercer". C'est un refus qui exprime une préférence.(Edgar Varèse, In Georges Charbonnier, "Varèse - Entretiens avec Edgard Varèse", Paris : Belfond, 1970, p.44)

[Je travaille simplement] avec des rythmes, des fréquences et des intensités.(Edgar Varèse, "Le monde n'a encore rien entendu en musique", In Edgard Varèse - André Jolivet, Correspondance 1931-1965, Genève : Contrechamps, 2002, p. 203)

Ce n'est pas le bruit qui passionne [Varèse], mais le bruit se transmutant en son, le son devenant timbre, le timbre révélant son esprit.(Fernand Ouellette, "Edgard Varèse", Paris : Bourgois, 1989, p. 57)



Et nous pouvons rappeler Luigi Russolo qui quelques décennies plus tôt écrit :

Le bruit est bien plus riche de sons harmoniques que ne l'est généralement le son. — (In "L'Art des Bruits", Lausanne : L'Âge d'Homme, 1975)

Selon les notes d'André Jolivet, Edgar Varèse travaillait, avant sa disparition en 1965, à ce qui peut être considéré comme une "philosophie du bruit". Ce terme a été depuis largement repris par Pierre-Albert Castanet et est relayé par le mouvement récent de la saturation, ou les "nouveaux brutalistes" selon Harry Halbreich[51] (Franck Bedrossian[52], Raphaël Cendo [53], Sébastien Rivas [54], et en amont Fausto Romitelli (1963-2004)[55]) dont le programme entre peu dans les problématiques que nous énonçons, car il reste dans le principe de l'expressivité du « hors-son » (Cendo) et dans une complaisance du jeu avec les excès consacrant un « déploiement sonore exagéré dans un contexte limité » (Ibid.)[56] :

« Cette recherche d’une énergie sonore inouïe est aussi un moyen de me rapprocher le plus possible du son de mon temps, d’en ressaisir la violence pour mieux l’appréhender. »(Raphaël Cendo)

« Je défends l'idée qu'encore une fois le corps doit être placé en plein centre de l'expérience musicale. La musique est peut-être principalement une réaction physique sur un corps. »(Fausto Romitelli)

« Plus que la saturation, c'est le phénomène saturé qui m'intéresse. »(Franck Bedrossian)

D'autres initiatives poursuivent une certaine esthétisation et un formalisme explicite des sons bruités comme dans les œuvres de Colin Roche[57] à partir de formes fragmentaires, ou dans celles de Francesco Filidei [58]. Est-ce ceci que tentait de poursuivre Varèse en parlant de "philosophie du bruit" ? Son intention d'appuyer sur l'organisation des sons au sein de ses œuvres a contrario d'un déploiement des ressources insoupçonnées des sons notamment dans des dimensions "paroxystes" (de l'intensité, des amas, etc.) peut le faire croire. John Cage reste perplexe sur ce point :

« Ce que j'ai apprécié chez Varèse, c'est évidemment sa liberté dans le choix des timbres. Il a, avec Henry Cowell, très largement contribué à nous acclimater à l'idée d'un univers sonore sans limites. [...] Il n'empêche qu'il y a souvent, chez Varèse, un parti-pris de domination des sons ou des bruits : il essaie de plier les sons à sa volonté, à son imagination. Et c'est cela qui, très vite, nous a gênés : nous comprenions qu'avec lui les sons n'étaient pas entièrement libres. »(John Cage, "Pour les Oiseaux", [1976], Entretiens avec Daniel Charles, L'Herne, Paris : Belfond, 2002, pp. 80-81.)



ACOUSMONIUM (ORCHESTRE DE HAUT-PARLEURS)


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Merce Cunningham Company : chorégraphie
Merce Cunningham, Carolyn Brown, Barbara Dilley Lloyd, Sandra Neels, Albert Reid, Peter Saul, Gus Solomons : danseurs
John Cage : musique
David Tudor, Gordon Mumma : live electronics
James Tenney, Malcolm Goldstein, Fredric Lieberman : magnétophones, radios
Max Matthews : mixer designer
Robert Moog : antennas
Stan VanDerBeek & Nam June Paik : film footage
Cecil Coker, Witt Wittnebert : controllers, cellules photo-électriques


1 — video excerpts Variations V, Merce Cunningham, John Cage

2 — video excerpts Variations V, Merce Cunningham, John Cage
JOHN CAGE ET L'INTENSITÉ SONORE

« Auditeur — Quelquefois l'excès d'intensité que vous obtenez électroniquement supprime chez l'auditeur la possibilité même d'éprouver une émotion quelconque. Elle supprime la possibilité d'une existence au pluriel. Est-ce que la tranquillité n'est pas contredite par l'intensité des bruits de vos œuvres ?
John Cage — Non, elle s'en trouve accrue !
Auditeur — L'intensité accroît la tranquillité ?
John Cage — Non, elle accroît la discipline. [...] Plus un son est fort, et plus il nous donne l'occasion de nous discipliner. [...] Que le son soit fort ou faible, grave ou aigu, ou tout ce que vous voudrez, cela ne constitue pas un motif suffisant pour ne pas s'ouvrir sur ce qu'il est, comme sur tout son qui est susceptible de surgir. Il faut laisser être les sons. [...] Je n'ai pas encore entendu un son qui fût réellement insupportable. Beaucoup de gens considèrent qu'il existe des sons dangereux. Je n'en ai pas encore entendu, malgré mes pérégrinations. [...] Je ne nie pas [les allergies au bruit et les surdités acquises]. Je constate simplement qu'on ne sait pas, à l'heure actuelle, maîtriser les bruits dans le sens du gouvernement, de la police. Cela ne veut pas dire qu'il n'y ait pas lieu de lutter contre la pollution par les bruits. Mais cela n'implique pas non plus le critère esthétique négatif que serait le refus des bruits en tant que tels. Bien au contraire, je crois pouvoir tirer de ma propre expérience l'idée que notre attitude esthétique devrait devenir de plus en plus ouverte à tout ce qui peut arriver. »
— (In "Pour les Oiseaux", [1976], Entretiens avec Daniel Charles, Paris : Éd. Belfond, Éd. de L'Herne, 1992, p. 60 & pp. 108-109.)

JOHN CAGE, VARIATIONS V, 1965-1966

« Le public était au mieux perplexe, au pire agacé. "La Merce Cunningham Dance Company peut être accusée de coups et blessures sur l'intégrité sensorielle du public, mais [ils] laissèrent quelques contusions et ecchymoses intéressantes », écrit Barbara Levy dans le Chicago Sun-Times. Le compositeur John Cage a mis en place dans les Variations V beaucoup de bruit qui n'atteint jamais entièrement le niveau de ce qu'on peut appeler de la musique. Avec une batterie de techniciens, caméras manipulées et de mélangeurs et de mixeurs pour créer des images en constante évolution sur la scène... rien de discernable n'émergeait, exceptée l'utilisation en permanence exquise de corps étendus et contractés en sautant et tombant aux limites du périmètre de la scène.
John Hinterberger, commentant la réalisation de cette œuvre pour le Seattle Times, était beaucoup moins généreux. « La compagnie Merce Cunningham Dance a démontré que devant une salle comble au Center Playhouse la nuit dernière que huit personnes peuvent dérouter et gêner 800 autres — tant que les 800 spectateurs aient payé pour le privilège d'être là — qui tentèrent de rester vivants » (Hinterberger, John 1966. “Merce Cunningham Dancers Jump at Noises in Dark.” Seattle Times (February 8). Clairement indigné, Hinterberger n'avait rien de positif à dire à propos de la soirée: « la compagnie Cunningham intègre le principe artistique que le monde actuel est non-artistique, inutile, plein de bruit, laid, ridicule et empli de gestes et comportements humains conventionnels... Donc les danseurs s'acharnent à faire tournoyer des bruits électroniques, des cris, des grognements et borborygmes, en semblant cogner des tuyaux de chaudières jusqu'à ce que chaque numéro se termine sans forme ». Hinterberger axa sa plus grande colère sur le volume sonore très élevé et inconfortable, notant que plusieurs spectateurs âgés gênés durent éteindre leurs appareils auditifs, tandis que d'autres durent se protéger avec les doigts dans leurs oreilles. Étiquetant la réalisation d'"obscurantiste", il a fulminé contre le fait qu'elle "cache le manque de conception... Et que le bruit est un bruit, rien d'autre." Bien que les danseurs étaient quelque peu protégés, en étant derrière les haut-parleurs, certains d'entre eux furent également indignés par l'agression sonore sur le public. « Nous avons travaillé si dur, et les musiciens ont rendu cela encore plus difficile », explique la danseuse Dilley. L'ensemble de la troupe de sept danseurs et l'équipement technique, les antennes, les cellules photoélectriques, et le matériel de sonorisation ont été employés sur toutes les représentations de la tournée, mais dans la plupart des cas, Cage et Tudor constituait l'équipe principale compositeur-interprète, contrôlant et pilotant toutes les sources sonores ainsi que les mixages en direct. Tudor était la cause probable de l'assaut sonore sur les tympans. Emmons note qu'il prenait plaisir à "taquiner" Cage en augmentant le volume lors des représentations. »
— (Lea E. Miller, "Cage, Cunningham, and Collaborators: The Odyssey of Variations V", The Musical Quarterly 85(3), Fall 2001, pp. 545-567.)
[59]






"Bandoneon" est une œuvre musicale de David Tudor réalisée pour une des soirées des "9 Evenings"[60] qui se sont déroulées à New York en 1966 sous l'égide d'E.A.T. (Experiments in Arts and Technology, une structure associant artistes et ingénieurs autour de la la réalisation et du développement d'œuvres et de projets artistiques). La particularité de cette œuvre, ainsi que de toutes celles qui vont suivre dans le parcours de Tudor ("Rainforest", etc.), est qu'elle est construite sous la forme de circuits d'interactions et de rétroactions entre des éléments sonores , résonants et d'autres non-sonores. Ainsi ces circuits permettent d'associer un instrument traditionnel (un bandoneon joué en direct par David Tudor) avec des structures construites électroniques (modulateurs, filtres, amplificateurs, etc.) qui traitent, captent et sont contrôlées par le jeu instrumental dont les "données" sont converties en signaux électroniques. Ces signaux traités sont de l'ordre du "bruit blanc" (produit à partir des sonorités de l'instrument) et sont autant rendus comme sons (amplifiés) que comme signaux de contrôle et de variation d'autres éléments utilisés pendant le concert (pilotage de la lumière, de haut-parleurs mobiles téléguidés, de signaux vidéo, etc.). "Bandoneon" est une des premières œuvres utilisant le "bruit blanc" généré en direct à partir de sons instrumentaux. L'élargissement du registre sonore, du son instrumental au bruit électronique, correspond au développement d'un dispositif musical dont les sons régissent l'ensemble de l'environnement du concert.

« Alors, imaginons une gamme où il y a le timbre parfait à une extrémité, et le bruit blanc à l’autre, et [...] si je pressais sur plus de trois notes à la fois [sur le bandonéon], j’obtenais du bruit blanc, et je pouvais l’augmenter pour changer la couleur ou le diminuer en relâchant certains boutons. » — (David Tudor — Interview with David Tudor / intervieweurs : Billy Klüver, Barbro Schultz Lundestam, 1996, 1 cassette audio (ca 30 min) : analogique; 18 cm, original. La fondation Daniel Langlois pour l’art, la science et la technologie, Fonds 9 Evenings : Theatre and Engineering.)

Dans cette œuvre, David Tudor utilise le son poussé à l'extrême jusqu'au bruit, évacuant les relations entre son et musique (le discours musical, la partition, la notation), et produisant ainsi une sorte de "mur sonore" dont il se charge par le jeu instrumental d'en explorer toutes les variations, les timbres et "couleurs". Par son initiative, le bruit devient un matériau à explorer et à interpréter (un bruit "positif" face au bruit "négatif").

« Bandoneon! ne fait appel à aucune méthode de composition; lorsque je la déclenche, l’œuvre se compose d’elle-même à partir de sa propre nature instrumentale composite. » — (David Tudor, In "9 Evenings: Theatre and Engineering", sous la direction de Pontus Hultén et Frank Königsberg, [New York], Experiments in Art and Technology; The Foundation for Contemporary Performance Arts, [1966], p. 11.



[voir l'article consacré à cette œuvre]



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BANDONEON, David Tudor, 1966






Intensités sonores(Edit)

(MUSIC LOUDNESS)



KONRAD BOEHMER, "ASPEKT" (1964-67)

"Aspekt" de Konrad Boehmer est considérée comme une des œuvres les plus radicales conçues en musique électronique. Cette œuvre combine une structure très élaboréee avec l'impact d'une très grande puissance.

CHRISTIAN ZANÉSI :VOUS AVEZ COMPOSÉ, ENTRE 1966 ET 1968 UNE ŒUVRE RADICALE : ASPEKT.
KONRAD BOEHMER : C'EST UNE ŒUVRE QUI S'INSÈRE DANS LA TRADITION DE COLOGNE ET DANS LAQUELLE J'AI ESSAYÉ DE ME SERVIR DE PROCÉDÉS TECHNIQUES TOUT À FAIT NOUVEAUX POUR L'ÉPOQUE. C'EST UNE ŒUVRE TRÈS PURE PARCE QU'EN 1966, LA PLUPART DES COMPOSITEURS COMPOSAIENT DÉJÀ DANS LE GENRE «GROUPE D'INCITATION MUSICALE» ET CETTE ŒUVRE EST ABSOLUMENT HORS DE TOUT COMPROMIS. J'AI DU RESTE OBTENU EN 1968 LE PREMIER PRIX DE LA 5ÈME BIENNALE DE PARIS POUR CELA. ELLE ME PLAÎT BEAUCOUP PARCE QU'ON ÉTAIT DANS UNE PÉRIODE OÙ NOTRE GÉNÉRATION SE RADICALISAIT DE PLUS EN PLUS À CAUSE DE LA GUERRE DU VIÊT-NAM ET ELLE EXPRIME TOUTE MA FUREUR SUR LE MONDE DES ANNÉES 60 SANS LE FAIRE SOUS UNE FORME SYMBOLIQUE OU AVEC DES CITATIONS. C'EST UNE COMPOSITION-COMPOSITION.
C.Z. : COMMENT LE PUBLIC L'A-T-IL ACCUEILLIE ?
K.B. LE PUBLIC ALLEMAND ÉTAIT TRÈS CHOQUÉ. IL Y A EU BEAUCOUP DE SCANDALE DANS LES CONCERTS JUSQU'AUX AGRESSIONS PHYSIQUES MAIS JE SUIS TRÈS BON EN KARATÉ.
— (INTERVIEW DE KONRAD BOEHMER PAR CHRISTIAN ZANÉSI, REVUE ARS SONORA, N°1, JUIN 1995)


écouter / listen Aspekt (Konrad Boehmer, 1964-67)






XENAKIS




(Cette partie est en cours de développement)



« [Xenakis] gomme le signal et compose le bruit. [...] L'art qui ne retrouve pas cette surdité informelle est un bavardage éloquent, un ouï-dire. »
(Michel Serres, "Interférences", Hermès II, Paris : Éd. de Minuit, 1972. pp. 189-190)



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Iannis Xenakis, Diatope (1978)

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Iannis Xenakis, Persepolis (1971)

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Iannis Xenakis, Polytope de Cluny (1972)

écouter / listen Persepolis, (Iannis Xenakis, 1971)

écouter / listen La Légende d'Eer, (Iannis Xenakis, 1977-1978)
IANNIS XENAKIS, "LA LEGENDE D'EER" (1977-78)

« La musique de La légende d’Eer est faite des familles suivantes de sons :
a) instrumentaux, par exemple, les étoiles filantes sonores du début et de la fin, ou les sons des guimbardes africaines, les tsuzumis japonais…
b) bruits, par exemple, chocs de briques spéciales, frottements sur carton…
c) réalisées par des fonctions mathématiques à l’ordinateur et converties de digital à analogique au Centre d’Etudes de Mathématiques et Automatiques Musicale (CEMAMu). »

« Ici, j’ai inauguré une approche nouvelle de la fabrication des sons, différente et même à l’opposé des méthodes des studios de musique électronique des laboratoires utilisant les ordinateurs et la conversion numérique-analogique. Il ne s’agit plus de partir de l’analyse et de la synthèse de Fourier qui permet d’arriver au son par l’intermédiaire de faisceaux de sons sinusoïdaux harmoniques ou partiels. Cette nouvelle méthode construit et agit directement sur la courbe de pression-temps qui, elle, aboutit aux tympans. [ ...] Chaque piste est distribuée sur les 11 haut-parleurs de haute qualité disséminés sous la coque du Diatope. Cette distribution statique ou cinématique est réalisée par programme spécial à l’ordinateur. »
— (Iannis Xenakis, 1978 — http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/77/02/18/PDF/Le_Diatope_et_la_Lgende_d_Eer.pdf )


L'utilisation de sons relativement harmoniques, très aigus, dénote l'emploi de zones du spectre sonore peu fréquent à l'époque, avec des passages d'activité fort intense et pleinement assourdissante animée de bruits blancs (rappelons que Xenakis adorait diffuser très fort). — (D'après Makis Solomos)

"Il ne s'agit pourtant pas pour Xenakis de violenter volontairement l'espace acoustique de l'œuvre en le saturant à l'extrême — un fracas assourdissant ne débouche jamais, puisqu'il bute toujours sur une "limite" et devient physiquement insupportable si celle-ci est dépassée —, mais plutôt de s'écarter d'un traditionnel "contrepoint de son et de silence" (Boulez) à la manière de Webern, de s'éloigner le plus possible du silence trop banal, tout en rejetant les bruits fortuits du quotidien, eux aussi "pleins de banalité" et qui donc l'"ennuient" [...]. [I]l est "bien entendu" que c'est la force et la puissance du sonore dans toute sa dynamique et son énergie acoustiques qu'il s'agit de transmettre à l'auditeur, assailli de toutes parts [...]. En parvenant à un point de non-retour dans l'amplification du volume acoustique, les orchestres aux effectifs gigantesques forment ainsi de véritables murs de son. Certes le "toujours plus fort" ne rime à rien, si ce n'est pour l'intérêt esthétique lui-même du fracas, sa beauté énergétique, l'ampleur du sonore dans sa splendeur éclatante. Et si le bruit qui en résulte détruit, désordonne, s'il est indéniable que le "désordre premier excède le code musical" (Michel Serres), il peut aussi contribuer à la naissance d'un autre ordre. En effet, alors que la musique était d'ordinaire "une sélection du bruit mondial, elle n'est elle-même que lorsque cette sélection « nous met en présence du monde brut et dangereux »", remarque très bien Michel Serres. [...] [Les œuvres de Xenakis] mettent en place et en scène une audibilité massive, un "suraudible" [...]. L'œuvre musicale composée n'est plus alors "surajoutée" au monde, mais elle ne fait plus qu'un avec lui, monde et sons comme inséparable entité. Par son entremise, ses auditeurs retournent donc au Monde, à ses forces et ses clameurs. L'œuvre musicale s'éprouve alors par le déferlement des masses sonores, les vagues déferlantes de l'audible, par la prolifération des diverses informations livrées [...] [afin de] « plonger l'auditeur dans les conditions de l'écoute ». [...] [L]a composition musicale recréera chez Xenakis une sorte d'"antémusique", ou plus précisément selon une belle définition de Michel Serres, une sorte de « protomusique aléatoire »." — (Matthieu Guillot, "Dialogues avec l'Audible", Paris : Éd. L'Harmattan, 2013. pp. 110-111.)



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Présentation Légende d'Eer / Diatope, Centre Georges Pompidou, juillet 1978



IANNIS XENAKIS, DIATOPE (1978), interview archives INA
Source : http://www.ina.fr/video/CPC78050952
Pierre-André Boutang — Est-ce que vous comprenez que la musique que vous faîtes surprend, étonne, rebute et pourquoi il y a des réactions de refus nombreuses à cette musique ?
Iannis Xenakis — « Je pense que c'est un refus qui est tout-à-fait normal parce que la musique à proprement parler est quelque chose de... apporte, propose des choses nouvelles. Et la majorité des gens qui aime des musiques plus anciennes la refuse parce qu'ils n'ont pas l'habitude, c'est-à-dire qu'ils acceptent les musiques plus anciennes parce qu'ils ont l'habitude de cela. Il faut du temps pour des choses nouvelles, des idées nouvelles, des formes nouvelles prennent toute leur signification, et on pourrait dire que ce phénomène d'acquis, les choses acquises sur lesquelles... qui forment un système de référence, esthétique ou même idéologique,chez les gens, est un phénomène de civilisation. Ainsi si on prenait un sourd de naissance et tout-à-coup il recouvrait son audition il ne pourrait porter aucune appréciation sur une musique de Mozart par exemple ou sur une musique à moi. Je crois que dans les deux cas il serait complètement sans référence et par conséquent sans possibilité de jugement, et il était de caractère et de tempérament curieux il dirait "ha ça m'intéresse", le Mozart l'intéresserait et le Xenakis aussi. Et s'il n'est pas curieux il dira non ça me fatigue tout ça et il fermerait ses oreilles à nouveau. C'est ce qui se passe avec la majorité des gens. Il faut une ouverture d'esprit pour pouvoir dépasser et sauter par dessus ce barrage de la culture, comme on dit, d'une certaine culture donnée. Et c'est ce qui s'est produit à toutes les époques et dans toutes les civilisations. »
P-A B — Qu'est ce que vous faîtes de ce qu'on appelle le plaisir d'écouter ?
I. X. — « Le plaisir d'écouter est une sorte d'épiphénomène très léger et superficiel à mon avis. Quand une chose vous absorbe vraiment il n'y a plus de plaisir c'est une vie intense qu'on peut avoir. Alors donc il y a de la souffrance il y a aussi du plaisir si on veut mais ce sont des aspects superficiels d'une chose qui est beaucoup plus fondamentale qui est cette vie, des mouvements internes de la pensée et aussi du psychisme entier. »



Ainsi étudier l'ambitus d'intensité sonore des instruments se base sur l'organologie (sciences des instruments de musique, selon Curt Sachs, 1913) en fonction des conditions esthétiques et culturelles ainsi qu'en fonction de l'évolution de l'instrumentarium. Aussi l'organologie sera redéfinie par André Schaeffner en 1931 comme l'étude des "outils usuels des musiques" ouvrant ainsi ses champs d'études et ses classifications autant aux instruments qu'aux objets provisoires et aux éléments des lieux et des espaces intentionnellement inclus dans la production musicale. Devient donc instrument de musique, tout objet brut ou fabriqué, utilisé à des fins musicales[61], quelle que soit sa localisation géographique, ses modes de construction et d'utilisation (lutherie et facture), sa nature et ses évolutions propres, etc. Ainsi à la fin du XXème siècle, l'ordinateur et tout l'arsenal électronique et audio-numérique sont considérés comme des sources sonores et des instruments à part entière. De même, l'observation des musiques extra-européennes (par l'ethnomusicologie) et des musiques les plus contemporaines permet d'inclure dans l'organologie des éléments jusqu'alors écartés car momentanés, contextuels et séparés de ce qui est habituellement désigné comme instrument de musique ou employé dans le jeu habituel sur un instrument. Leur inclusion et leur classification sont établies dans l'organologie à partir du moment que des récurrences sont constatées et sont constitutives de la production musicale, comme par exemple des techniques de jeux étendues jusqu'aux éléments d'un espace dans lequel est donnée la musique et jusqu'aux productions sonores considérées comme bruits ou parasites sur un instrument : à titre d'exemples, utiliser le plancher de la scène comme percussion et caisse de résonance (frapper des pieds), utiliser les mécaniques et les propriétés acoustiques d'un instrument comme modes d'excitation sonores au-delà des préoccupations historiques et de répertoire, etc. La question de la facture, et notamment celle des échelles de puissances propres à donner des intensités variables et sur des registres étendus, ouvre un champ beaucoup plus élargi et moins limité ou limitatif qu'on ne le pense, et qui pourtant se confronte aux règles esthétiques et aux réglementations d'une époque donnée.

Un orchestre symphonique peut obtenir une intensité et une puissance sonores au-dessus de 120 dB[62] — ce que peut atteindre également des instruments tels que xylophones, trompettes, caisses claires, cymbales, sans parler du gong ou tam-tam. En 2008, un décret de l'Union Européenne fixait la limite du volume produit par un tel orchestre à 85 dB (sur des temps prolongés) ; ainsi il serait impossible de rendre les puissances orchestrales de Scriabine poussées par Evgueni Svetlanov ou les crescendi de Berg dans Wozzeck, ou bien encore la plupart des fortissimi symphoniques — un fortissimo (ff) est évalué à 90 dB. Le développement des scènes amplifiées (de surcroît, stigmatisées par les circuits des free parties) a produit une réglementation du bruit sur les lieux musicaux — il en est de même pour les appareils de lecture. Cette réglementation risque de modifier les expériences musicales dans les salles de concert — même pour le répertoire classique, comme nous pouvons le voir —, ainsi que la pratique instrumentale des musiciens s'ils deviennent équipés de "earplugs" (otoplastics), ces derniers faisant fonction de filtres et atténuant la pression acoustique.

Les mesures métriques en décibels sont à relativiser, et les nombres absolus annoncés ne peuvent être pris à la lettre car il faut prendre en compte plusieurs facteurs : le niveau sonore, le registre sonore et la durée d'exposition, ainsi que l'habitus de l'auditeur. Ce que ne fait pas la réglementation lorsque nous lisons l'arrêté législatif[63], même si celle-ci semble nécessaire pour les professionnels techniciens qui sont sous exposition prolongée à un niveau sonore important (ingénieurs du son, régisseurs, instrumentistes d'orchestre, etc.). Ainsi paradoxalement le bruit d'un TGV entrant dans un tunnel (140 dB) ne semblent pas dangereux pour l'audition ; il est remarqué aussi que ce sont les orchestres de musique militaire qui sont les plus bruyants[64]. D'où le fait que des sons impulsifs de fort niveau (130 dB) puissent être tolérés sans dommage tandis que l'exposition prolongée à des niveaux dépassant 85 à 90 dB met en danger l'audition, faute de périodes de repos pour le système auditif.

Est-ce que dans ce cas "Jonchaies" de Iannis Xenakis ne pourrait plus être jouée ? ou son Polytope de Montréal pour 4 orchestres (1967) ?

JONCHAIES, Iannis Xenakis, 1977

POLYTOPE DE MONTRÉAL, Iannis Xenakis, 1967
pour quatre orchestres identiques et bandes magnétiques.

"Jonchaies"[65] mobilise cent neuf musiciens, les instruments à vent par quatre, clarinettes et cors par six, les cordes étant soixante-dix afin de faire face à la masse des vents et percussions, restant ainsi parfaitement audibles. Xenakis y explore l'oscillation des timbres orchestraux, à la suite des investigations menées dans "La Légende d'Eer" :

../files/articles/highvolume/xenakis_jonchaies.jpg« De "Metastasis" à "Jonchaies" : c'est la même libération des forces primitives du son, le même désordre suprêmement ordonné, les mêmes mouvements de masses en évolution, le même scintillement complexe mais évident, la même rugosité, la même violence d'une nature plus naturelle d'être réinventée dans son essence par le calcul conjugué à l'instinct. » — (Maurice Fleuret, In Le Nouvel Observateur, Lundi 5 décembre 1977, p.102)[66]

Déjà quelques années auparavant le même Maurice Fleuret décrivait justement :
« [...] Les notions si nouvelles en composition de densité, de degré d'ordre, de vitesse de changement qui caractérisent cette musique de masses sonores en mouvement qui s'oppose alors au discours linéaire, d'essence mélodique, qui a prévalu depuis toujours et y compris dans le système éminemment polyphonique du dodécaphonisme sériel [...] Il préconise une indépendance absolue des sons les uns par rapport aux autres, l'abolition de toute préséance de la hauteur sur les autres composantes du son, la conception et le contrôle par le calcul de tout effet macroscopique. » — (Maurice Fleuret, In Le Nouvel Observateur, Lundi 3 juin 1974, p. 74)[67]

La même année que le décret européen de 2008, c'est l'Orchestre symphonique de la Radio bavaroise qui refusait d'assurer la création de l'œuvre "Halat Hisar", pour flûte basse, piano préparé et orchestre symphonique, du compositeur israélo-suédois Dror Feiler en raison de son "déchaînement de décibels"[68]. Les instrumentistes de l'orchestre se plaignant de maux de tête et de troubles de l'audition lors des répétitions ont tenté de porter des casques pour continuer de répéter et jouer cette œuvre afin de se protéger des intensités atteignant 130 dB dans certains passages. Le compositeur a commenté en affirmant que son œuvre n'avait pas un volume sonore supérieur à certaines compositions de Wagner ou Chostakovitch. La création de "Halat Hisar" fût donc annulée et reportée au 2 octobre 2009.

« Un des premiers commentaires faits sur ma musique a été rédigé par Louis Andriessen, et lui aussi il aime bien que cela joue fort ! J'aime bien jouer fort, mais je ne demande aux autres de faire la même chose. Cela a à voir avec notre manière d'écouter. Nous en tant que musiciens nous comparons toujours les choses entre elles, en un certain sens nous sommes les pires auditeurs, nous avons toujours quelque chose à dire lorsque nous écoutons une musique, "Ah oui, cela me fait penser à...". Mais si je joue vraiment fort cela vous prend vraiment, vous arrêtez de penser, d'analyser, de comparer et vous écoutez vraiment. Il y a une telle atmosphère viciée dans la nouvelle musique, et c'est pourquoi j'ai toujours été attiré par l'improvisation. Derek Bailey, Anthony Braxton, Evan Parker, tous ces musiciens que j'admire. L'improvisation libre crée une intensité spécifique, quelque chose de brûlant et de fondu comme de la lave. J'utilise l'écriture et les partitions pour atteindre cette même intensité mais par un autre chemin. » — (Dror Feiler, Entretiens avec Ivan Hewett, 2008.)[69]

« Ma musique est un flux de sons, de bruits, de tensions et de forces, elle se développe à un point où elle va au-delà d'elle-même. Les vitesses à laquelle les sons se succèdent et la densité créée par leur superposition sont tellement énormes qu'une sorte de surcharge émerge qui transcende l'excitation de l'agitation générale, comme un film joué à une vitesse trop rapide. [...] La brutalité intuitive de ce métal en fusion emporte l'interprète dans l'énergie brûlante de l'improvisation. Ainsi une nouvelle musique naît, comme une nouvelle vitesse de la pensée et de la sensation dans laquelle l'intellect rejoint le "raver" invétéré. Nous éprouvons dans cette musique l'énergie née des mouvements rapides et expressifs des sons, des bruits, et des flux. La musique donne quelque chose de palpable et de physique aux auditeurs, ou au moins les incite à une forme d'action et d'éveil. La caractéristique la plus immédiatement audible de ma musique est sa bruyance, sa plongée dans le bruit. Abrasive, forte, puissante, rapide. [...] Ma musique est du bruit, du bruit en tant que tel, c'est-à-dire du bruit qui, dans ce sens, n'est pas comme des sons amassés au hasard naturellement, le bruit de fond qui empiète et pénètre comme dans "4'33" de John Cage dont le public est forcé d'écouter les tergiversations à cause du piano muet, ou comme les paysages sonores urbains qui émergent au travers d'une fenêtre ouverte. C'est du bruit qui est toujours impur, contaminé, non conventionnel, dans le sens romantique du terme. [...] Cette rudesse extrême dans la musique est une tentative de modifier la manière dont nous écoutons.
Le bruit, le noise, en tant que son sorti de son contexte, engage des tensions conflictuelles, affectives et transformatrices. Il a une puissance d'impact qui défamiliarise l'auditeur de ce qu'il attend du plaisir facile d'une musique, d'une familiarité qui sécurise (même si celle-ci est "moderne"), ou de toute sorte d'apaisement. Le bruit, c'est ce qui politise notre environnement aural. [...] La musique exige une écoute active et concentrée, une attention très aiguisée à la multiplicité simultanée des mouvements, des forces et des tensions, elle exige aussi de renoncer aux béquilles habituelles de l'écoute qui sait toujours à quoi s'attendre, et demande une perception intensive de l'unique, du particulier et de l'ensemble. Plus la musique donne aux auditeurs, moins elle leur offre quelque chose. Elle exige spontanément de l'auditeur de composer son mouvement intérieur et exige de lui non pas une simple contemplation mais une praxis. »
(Dror Feiler, "About my music and noise", 1998.)[70]

HALAT HISAR, Dror Feiler, 2008
Music for bass flute, prepared piano, and symphonic orchestra
Performed the 2 October 2009 by the Bayerische Rundfunk Orchestra, München
Carin Levine, bass flute, Jan Philip Schulze, piano
video documentary about Halat Hisar by Dror Feiler


OUSIA, Dror Feiler, 2008
solo pour basscomputer par Kasper T. Toeplitz
http://www.youtube.com/embed/f41oer71tiY ou visionner la vidéo sur cette page


solo, Dror Feiler, 2013
sons électroniques et instruments
^*matik-matik^*, Bogota
http://www.youtube.com/embed/uzp6W2AijqQ ou visionner la vidéo sur cette page



Il ne faut pas oublier que la sensation et la perception d'une intensité sonore élevée, et donc d'une pression acoustique importante, outre sa constitution en plusieurs facteurs (amplitude, registre, durée), provient du résultat de combinaisons : combinaisons d'une source sonore (ou de plusieurs sources sonores) avec des propriétés de l'acoustique de l'espace d'écoute et avec les dispositions du corps du récepteur (l'auditeur). Par exemple, le caractère de gêne est situationnelle par rapport à ce que nous évaluons comme "bruit" (dans le sens négatif du terme) et induit une réalité complexe : le niveau sonore d'une cascade ou des chutes du Niagara peut friser les 130 dB, l'échappement trafiqué d'un véhicule à moteur peut réveiller plusieurs milliers de personnes dans une ville[71], la puissance d'une cloche (d'église) lui permet d'être entendue à plusieurs kilomètres (tout comme les amplifications des minarets[72]), un instrument joué dans un appartement peut irriter le voisinage, la conduction d'un son vibrant ou d'impact émanant d'une machine par des structures (murs, planchers, plafonds, etc.) peut se propager à des distances qui dépassent la simple proximité, etc. Du côté des instruments, certains engagent une puissance sonore impressionnante qui conduit à une richesse spectrale sonore, particularité qui leur est propre : Le gong ou tam-tam, par exemple, possède une vibration de très longue durée et peut émettre un son d'une puissance considérable :

Selon la règle de l'atténuation et de l'absorption sonore, les sons les plus graves portent le plus loin (et sont moins directionnels que les sons aigus). De même les infra- et les ultra-sons non perceptibles à l'oreille, donc ne causant pas une gêne acoustique du fait de leur intensité, créent une perturbation majeure sur l'audition (sur le comportement). Par ailleurs, la recherche du silence a aussi sa complexité : des expériences à la NASA ont démontré qu'une personne ne peut passer plus de quelques dizaines de minutes dans un milieu totalement silencieux, sans être sujette à des vertiges et des sensations d'oppression qui sont vite intolérables[73]. Ainsi notre disposition dans un espace sonore ou une "ambiance" recherche des sensations d'espace (ce que nous mettons sous les termes de modulation de l'écoute, de filtrage, etc. présents dans la perception, la discrémination et la sélection des sons dans un environnement).

De la sorte, au-delà de la mesure acoustique (dB) de l'intensité sonore (qui a son rôle bien entendu dans la préservation de l'intégrité physiologique et psychologique de l'audition d'un auditeur, qui lorsque des limites sont atteintes et que l'exposition est constante, devient sujet à des perturbations qui jouent sur la tension artérielle et l'état d'anxiété, jusqu'à la détérioration de l'appareil auditif) — à l'aide de sonomètres, d'exposimètres —, c'est la perception psychoacoustique qui devient prépondérante dans la sensation sonore et musicale. Dans ce cas c'est l'intensité subjective, ou "sonie", qui semble la plus appropriée[74]. Ainsi des phénomènes actifs se mettent en place tels que l'adaptation et l'accommodation pour anticiper une fatigue auditive (qui induira une récupération et, dans les cas les plus sévères, de la diplacousie ou modification de la perception de la hauteur des sons, des acouphènes, de l'hyperacousie, etc.). Notre corps réagit continuellement aux excitations extérieures (mêmes les plus faibles) et à leurs variations, comme la dureté de certains sons impulsionnels et la sensation tactile des vibrations dans le registre grave et des basses fréquences.






Immersion, Bruit, Intensités(Edit)

(SONIC IMMERSION, NOISE, LOUDNESS)



« La musique a finalement décidé de se servir de ses oreilles, et non plus seulement de sa mémoire. »
(VARÈSE Edgar, 1963, In "Écrits", Paris : Bourgois, 1983)



« Contemporary noise music is often associated with extreme volume and distortion. »(PIEKUT Benjamin. "Experimentalism Otherwise: The New York Avant-Garde and Its Limits". 2012. p. 193.)
« La musique noise actuelle est le plus souvent associée aux volumes et distortions sonores extrêmes. »
« I believe that the use of noise to make music will continue and increase until we reach a music produced through the aid of electrical instruments that will make available for musical purposes any and all sounds that can be heard. »(CAGE John, "The Future of Music: Credo", 1937)
« Je crois que l'utilisation du bruit dans la musique va continuer et augmenter jusqu'à ce que nous atteignons une musique produite grâce à l'aide d'instruments électriques qui rendront disponibles à des fins musicales tous les sons qui peuvent être entendus. »



../files/articles/highvolume/theatreofeternal3.jpg LA MONTE YOUNG, THE THEATRE OF ETERNAL MUSIC
"THE TORTOISE, HIS DREAMS AND JOURNEYS", 1966 sessions


« (à propos d'une performance de La Monte Young) — [...] J'étais assailli et enveloppé par un bruit assourdissant et continu [qui entraîna] une condition physiologique particulière de mon corps. [...] Dans cet ensemble de sons assourdissants, dans ce continuum électronique exaspérant, dans ce magma de sons et de bruits suraigus qui pénétraient nos os et qui matraquaient nos tempes, [...] la durée devenue homogène de l'écoute, au travers de ses sons à un niveau sonore si élevé, avait pratiquement divisé mes sens les uns des autres [ce qui causa en retour la difficulté de structurer à nouveau l'intégrité de mon champ de perception]. Je me sentais comme isolé, comme cloué au sol, l'écoute se faisant à présent à partir de l'intérieur de mon corps et non plus seulement par l'aide de mes oreilles. [...] »
« [...] [Concerning a performance by La Monte Young ] — After climbing the last staircase [into a downtown New York City loft], I was assaulted and enveloped by a continuous deafening noise [that caused] the physiological condition of my body. [...] In this sum of deafening sounds, in this exasperating electronic endlessness [continuum], in this mix of high-pitched noise and sound that penetrated one's bones and pummeled one's temples, [...] the homogenization of the auditory time, through the presence of this sound at such a high volume, had practically split one of my senses aways from all the others [which in turn caused a difficult restructuring of the total perceptual field]. I felt isolated, as though nailed to the floor, the auditory reality now went "inside" my body, and didn't simply pass through my ears. . [...] » — (Oscar Masotta, "I Committed a Happening", In Listen Here, Now!: Argentine Art of the 1960's : Writings of the Avant-Garde, publié par Inés Katzenstein, p. 162 & pp. 195-196.)
[75]

« La performance semblait créer un espace d'écoute comprenant ses propres dimensions, volumes et profondeurs, au sein desquelles la musique évoluait. [...] Quand la performance s'arrêta, après deux heures sans arrêt de sons amplifiés à fort volume, une résonance aigüe persista dans le silence. C'était un signe d'un traumatisme à l'oreille, mais sa hauteur était étrangement précise comme si elle résultait d'une harmonique aigüe interne délivrée par l'écoute d'une soirée entière passée à écouter ces sons continus invariants produits par les instruments accordés spécifiquement selon les règles utilisées par La Monte Young, tout ceci apparaissant comme une "signature" unique de la part de ce compositeur. »
« The playing seemed to create an auditory space with its own dimension and depth, within which the music took place. [...] When the playing stopped, after two hours of continuous projection at high volume, a high-pitched ringing continued despite the silence. It was a sign of trauma to the ear, but its pitch was eerily precise, as if it were a high internal overtone created and reinforced by an evening of sounds all in the same musical mode, produced by instruments all tuned using La Monte Young's signature method.» — (Review/Music; ROTHSTEIN Edward, "La Monte Young Band Explores Sonic Space", (about The Forever Bad Blues Band performance at The Kitchen), Published: January 12, 1993, The New York Times)
[76]

THE TORTOISE, HIS DREAMS AND JOURNEYS, The Theatre of Eternal Music, La Monte Young, 1966.
Performed by The Theatre of Eternal Music: La Monte Young, Terry Riley, voices; Marian Zazeela, voice, light projection design; Tony Conrad, violin; Marvin Carpenter, David Hayes, Jim Kirker, projectionists; February 24, 25, 26, and 27, 1966, at Larry Poons’s The Four Heavens, 295 Church Street, New York, NY.





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écouter / listen Hurdy Hurry (Niblock, 1999)

écouter / listen Harm (Niblock, 2009)



PHILL NIBLOCK, "HURDY HURRY", 1999
"HARM", 2009


« [...] Si vous écoutez ces pièces à moyen ou faible volume, vous entendez l'instrument et vous n'entendez pas les motifs harmoniques. Mais si vous l'écoutez plus fort, les harmoniques deviennent vraiment présentes. Il y a une autre œuvre, qui est ma première pièce que j'ai réalisée en 1974 avec David Gibson au violoncelle [intitulée "3 to 7 - 196"] et qui est je pense une pièce maîtresse pour moi, et bien si vous l'écoutez très fort, vous entendez cet incroyable nuage d'harmoniques supérieures. Et le violoncelle disparaît. »
[77] »
« [...] If you play the pieces at a low to middling volume, you hear the instrument and you don’t hear the overtone patterns. But when you play it louder, the overtone patterns really become very prominent. There’s another piece, which is the first piece that I finished which I think is really a classic piece for me, made in ’74 with David Gibson on cello [untitled "3 to 7 - 196"]. When you play it really loud, you hear this incredible high cloud of overtones. And the cello disappears. » — (Phill Niblock, Interview, http://www.newmusicbox.org/articles/phill-niblock-connecting-the-dots/ )



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Rhys Chatham & Karole Armitage, "Drastic Classicism", 25 mars 1982, CAPC Bordeaux.

écouter / listen Drastic Classicism (Chatham)







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Glenn Branca, "Solo", Live at Jeffrey Lohn's loft, New York, 15 juin 1978.

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écouter / listen Solo (Branca)

écouter / listen Symphony 8 (Branca)



RHYS CHATHAM, "DRASTIC CLASSICISM", 1981


« [...] Parce qu'une bonne partie du mouvement mélodique dans "DRASTIC CLASSICISM" reposaient sur les harmoniques supérieures générées par les guitares électriques, et parce que ces harmoniques étaient plutôt d'un niveau faible, les musiciens de mon ensemble avaient tendance à mettre à fond leurs amplis jusqu'à des niveaux extrêmement élevés afin de renforcer l'amplitude de ces harmoniques placées haut dans le registre sonore. »
« [...] Because a good deal of the melodic movement in DRASTIC CLASSICISM rested with the higher overtones generated by the electric guitars, and because these overtones are rather soft, the musicians in my ensemble tended to turn their guitar amplifiers up to obscenely high levels of sound in order to reinforce the amplitude of the higher harmonics. » — (Rhys Chatham, Interview, 1996)
[78]

« J'étais [à l'époque] un minimaliste furieux et j'expérimentais avec des sons intenses à fort volume, ce qui est un des facteurs qui a contribué à ma déficience sévère en vitamine B et a conduit à une perte partielle d'audition et de ma mémoire à court terme, ce qui fait aussi que je compose principalement des œuvres basées que sur un seul accord. Et je n'entends rien sans niveau sonore élevé, niveau avec lequel je joue actuellement. Je n'utilise pas un tel niveau sonore pour agresser le public, mais seulement afin d'entendre ce que je joue. »
« I was a hard-core minimalist and was experimenting with extremely high levels of pure sound, which was of course one of the factors that contributed to my massive vitamin B deficiency, which lead to the partial loss of my short term memory and damage to my hearing, which is also why I compose things that are, basically, one chord. It would be very difficult for me to play things that consisted of more than a single chord. And I wouldn't hear ANYTHING without the volume levels I currently play at. I never created the levels of loudness that I perform with to assault people; I created them in order to hear myself play. » — (Rhys Chatham, Ibid.)





GLENN BRANCA


« UN ACCORD PARFAIT QUAND IL EST JOUÉ PAR UN INSTRUMENT FORT AMPLIFIÉ PEUT PRESQUE DEVENIR UN « CLUSTER » UN CLUSTER EST DU BRUIT BLANC PUR - IL N'Y A PAS DE PLACE POUR AUTRE CHOSE.» (BRANCA GLENN, INTERVIEW)
[79]

DRASTIC CLASSICISM, Rhys Chatham, 1980-1982
pour quatre guitares électriques accordées en intonation juste, une guitare basse et percussions (batterie)

SYMPHONY 1 (TONAL PLEXUS) - MVT 1, Glenn Branca, 1983





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Merzbow (Masami Akita)

« Au Japon, le public des performances "noise" est assez ordinaire. Je pense que la plupart sont des salariés de classe moyenne. Plus récemment, le public s'est rajeuni, rejoint par le public de la musique "underground". Au tout début, les réactions étaient inexistantes. Le public pensait simplement que cette musique était trop complexe et trop forte. Maintenant, plus de gens comprennent ce type de musique. Certains d'entre eux disent qu'ils entrent en transe en écoutant. C'est une des meilleures manières pour comprendre Merzbow. » — (AKITA Masami, interview, In EsoTerra #8, 1999)[80]

CANNIBALISM OF A MACHINE, Merzbow, 2008





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Keiji Haino

Écouter / Listen — Improvisation Keiji Haino, Sonic Protest 2012

Écouter / Listen — "Sinfonia", Keiji Haino et Zeitkrazer, Donaufestival 2006

I SAID THIS IS THE SOUND OF NIHILISM (excerpt), Keiji Haino, 1995



HIJOKAIDAN (excerpt), live, 1982

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  MASONNA (excerpt), live, 1993, 1994

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  PAIN JERK (excerpt), live, 2012

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MERZBOW (excerpt), live, 2012

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  THE INCAPACITANTS (excerpt), live, 2010

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  THE HATERS (excerpt), live, 2009, 2011

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Dans le cas du noise et de la musique électronique conçue comme harsh noise, la nécessité du niveau sonore élevé se combine avec l'utilisation de sons saturés électroniques et traités, la construction de matières sonores et musicales qui jouent sur la pression acoustique, la complexité des sons et l'improvisation pour jouer le présent de sons : la musique comme matière, œuvre musicale jouée dans l'instant comme une expérience unique d'espace et d'écoute.

La contradiction de visions est souvent amenée concernant l'effet d'agression sonore et de prise en otage d'auditeurs dans un maelström sonore, et cette contradiction se trouve fondée sur une construction culturelle de l'écoute.

  • le lieu d'écoute, la salle de concert, le rendez-vous collectif à un concert, a imposé au fur et à mesure des règles sociales : l'auditeur a été maîtrisé dans une position d'écoute, la plus souvent frontale, qui régule un collectif dans un moment esthétique de la réception d'une œuvre musicale. Chaque auditeur est placé et se tient dans une position qui ne gêne pas les autres auditeurs. Il est tenu d'assister à l'intégralité d'une œuvre qui est jouée mais si cela peut lui sembler déplaisant esthétiquement (comme, par exemple, ne pas trouver d'intérêt dans l'écoute d'une œuvre)
  • les salles nouvelles et les configurations d'écoute récentes proposent des espaces d'écoute dans lesquels l'auditeur peut être mobile et jouer avec les effets acoustiques de vibrations et d'oscillations sonores, et jouer sur des réglages de volume sonore selon la distance à la source (ou aux sources), et peut ainsi s'éloigner voire quitter la salle pour y revenir plus tard par exemple pour régler et moduler son écoute.
  • la notion d'agression est souvent associée à celle du niveau sonore et donc, aussi, comme nous l'avons vu plus haut, de sa mesure objective en nombre de décibels. Pourtant un concert de musique "rock" par exemple (guitares électriques) est souvent plus fort (110dB) qu'un concert de musique expérimentale bruitiste dont l'ingénieur du son s'applique la règle de non-dépassement de 105dB.

Cette question du niveau sonore fait débat.

Il ne s'agit pas du niveau sonore élevé utilisé dans la sonorisation d'une musique qui peut s'écouter par ailleurs à un niveau sonore domestique, c'est-à-dire des musiques dites "amplifiées", même si l'amplification amène un surcroît de sensation physique sonore — exceptés sans doute les sound-systems des raves et free-parties avec les murs de haut-parleurs, qui peuvent rejoindre cette interrogation sur la puissance sonore dans la musique engagée dans une désorientation de notre capacité analytique propre à l'écoute assagie ; mais dans ce cas nous pouvons remarquer qu'il s'agit aussi de l' écoute d'une musique qui peut se répliquer et être reproduite avec un autre système et à une puissance moindre. Le cas le plus intéressant reste celui de l'expérience physique sonore impliquée dans l'écoute et inhérente à l'existence de la musique même, c'est-à-dire dont le niveau élevé est constitutif.

Il ne s'agit pas non plus d'un exercice de domestication du "noise", du bruit. Une assertion est de dire qu'à partir du moment que la musique noise met en action le bruit, il se trouve domestiqué et la notion de bruit retourne dans son inconnu. Pourtant les variabilités de l'incontrôlable du bruit et de ses composantes amènent en effet le musicien dans une pratique du contrôle afin que le son reste dans les limites de l'audible et de l'écoutable. Cette pratique du contrôle définit la pratique musicale, sinon elle ne serait qu'un usage échappatoire, un geste gratuit de perturbation et de désordre du présent (jusqu'à l'endolorir).

X-TRAITS, de Christophe Havard. Mars 2004.
Œuvre évolutive jouée sur saxophone soprano en acoustique et utilisant les phénomènes d'artefacts infra-basse générés par les variations suraigus. Musée des Beaux-Arts de Nantes. Organisé par le Pannonica. — Un "Si" à 4000Hz joué sur une durée longue, env. 30mn dans une salle noire.
Pourtant situé dans le registre de prédilection "medium" de l'audition, un 4000Hz en continu et à (pas trop) fort volume sonore, est perçu dans cette œuvre comme très perturbant à l'écoute, et sans doute plus perturbant que les masses sonores pressurisées et complexes jouées à un niveau extrême par le trio pizMO.
(voir plus bas le descriptif de cette œuvre)

Le niveau sonore élevé est perçu comme perturbant car nous adoptons culturellement une écoute intellectuelle et analytique ou qui s'est intellectualisée. Ainsi la musique s'est assagie — (voir plus haut la partie historique) — et les niveaux sonores se sont stabilisés dans une "moyenne", qui se trouve acceptable pour non plus constituer la musique mais l'expressivité discursive qui la soutient et la structure. Culturellement si l'auditeur ne comprend pas la structure musicale il échappe à cette musique — (nous parlons ici de la musique écrite dans la musique occidentale) —. Toutefois la musique occidentale reste ambivalente : à la fois textuelle (et préconçue), et expérientielle (basée sur l'expérience sonore de son écoute).

« La musique, présence sonore, tient tout entière dans l'actualité superficielle de l'audition, autrement dit dans la phénoménalité de son apparence sensible. [...] Ce phénomène de surface n'est pourtant pas étranger à toute profondeur [dans le fait qu'une telle musique] accumule dans ses [sons], à l'état d'implication réciproque, un nombre infini de virtualités. [...] En fait la sonorité physique est déjà chose mentale, phénomène immédiatement spirituel [...]. » (JANKÉLÉVITCH Vladimir, "La Musique et l'Ineffable", [1961], Paris : Éditions du Seuil, 1983. p. 88 et p. 97.)

Certaines musiques au cours du XXème siècle ont tenté d'échapper plus ou moins à l'écoute analytique, et les références historiques sont rejointes aussi par les mouvements récents de la musique électronique :

  • par la distension dans le silence (Webern, jusqu'à Nono, Sciarrino, etc. ; lowercase sound & music)
  • par l'utilisation de sons bruités (Varèse, musique électronique, musique électroacoustique ; glitch, noise)
  • par l'imprévisibilité des organisations et des conduites de sons qui deviennent inattendus (Cage, Wolff ; improvisation libre)
  • par la durée longue qui fait échapper à une compréhension fermée (La Monte Young ; drone music)
  • par la répétition et les distorsions qui en résultent (Satie ; musique répétitive, power electronics)
  • par l'entrée du dehors dans la musique qui devient ainsi perméable et moins définie en tant que telle (musique électroacoustique ; field recording)

Dans ce sens, ce qui a commencé d'être exploré dans les musiques expérimentales des 50 dernières années, est séminal mais s'est retrouvé peu à peu ignoré : ces musiques n'ont plus été rejouées, leurs filiations s'effrangent, leur répertoire apparaît comme une singularité qui s'est épuisée et non pas comme un avenir et un faisceau de perspectives, etc. En fait, par le biais du niveau sonore élevé, il s'agit aujourd'hui de redéfinir et de réinsuffler l'expérimental dans la musique.

Pour ouvrir une alternative à la construction historique des représentations musicales basées sur l'expressivité, sur l'énonciation, sur l'intellectualisation de l'émotion, sur une écoute analytique, sur la maîtrise mesurée (demandée autant à l'auditeur(e) qu'à l'auteur(e)), etc., il s'agirait d'élaborer aussi une musique oscillatoire et vibratoire, fondée sur l'oscillation en prise avec les espaces (acoustiques, électroacoustiques, électroniques, réseautiques, etc.) et engageant notre corps dans une expérience inouïe avec l'environnement (expériences de filtrage, de brouillage, de masquage, de feedback, de distorsion, de déphasages, etc.). Ceci permet finalement de repositionner enfin dans la production musicale, l'écoute au centre : l'écoute immersive et physique.

Ainsi, former l'énergie et tendre et distendre les tensions et les équilibres sonores dans une musique du présent et de l'intensité sonore, rejoint une nécessité de vivre des expériences directes, et sans doute moins médiées et régulées sur des modèles (langages).

L'emploi de niveaux sonores élevés n'a pas pour objectif d'expulser l'auditeur mais au contraire de l'immerger, et qu'ainsi l'œuvre ne soit pas un lieu séparé et distancié. Il ne s'agit pas pour cette musique de faire fuir le public ou de faire mal, ou de l'exaspérer (quoique parfois les œuvres qui font fuir ou qui font polémique pour le public, valent leur pesant d'or). Il faudrait revenir sur la distinction que relève Vladimir Jankélévitch lorsqu'il distingue entre "violence destructrice" et "violence géniale"[81], cette dernière étant vue et éprouvée comme spontanée, fondatrice, inexpressive, et informe, "source de toutes les formes"[82]. Il ne s'agit pas d'une "anti-musique", et il serait intéressant de la comparer avec ce qui est nommé par les ethnomusicologues, la contremusique (ou rough music[83]) et son phénomène correspondant, le charivari, marquant une réprobation sociale par un tapage temporaire — (voir plus haut — et l'article correspondant qui sera rédigé dans quelques temps) : une musique (improvisée, spontanée) dans laquelle l'intervention du bruit est intentionnel, et comprenant des phénomènes sonores, intentionnellement structurés et assemblés, situés à la frontière des sons musicaux-vocaux et instrumentaux et des signaux bruyants (selon Claudie Marcel-Dubois)[84]. Même si l'origine, l'objectif, la stratégie, et la destination de telles productions sonores et musicales — charivaris, rough music, etc. tout autant que les musiques et événements de vacarme dans les cultures extra-européennes souvent liés à des manifestations de transe et de possession, etc., voire potentiellement leurs résonances dans les mouvements musicaux plus récents, punk, postpunk, musique industrielle, hardcore, grindcore, stoner, doom, etc. — sont bien différents, considérer leur manière d'occuper et de remplir l'espace sonore (pour le saturer) peut montrer que celles-ci participent également des expériences d'écoute physique dans une immersion sonore à forte voire extrême intensité. Nous pouvons aussi reconnaître certaines congruences dont notamment une organologie spécifique récurrente basée sur des instruments construits et fabriqués spécialement pour l'événement et sur des instruments détournés et "mésusés" (soit des objets rapportés, soit des instruments saturés) et dont l'objectif et le potentiel sont la capacité de ces instruments à produire des sons d'un fort niveau sonore, qui, ensemble, permettent de fabriquer un environnement sonore immersif.

La question de l'immersion sonore est primordiale dans la musique noise (et se différencie de la spatialisation musicale). Les conditions de l'expérience d'écoute nécessite la perception continue de la pression acoustique et d'être plongé à l'intérieur de la complexité sonore. De fait les musiciens performeurs et les auditeurs sont dans le même espace acoustique, dans les mêmes conditions d'écoute (il n'y a plus de scène, ni de façade, ni de retour de scène, ni d'appariteurs, ni de techniciens et d'ingénieurs son, etc. ), et ainsi dans une immersion commune. Ce n'est plus un espace d'énonciation (de représentation musicale) mais un espace d'immersion sonore et musicale ; de même, politiquement et socialement, il s'agit d'échapper à une certaine économie et industrie (plus d'éditeur, ni d'organisateur, ni de producteur, ni de consommateur, ni de gestionnaire, ni de prescripteur, etc.). Cet espace immersif est celui de l'écoute composée en direct (et non plus de celui de la réalisation sonore d'une composition musicale pré-conçue). Il s'agit d'un véritable espace de composition d'écoute.

D'autre formes et pratiques d'immersion se sont développées ces dernières décennies :

  • dans le domaine instrumental, notamment dans la proposition que l'instrumentiste fasse "corps" avec son instrument dans le cas du déploiement de techniques étendues de jeux (sur des composants de l'instrument non jouables préalablement dans la musique, sur des sons inusités, sur des manières de produire le son, des préparations spécifiques de l'instrument, voire sa décomposition et désarticulation, etc.), et notamment dans la musique mixte où est questionné le développement prothétique de l'augmentation de l'instrument, de son prolongement, ou de son organologie par la combinaison et l'imbrication avec des éléments électroacoustiques et électroniques (et informatiques), donnant un surcroît de spatialité et de spatialisation sonores et musicales ;
  • dans le domaine de l'écoute
    • avec l'écoute au casque, marquant une double immersion, celle individuelle et mobile, et celle de la navigation, puisque cette écoute est destinée à être mobile, dans les environnements et ambiances traversés, en laissant une certaine porosité entre les sons venant de l'extérieur et ceux écoutés au casque ;
    • avec le développement des systèmes personnels de diffusion (de type home cinema, 5:1, surround, multicanal, etc.) comprenant la simulation d'un environnement sonore comme en "situation réelle" par des effets de distribution spatiale, de spatialisation et de rendu sonore (sur l'ensemble du spectre sonore) jusqu'à des sensations tactiles sonores (par l'accroissement des registres de fréquences basses et infra-basses) — que l'on retrouve également dans le "tuning" des voitures.

L'immersion participe d'une entrée pleine dans le tissu et la matière sonores. Dans l'écoute habituelle, comme dans une salle de concert par exemple, c'est la frontalité qui définit le périmètre et la géométrie ; pourtant, c'est bien l'espace tout autour (la propagation multidimensionnelle du son et les réponses acoustiques) qui permet cette position. Ainsi nous préservons, nous semble-t-il, notre sphère d'écoute individuelle. Les sons parviennent jusqu'à nous (s'étendent) mais nous sommes dans une moyenne de la réception qui demande effectivement une discipline du silence pour bien et mieux entendre. Cette discipline est sociale (comme l'a démontré "4'33" de John Cage), mais dans ce cas, le silence n'est pas musical, il ne fait pas partie de la musique, il conditionne socialement l'écoute collective basée sur le respect mutuel et sur le cloisonnement nécessaire à la réception d'un "message" uniforme de la musique. Toutes nos salles sont construites sur ce principe et engendre des modèles musicaux (frontalités, spectacularité, effets spectatoriels, etc.) qui ne comprennent pas l'échappement et l'immersion sonores.

Elle provoque parallèlement une suspension et une entrée pleine dans l'imaginaire créé par l'écoute. La création de l'imaginaire dans l'écoute est liée à un laisser-porter et à un mode de flottaison et d'immersion sonores que l'on trouve rarement (ou plus du tout ; à part au cinéma et à l'écoute de la radio) dans la société qui s'est pourtant de plus en plus musicalisée — ce type d'immersion collective est-il analogue à celui des immersions sensorielles (à visée spirituelle) des musiques vocales et polyphoniques prévues pour et jouées dans les acoustiques à grande échelle (églises) ? —. Néanmoins, l'emploi de niveaux sonores élevés semblent suspendre cette évasion imaginaire pour que l'auditeur soit de plain-pied dans la conscience de la sensation physique provoquée par les modulations et les pressions acoustiques. Moins qu'un effet de coupure (ne plus être en capacité d'analyser), il s'agirait plutôt d'un déplacement de l'attention.

L'immersion sonore participe donc d'une "syntonisation" des auditeurs et non plus, d'une part, d'un cloisonnement individualiste nécessaire pour analyser (lié à la compréhension discursive et langagière, etc.) que désigne les salles (chacun son fauteuil, la géométrie des positions et des angles d'écoutes, les hiérarchies de vision, etc.), ni, d'autre part, du rassemblement d'auditeurs sur une esplanade ou dans une salle ouverte pour prendre plaisir à la reproduction et à la répétition sur scène de musiques que nous écoutons déjà par ailleurs.
L'immersion crée de la participation et de la collaboration (lors d'une performance musicale) entre les auditeurs (entre eux) et entre les auditeurs et les interprètes-performeurs-compositeurs, et entre les performeurs. Cette participation et cette collaboration à l'immersion dans une musique "syntonisante" sont celles d'une expérience commune et collective musicale, non-reproductible, à chaque fois renouvelée. L'immersion dans le son à fort niveau ne se base pas sur l'exclusion et sur le rejet : exclure la faiblesse de l'auditeur craintif, exclure les comportements analytiques, etc. Il ne s'agit pas de diviser et de séparer. Cette expérience extrême dans la musique à niveau sonore élevé permet d'éclairer l'exception de nos expériences quotidiennes : elles sont en fin de compte toutes exceptionnelles et engagent notre expérience à tout moment du "présent" (à l'encontre de ce qui nous semble la banalité de nos activités, ou dont nous semblons être désappropriés, et qui peuvent nous apparaître réglées par d'autres et pour d'autres). La musique noise est expérientielle : elle se découvre par l'expérience que nous en faisons et que chacun en fait. Elle offre un maximum de liberté et de plongée (immersive) dans le monde[85]. C'est une musique par l'environnement, non pas dans le sens de paysage, mais de la compréhension de nos espaces (acoustiques, sonores) comme des environnements de sons qui s'étendent et dans lesquels nous modulons continuellement pour nous syntoniser à des intensités (voire à des émotions et à des perceptions inouïes).

Ainsi l'intensité sonore apparaît comme le registre le plus important à travailler aujourd'hui en tant que structure même de la musique, vue comme inexpressive (indépendante d'un texte, d'un langage ; en quelque sorte, insensée, informe, et pour suivre Jankélévitch, indicible et ineffable, indescriptible et inexprimable). La complexité de ce qui s'y joue et s'y anime autant en termes de production et de réception, au travers des amplitudes, des opacités et des transparences, des synchronicités et des déphasages, des précisions et explorations de masques et de filtres dans les amas sonores, qu'en termes d'appréhension et de perception de nos environnements sonores et des manières par lesquels nous en faisons l'expérience, que, finalement, en termes d'utopie musicale et sociale, ouvre un champ exploratoire illimité.



X-TRAITS, de Christophe Havard. Mars 2004.
Une expérience extrême du son, relatée par Christophe Havard.
« à l'aide d'un saxophone soprano, je produis une fréquence autour des 4000 Hz. Je fais osciller ce son (à une fréquence et une amplitude variable) qui selon l'espace avec lequel elle interagit, produit à nouveau d'autres sons (résultantes), que j'identifierais comme des "low-mass" pouvant se déplacer, disparaître, réapparaître, se tordre, se pitcher... Bref, la richesse de cette pièce est bien évidemment ces surprenantes formes "low-mass" (ou de "faible masse"). La pièce est tendue, les sons produits sont extrêmes (un son aigu + un mouvement de low-mass physiquement présent et donc ressenti mais difficile à qualifier) et le tout est joué environ 30 minutes. Le son aigu, celui qui apparaît immédiatement, varie peu et est joué à une intensité forte. Néanmoins, je déplace fréquemment l'instrument dans l'espace, notamment pour créer des variations d'interaction avec celui-ci (ce qui a pour conséquence de faire varier les "low-masses"). Pour jouer cette pièce je dois maîtriser sur un temps long la production de sons suraigus, intégrer les respirations dans le flux (j'utilise quasiment pas la respiration continue parce que mes sinus sont la plupart du temps bouchés ;-) mais aussi parce que je dois serrer fort l'embouchure (jeu d'aller-retours entre un relatif relâchement et un serrage fort de façon à obtenir des oscillations de sons rapides et pouvant atteindre une amplitude de plus d'un 1/2 ton). C'est une pièce très "physique" mais qui me demande de contrôler calmement tous les paramètres, au risque de ne tenir que quelques minutes et surtout de ne pas jouer consciemment les variations des "low-masses". Les jeux de perception de cette pièce (psychoacoustiquement parlant) m'intéressent beaucoup. Le son aigu est fort, certes, mais sa puissance n'est pas comparable avec un son au spectre large diffusé à forte intensité. Les "low-masses" sont étonnantes car elles sont envahissantes, énigmatiques, et dessinent assez bien les contours de l'espace dans lequel elles sont emprisonnées, mais si on y prête pas trop attention voire si on les juge "mal", elles pourraient apparaître comme des phénomènes "par défaut", des artefacts indésirables.

Le contexte était celui d'une performance aux Musée desBeaux-Arts de Nantes, le 19 mars 2004, invité par François-Xavier Ruan alors directeur du Pannonica. Je ne me souviens plus du nom de la salle que j'ai choisie pour cette performance, elle correspondait à quelques critères que je m'étais fixés : éviter les espaces immenses car j'avais remarqué qu'au-delà d'une certaine dimension, la production des "low-masses" devenaient difficile à obtenir avec mon instrument. Je voulais aussi que l'espace soit un peu confiné, "intime", et de préférence vide pour privilégier la bonne propagation des ondes. La salle faisait environ 22m sur 8m et le plafond était haut, parfait ! Je pouvais obtenir le noir complet, autre critère important pour moi, car je suis toujours intéressé par l'écoute acousmatique et que ce noir complet pouvait accentuer cet aspect de "malaise" dont je vais bientôt parler.

Pour cette représentation, en plus de l'aspect purement sonore/musical, je voulais expérimenter deux autres choses: (1) la façon dont le public reçoit une oeuvre "extrême" et comment il se comporte face à celle-ci ; (2) et comment suite à la présentation d'une telle œuvre face à et avec un public, j'en fais l'analyse de façon absolument indépendante de tout commentaire extérieur.

(1) — Le public (30/40 personnes) s'est installé sans ma présence. Les chaises étaient serrées les unes des autres et disposées face et près du mur, excluant ainsi l'espace scénique frontal. Une fois le public installé, je suis rentré dans la salle, par la même porte que lui, donc derrière lui, et quasi simultanément j'ai éteint les lumières, fermé l'imposante porte et soufflé le son. Le public était comme pris au piège car les déplacements étaient rendus difficile par le noir, la disposition des chaises et les sons tourbillonnants brouillant ainsi la notion d'espace. Il a fallu un peu plus d'une vingtaine de minutes pour qu'une partie du public réagisse et décide de partir de la façon tout aussi extrême que je l'avais conditionné. Au début, quelques paroles du type "mais c'est scandaleux...", "qu'est-ce qu'on fait ici...", "on nous prend pour des idiots..." que j'entendais très bien puisque l'espace sonore était en grande partie "vierge", à part des masses, quelques infra-basses et un son aigu d'une épaisseur de 200 Hz maximum. Puis, les premières personnes se sont levées, provoquant ainsi un grand chambardement, elles m'ont insulté au passage, provoquant des réactions contraires chez l'autre partie du public, puis ont ouvert la porte, ce qui laissa rentrer la lumière du monde extérieur et libéra un peu de la tension qui régnait dans la salle, et sont finalement parties. Je peux évaluer la partie du public qui est parti de cette façon à 1/3. Évidemment j'étais préparé à ça, étant donné le dispositif que j'avais mis en place. D'ailleurs, ce n'était pas la première fois que je m'étais en place un dispositif qui plaçait le public dans une situation inhabituelle et parfois extrême — je préfère le terme inhabituel car une situation d'un nouveau type peut être vécue d'une manière extrême simplement parce qu'elle déplace les codes sociaux et culturels auxquels nous sommes habitués —. Je m'interroge encore sur ce qui a le plus fait réagir cette partie du public, est-ce le son et si oui lequel ? Le son aigu, le "low-mass" ? Les deux ? Et pourquoi ? Dans ce cas, c'est bien évidemment de psychoacoustique dont il est question, comment et avec quel bagage physiologique et culturel chacun d'entre nous perçoit un son. La réaction pouvait aussi être provoquée par la façon dont j'avais pensé la place du public (ne pas connaître "le programme", être enfermé dans le noir, serrés les uns contre les autres, percevoir la source sonore à l'arrière, ce qui est déterminant dans la fonction "primitive" de l'oreille) ce qui montre encore une fois à quel point la situation dite "de concert" ou "de spectacle" est formatée. Non seulement j'étais préparé à ces réactions hostiles mais secrètement je les espérais car pour moi elles témoignent d'une détermination, d'un certain courage et de liberté de pensée et d'agir pour manifester un acte individuel dans une situation où les règles sociales ne permettent pas d'agir aisément.

(2) — Avant la performance, isolé, je n'ai pas eu connaissance du public et j'ai peu rencontré les programmateurs. Je n'ai pas partagé sur le contenu de la performance à venir. L'étui de mon instrument était dans ma voiture car j'avais prévu, une fois la performance terminée, de partir directement, sans avoir aucun retour du public ni des programmateurs (Pannonica, Beaux-Arts) ni d'amis musiciens qui, je savais, devaient être là. Ce désir d'expérience est né de mon interrogation quant à la dépendance voire à ce besoin maladif qu'on parfois les artistes de recevoir des retours extérieurs. Personnellement je ne suis pas insensible à ces retours mais je les reçois avec un certain recul car je suis convaincu que le plus important retour est celui du regard de l'artiste lui-même, un regard qui, lorsqu'il est honnête, est sans compromission, libre à lui ensuite de la façon d'agir suite à cette analyse. C'est vrai qu'il est parfois bon de déléguer à d'autres le soin d'évaluer la pertinence et la qualité d'une œuvre mais parfois la familiarité que l'artiste peut avoir avec certains membres du public, des programmateurs, des experts ou collègues, va altérer une vision sincère et honnête au profit de retours souvent réconfortants. Suite à cette performance aux Musée des Beaux-Arts de Nantes, j'ai passé plusieurs jours à revivre la situation et à m'interroger sur ce que je venais de présenter. J'ai peu échangé sur ce qui s'est passé ce soir là, j'ai eu quelques retours, mais seulement les mois qui ont suivi et j'en reçois aujourd'hui encore.
Cette performance reste probablement l'une des plus instructives et des plus fortes que j'ai proposée en tant que musicien. »
— (Christophe Havard, 2013)


> Studies > early works of "noise" music > œuvres racines de la musique noise







Musiques à intensités (Ethnomusicologie)(Edit)

(MUSIC WITH LOUDNESS — ETHNOMUSICOLOGY, POPULAR MUSIC STUDIES, FOLK MUSIC STUDIES)




(Cette partie sera développée ultérieurement dans un article dans la série des Œuvres Racines de la Musique Noise)

Les musiques d'autres cultures nous semblent d'emblée troublantes car, outre les approches du son, des instruments, des durées, des orchestrations, des coordinations et des articulations, des attaques, des mélismes et des mélodies, etc. qui nous apparaissent bien entendu étonnantes et différentes, nous remarquons aussi que les niveaux sonores sont généralement bien plus élevés que dans les conventions de la musique occidentale. Cela crée un réflexe d'auditeur : sentir d'être en face d'une musique qui nous propose une énigme.

Cependant nous pouvons noter que cette remarque sur les volumes et les amplitudes sonores peut s'appliquer aussi aux musiques traditionnelles européennes et occidentales. Le fait que la plupart de ces musiques et ces événements sonores soit prévue pour être en plein air et "de champ libre", en plus d'être collective et réalisée à plusieurs, joue bien sûr un rôle sur ce point. Mais elles ne le sont pas toutes. Certaines d'entre elles sont aussi et à la fois des musiques d'intérieur, des musiques solistes et des musiques d'ensemble. Elles engagent certainement toutes des manières de collaborer avec l'environnement et avec leurs contextes environnementaux sonores (en laissant la prise à toute intervention et à tout son externe, et en laissant les imprégnations s'effectuer). L'isolation sonore que nous connaissons avec nos salles ne semble pas opérante dans ces musiques. Elles semblent aisément déplaçables d'un lieu à un autre, et s'adapter ou s'imposer à une ambiance, voire s'aménager rapidement en un endroit qui accueille ainsi l'occasion de "musiquer".

Le but n'est pas de s'attacher au "traditionnel" de ces musiques, les démarquant ainsi de leur "actualité" et les ramenant vers ce qui serait chez elles immuable, mais plutôt de creuser et d'explorer leurs aspects "vivants", leurs dynamiques et leurs incorporations des corps participants et actants, car ce sont tout d'abord des musiques vivantes toutes aussi actuelles que les musiques les plus contemporaines de nos sociétés. Il y a sans doute autant de "traditionnel" dans les nôtres que dans ces musiques, dans le sens que nos musiques s'appuient aussi sur des transmissions de codes et de gestes et sur des axes qui définissent des antériorités et des continuités — seules les datations sont différentes sans que les comparaisons des antériorités entre les musiques soient un critère : il n'y a pas plus de musiques premières (qui induiraient des "dernières"), que de primitives (conçues inférieures à celles vues comme élaborées), etc. —.

L'intérêt serait d'y discerner (autant dans les musiques d'autres peuples que dans les nôtres) leur "autochtonie", c'est-à-dire leur occupation, leur collaboration et leur dynamique constituante de et avec leur propre environnement.

Ces musiques d'ailleurs ne sont pas a priori définies telles quelles en tant que "musiques" (pas plus qu'elles ne sont obligatoirement fonctionnelles et utilitaires ; et où d'ailleurs le concept d'auteur unique n'est pas un principe) dans le sens où nous entendons la musique comme un acte et un événement séparés (de la vie ordinaire), à forte identité symbolique, pour privilégier une expérience esthétique et sociale commune. Aussi ces musiques ne positionnent pas forcément des auditeurs et des spectateurs, même si elles ont et peuvent avoir un caractère symbolique proéminent. La position d'auditeur que nous adoptons, et qui peut biaiser notre rapport à elles, résulte du fait que nous y accédons beaucoup par des entrées documentaires (des enregistrements, comme ceux listés ci-dessous) ou par des concerts organisés pour des audiences : nous n'y sommes jamais participants de plain-pied, et nous ne sommes pas présents dans l'environnement dans lequel elles s'animent.

Elles semblent être constituées de telle manière qu'elles paraissent n'être pas saisissables "hors son", hors de leur réalisation sonore afin d'en faire l'expérience pleine, (ou beaucoup moins que dans nos musiques dont l'histoire s'appuie sur une "science" de l'écriture et sur sa valorisation — Selon ÉLOY Jean-Claude, "L"Autre Versant des Sons (Vers des nouvelles frontières des territoires de la musique ?", In "La Musique et Le Monde", Internationale de L'Imaginaire, n°4, Paris : Éd. Babel (n° 162), Maison des Cultures du Monde, 1995, p. 205. —), ce qui n'exclut pas qu'elles peuvent faire appel à des systèmes de notation, d'instructions, etc. Au-delà ou en-deçà de leurs aspects symboliques et expressifs, pour la plupart de ces musiques la substance musicale réside dans le son, dans ses résonances et dans ses impacts
Selon François Picard. Ce qui rejoint les énoncés d'Arnold Schoenberg (La musique parle dans sa propre langue de matières purement musicales) et d'Igor Stravinsky (Je considère la musique par essence impuissante à exprimer quoi que ce soit [...]. L’expression n’a jamais été la propriété immanente de la musique. La raison d’être de celle-ci n’est d’aucune façon conditionnée par celle-là. Si comme c’est presque toujours le cas, la musique paraît exprimer quelque chose, ce n’est qu’une illusion et non pas réalité.). — ,
ce qui ne veut pas induire que l'écoute (individuelle et collective) ne puisse pas impliquer et provoquer des émotions. Mais comme nous l'avons dit au tout début de cet article, il est intéressant de questionner et de savoir si, lorsque le son est amené à ses extrêmes (spectre, timbre, durée, intensité) et lorsqu'il est présenté et joué dans sa plénitude et sa propre organicité, est présente une coupure patente avec l'écoute analytique afin d'ouvrir une continuité avec l'écoute physique et conséquemment avec l'écoute que nous poursuivons de l'environnement tout en étant liée à notre position et situation dans celui-ci (la place et le mouvement du corps, le corps filtrant et récepteur d'étendues sonores, etc.). Si de telles musiques nous étonnent par leurs niveaux sonores et leurs amplitudes (la présence du crescendo généralisé dans la musique orientale — ÉLOY Jean-Claude, Op. cit., p. 201 & p. 208. — ), c'est sans doute à cause de leurs présences et effectuations dans des environnements et de leurs constitutions par eux (en collaboration, en distinction, en confrontation, etc.).

Selon François Picard,

« L’esthétique traditionnelle se trouve dans le son, donné par la nature et sculpté par l’homme, structurant le temps. » (PICARD, F. (2003). La musique chinoise. YOU-FENG, Paris, 2nd édition. p. 6.)

Ces musiques sont sans doute et en quelque sorte des événements et des reliefs dans une continuité sonore et dans un continuum de perceptions et d'activités : des activités humaines, des environnements sonores, des ambiances, des espaces, des lieux, des moments, des temporalités, etc. Il est possible aussi que les priorités de perception dans l'écoute peuvent différer, comme par exemple dans la culture japonaise :

« "[La] sensibilité [au timbre musical] est liée à la tendance qu’ont les Japonais à négliger les hauteurs absolues et les intervalles dans leur perception" [TOKUMARU, Y. (1991). "Le timbre dans la musique japonaise". In "Le timbre, métaphore pour la composition", I.R.C.A.M., Paris : Éd. Bourgois, 1991, p. 90.]. Elle est probablement également en lien avec la nature de leur langue orale qui repose sur de subtiles variations sonores. La tendance qu’ont les Japonais à négliger les hauteurs se retrouve dans la façon d’entendre les sons non musicaux. Les Japonais représentent par exemple les cris des oiseaux et des insectes par des combinaisons de voyelles et de consonnes (et donc de timbres, comme nous en avons discuté ci-dessus), et non des relations d’intervalles. » (BARTHET Mathieu, "De l'interprète à l'auditeur: une analyse acoustique et perceptive du timbre musical", Thèse de Doctorat en Acoustique, traitement du signal et informatique appliqués à la musique, sous la direction de Richard Kronlan-Martinet, Sølvi Ystad, Philippe Guillemain, Laboratoire de mécanique et d'acoustique (Marseille), Université de Provence, Aix-Marseille I, 2008. p. 14)
« [La qualité du son instrumental] est essentielle pour les Japonais qui attachent beaucoup d’importance à ses variations de timbres. L’oreille occidentale ne s’y accoutume pas facilement. On a même pu voir dans le son sec et raclé de l’instrument "l’antithèse des sons harmonieux généralement utilisés par la musique occidentale du XIXe siècle" (Cunningham). » (LANDY, P. (1996). "Musique du Japon". Les Traditions Musicales de l’Institut International d’Études Comparatives de la Musique. Buchet/Chastel, Paris., p. 124)

La notion de "crescendo généralisé" remarquée par Jean-Claude Éloy à propos des musiques orientales — ÉLOY Jean-Claude, Ibid. — sera vraiment intéressante à étudier de plus près. C'est-à-dire que dans ces musiques le crescendo ne touche pas seulement le niveau sonore mais aussi tous les composants du son et de la musique. Ainsi le temps de préparation et la durée des débuts propres à ces musiques font partie intégrante de la musique (comme l' alap dans les musiques de l'Inde) et correspondent autant aux contrôles des dynamiques que de tous les phénomènes acoustiques projetés dans le jeu et dans le déploiement musicaux : une sorte d'arraisonnement des énergies et des contenus potentiels. Ainsi nous pourrions avancer que dans les musiques "à fort volume" (comme la musique harsh noise), l'ensemble de la performance correspondrait à la ou à une "préparation" continue et improvisée, sans que l'on conçoive qu'il faille "préparer" l'auditeur, au début d'une performance par exemple par une montée évolutive du niveau sonore, et donc "viser" un climax (comme dans la plupart des musiques rituelles et expressives). Cette notion de "crescendo généralisé" permet également de rehausser celle de "continuum" en tant qu'alternative de la variation permanente qui est valorisée dans la musique occidentale.



Voici quelques exemples avant d'aller plus loin :

Ces exemples donnent un aperçu des musiques traditionnelles ayant un niveau sonore élevé (cérémonie, musique de transe et de possession, rituel, danse, etc.). Par la suite nous chercherons, afin de poursuivre notre propos, des musiques à niveau sonore extrême. Si vous avez des suggestions...
Pour l'instant, cette liste n'est vraiment qu'une première approche.






Bali : Sang Hyang Dedar
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Tibet : Cham
La danse "cham" (en Tibetain et en Dzongkha: འཆམ་; Wylie: 'cham),aussi appelée "tscham" ou "chaam", est une danse masquée et costumée associé à certains formes du bouddhisme. Ainsi elle est jouée dans les festivals bouddhistes. Cette danse est accompagnée par des moines jouant des instruments traditionnels tibétains.
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— monastère Karsham

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— Rongbuk









Sénégal : N'DOEP
Cérémonie Lébou.
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— Yoff (Sénégal)









Espagne : Romper la hora
Le Vendredi Saint, à 0 heures, des centaines, voire des milliers de joueurs occasionnels de tambours et grosses caisses commencent un immense vacarme cérémoniel par cette pièce intitulée « Romper la hora », littéralement « rompre l’heure » et qui annonce le début du Vendredi Saint et de ses vacarmes.
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Écouter / Listen - un extrait (début à 9'48)
— Teruel









Inde du Sud : Periya Melam
« PERYA MĒLAM » (LITTÉRALEMENT, « BIG BAND ») EST UNE MUSIQUE TRADITIONNELLE CARNATIQUE COMPRENANT PLUSIEURS INSTRUMENTS : NĀGASWARAM (INSTRUMENT À VENT À DOUBLE ANCHE), TAVIL (TAMBOUR DOUBLE), TĀLAM (CYMBALE DOUBLE), SRUTI PETTI (AYANT LE RÔLE DE TAMPURA), ETC. LE « PERIYA MĒLAM » EST CENSÉ EMPÊCHER LES DIFFÉRENTS SONS CULTURELLEMENT DÉFINIS COMME INDÉSIRABLES EN LES ÉCRASANT EN JOUANT LA MUSIQUE EXTRÊMEMENT FORT.
Il en est de même pour le keṭṭi mēḷam. Tout en brisant de façon soudaine pulsation, rythme et mélodie en cours, le "keṭṭi mēḷam" exploite divers ressorts de l’intensité sonore : le joueur de hautbois enchaine avec rapidité de courtes phrases ascendantes : tonique, quinte, puis tonique supérieure appuyée par une série de battements à la seconde inférieure ; les joueurs de tambour, sans contrainte rythmique, frappent avec vigueur les peaux ; les fidèles entrechoquent vivement, voire violemment, leurs cymbales ; le sonneur de trompe resserre ses attaques.
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— Misra Jati Triputa Tala Mallari. Chidambaram Temple, 2003.


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— performance in a temple in Bangalore, India 2004.









Inde du Sud : Pūjā
Lors de la « pūjā »  [rituel d’offrande] du soir, le comportement de certains fidèles me rappelle celui des fidèles des temples où les dieux se soûlent et se repaissent de chair animale : ils bougent excessivement, se mettent à danser, crient parfois. La musique favorise ces débordements (tumultes). Le fait que les productions culturelles indiennes relèvent souvent d’une « esthétique de la saturation » a maintes fois été souligné, notamment via l'intensité : jouer plus fort, jouer tutti, monter dans l’aigu, etc.
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— Vazhappully Sree Rajarajeswari Temple Kerala.





Maghreb : Gnawa (gnaoua) - Lila Derdeba
Les Gnawa accordent une place centrale dans leurs rituels extatiques à la musique, pour appeler les génies et accompagner les états de possession. On est ainsi immédiatement plongé dans le caractère violent, voir assourdissant ("derdeba" signifie littéralement « grand bruit ») d’une polyrythmie complexe (changements brusques, accélérations soudaines…), assurée par les crotales métalliques "qaraqeb". Aussi l’intensité du volume sonore des instruments de percussions dans la "lila" est bien rendu par l’enregistrement, et l’auditeur est littéralement écrasé par le martèlement en staccato des "qaraqeb" (qui donnent la clé du code rythmique : des combinaisons complexes permettant le balancement et l’interpénétration entre le ternaire et le binaire).
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— Procession, Essaouira.


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— Maroc.





Corée : Mudang
RITUEL CHAMANIQUE UTILISANT LES INSTRUMENTS SUIVANTS : LE IDAKKA (TAMBOUR EN SABLIER), UN GONG DE DIMENSION MOYENNE, CYMBALES, UN INSTRUMENT À CORDES, FLÛTES ET AUTRES INSTRUMENTS À VENT, PETIT GONG. LES INSTRUMENTS À PERCUSSION SONT JOUÉS DE MANIÈRE FRÉNÉTIQUE AFIN DE PARTICIPER À AU RITUEL EXTATIQUE.
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Bali : Gamelan Gong Gedé
« GAMELAN GONG GEDÉ » SIGNIFIE « GAMELAN AVEC DE GRANDS GONGS » OU « GRAND GAMELAN ». IL EST NORMALEMENT JOUÉ PAR UN ENSEMBLE DE 40 MUSICIENS SUR DES MÉTALLOPHONES ET AÉROPHONES, DANS LE STYLE DE « KERAS DAN BERSAMA » : « JOUER FORT ET TOUS ENSEMBLE ». LE « GAMELAN GONG KEBYAR » UTILISE DES VARIATIONS PLUS EXPLOSIVES EN TEMPO ET EN DYNAMIQUE.
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— Temple Pura Kehen, Bangli, Bali, 1994.


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- Denpasar, Bali.









Bali : Gamelan Gong Kebyar


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— Paksi Neglayang


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— Temple Pura Kehen, Bangli, Bali, 1994.









Népal : Cérémonie bouddhique
Cérémonie au temple tibétain du Stupa Kathesimbhu, Tahiti Tole, Katmandou, Népal. Des moines bouddhistes récitent leurs mélopées accompagnés de cymbales, tambours, clochettes et trompes. D'UNE GRANDE BEAUTÉ, LES INSTRUMENTS À VENT ET À PERCUSSION, TOUJOURS EN NOMBRE PAIR, RENFORCENT LE CARACTÈRE DRAMATURGIQUE DES RITUELS ET CÉRÉMONIES DE PRIÈRES. LES APPELS SAISISSANTS DES GRANDES TROMPES EN BRONZE DUNG CHEN, QUI MESURENT UN PEU PLUS DE DEUX MÈTRES, INTRODUISENT LES LONGUES NOTES FILÉES DES HAUTBOIS GYALING OU DES DBANG DUNG, CES PETITES TROMPES DE CUIVRE DONT LA SONORITÉ RAPPELLE QU'ELLES ÉTAIENT AUTREFOIS FAÇONNÉES DANS DES FÉMURS HUMAINS (RKANG DUNG). TAMBOURS SUR CADRE NGA, CYMBALES, CLOCHES DRILBU OU PETITS TAMBOURS DAMARU MARQUENT LE TEMPS.



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— Stupa Kathesimbhu, Tahiti Tole, Katmandou, Népal.









Tibet: Cérémonie bouddhique


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— Monastère Dip Tse Chok Ling, Dharamsala.









Japon: Gagaku
LE GAGAKU EST UNE MUSIQUE DE COUR POUR INSTRUMENTS À PERCUSSIONS, À CORDES ET À VENT. LE RITUALISME DE CETTE MUSIQUE VA DE PAIR AVEC UN CERTAIN STATISME. CE PRINCIPE FONDAMENTAL DE L'ESTHÉTIQUE JAPONAISE ATTÉNUE LES CONTRASTES, EN CONTRÔLANT L'ENCHAÎNEMENT DES PHASES SUCCESSIVES, À LA FOIS AU NIVEAU DE LA VITESSE DE DÉROULEMENT, DE L'INTENSITÉ ET DE LA DENSITÉ SONORES, QUI DONNE À CHAQUE SON LA PUISSANCE D'UN IMPACT.
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Haïti: Rara
ORIGINAIRE D'HAÏTI, RARA EST UNE FORME DE FESTIVAL DE MUSIQUE UTILISÉ POUR DES DÉFILÉS DE RUE, GÉNÉRALEMENT AU COURS DE LA SEMAINE DE PÂQUES. LE RARA FAIT RÉFÉRENCE À UN RYTHME MUSICAL HAÏTIEN CARACTÉRISÉ PAR LA PRÉDOMINANCE DES PERCUSSIONS DU VAUDOU. SONT UTILISÉS DE NOMBREUX INSTRUMENTS : BAMBOU CYLINDRIQUE EN FORME DE TROMPETTES APPELÉ VAKSEN (QUI PEUT AUSSI ÊTRE FAITE DE TUYAUX EN MÉTAL), DES TAMBOURS, DES MARACAS, DES GÜIRAS OU GUIROS (UN INSTRUMENT À PERCUSSION), ET CLOCHES EN MÉTAL, AINSI QUE DE MÉTAUX À PARTIR D'OBJETS RECYCLÉS.
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— Petit Goave, Haïti









France: Bagad
DANS LES ENSEMBLES DE CORNEMUSES, PERCUSSIONS ET BOMBARDES (« BAGAD »), ALORS QUE LES CORNEMUSES ET LES BOMBARDES NE PEUVENT QUE JOUER À FORT VOLUME, LES PERCUSSIONS JOUENT SUR DES DYNAMIQUES DE L'EXTRÊME AU PLUS DOUX. LE SON DE LA BOMBARDE, TRÈS CARACTÉRISTIQUE, EST PARTICULIÈREMENT PUISSANT : LE NOMBRE DE DÉCIBEL POUR UN SEUL EXÉCUTANT POUVANT ATTEINDRE 105 À 110 DB À L'EMBOUCHURE, ET 95 À 100 DB ENTRE 2 ET 4 MÈTRES ; UN ENSEMBLE (UN BAGAD PAR EXEMPLE) CONTENANT BOMBARDES, CORNEMUSES ET CAISSES CLAIRES, PEUT DÉPASSER LES 110 DB.
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— Bagad Cap Caval


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— Bagad Kemper









Écosse: Drum Band
LES « PIPE BAND DRUM CORPS » SONT LES UNITÉS DE PERCUSSIONS ACCOMPAGNANT LES ENSEMBLES DE SONNEURS DE CORNEMUSES.
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— Strathclyde Police Pipe Band - Drum Salute


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— Boghall and Bathgate Caledonia Pipe Band Drum Corps


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— Boghall and Bathgate Caledonia Pipe Band Drum Corps









Thaïlande: Khène
LE KHÈNE EST UN GRAND ORGUE À BOUCHE D'ASIE DU SUD-EST AU SON PUISSANT. LE MODÈLE THAÏLANDAIS PEUT COMPRENDRE SEIZE TUYAUX DE BAMBOU DISPOSÉS EN DEUX RANGÉES DE HUIT, ET COMPRENANT CHACUN UNE ANCHE LIBRE EN CUIVRE SUR LE CÔTÉ. POUR OBTENIR UN SON CONTINU, L'AIR ENVOYÉ DANS LE RÉSERVOIR DOIT ÊTRE RÉGULÉ PAR UNE TECHNIQUE D'INSUFFLATION PARTICULIÈRE. DANS LA MESURE OÙ IL PEUT JOUER SIMULTANÉMENT DES ACCORDS ET UNE LIGNE MÉLODIQUE, LE KHÈNE PRODUIT UNE MUSIQUE POLYPHONIQUE. CHAQUE KHÈNE EST DIFFÉRENT ET DIFFÉREMMENT ACCORDÉ.
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— Khaen Ensemble, Chulalongkorn University at Singapore


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— Khène solo, Daeng toy









Oach (Roumanie) : ţîpuritură
Chant et tenue criée à tue-tête dans l’aigu. Chantée fortissimo à pleine voix et à l’octava bassa du violon, la partie vocale est cantonnée sur une plage de hauteurs extrêmement aiguë, qui contraint tout un chacun à forcer sa voix au-delà du vraisemblable.
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— Maria Tripon Ţipuritură de joc.


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— Maria Tripon Ţîpuritură oşenească.





Inde du Sud : sarvavãdyam
Le "sarvavãdyam" (littéralement : tous les instruments de musique) est un événement traditionnel dans les temples de l'Inde du Sud durant lequel l'on fait résonner simultanément tous les instruments. Une telle performance peut avoir une durée de 4 à 5h. (Alain Daniélou)



pas d'extrait







Ainsi que quelques exemples de musicalisation du quotidien (et de chants de travail, work songs et "working music"), en quelque sorte fabriquer des expériences esthétiques du quotidien en jouant de l'intensité sonore (et rythmique) d'activités journalières :




Scotland : waulking song
Chant de foulage (activité manuelle qui a lieu dans un fouloir pour dégraisser et feutrer la laine en resserrant les fils) chanté par Kate Nicolson et d'autres "fouleuses" durant le lavage du tweed.
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Écouter / Listen - un extrait
— A waulking song.
Réalisé par Peter Cooke pour L'University of Edimburgh, School o Scottish Studies. Enregistré à South Uist (Hébrides extérieures), 1970.


Écouter / Listen - un extrait
— Chant de foulage gaëlique à Galgael par Sgioba Luaidh.


Écouter / Listen - un extrait
— Waulking the Tweed / Fouler le tweed au Woolfest 2010.





Ghana : work song / Post office
Rythmes et chant accompagnant le timbrage des lettres.
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Écouter / Listen - un extrait
— Ghana post office.


Écouter / Listen - un extrait
— Post office workers at the University of Ghana whistling and using office equipment in a productive and musical way.







La libération du son intense — une expérience esthétique(Edit)

(FREEING INTENSE SOUND — AN AESTHETIC EXPERIENCE)



« 1. New Art must recognize the importance of restructuralizing the sensibility. — 2. The new art form that is required is one of "anti-art". [...] »
(BATTCOCK Gregory, "Anti-Art and Outlaw-Art", 1969)

« [...] ‘political art’ is a monstrous concept, and art by itself could never achieve this transformation, but it could free the perception and sensibility needed for the transformation. And, once a social change has occurred, art, Form of the imagination, could guide the construction of the new society. [...] The real, reality, is becoming the prospective domain of art, and art is becoming technique in a literal, ‘practical’ sense: making and remaking things rather than painting pictures; experimenting with the potential of words and sounds rather than writing poems or composing music.[...] »
(MARCUSE Herbert, "Art in the One-Dimensional Society", In Arts Magazine 41:7, May 1967)

(à rédiger, un chapitre à partir et au-delà d'Herbert Marcuse)






continue reading / lire la suite (video documents - XVIIIème-XXème)continue reading / lire la suite (video documents - 1980-2013)










  1. Formé en 2001 avec Dauby, Joy et Ottavi et actif jusqu'en 2004 ; Actif à nouveau depuis 2012, avec la sortie du cd pizMO BLST (Fibrr Records) et une série de performances depuis novembre 2012 ; Membres émanant et initiateurs de nombreux projets : NoEnsemble (Nantes, depuis 2013), Apo33 (Nantes), °SONE, Locus Sonus (depuis 2004), MXPRMNTL (Nantes, depuis 2013), etc.
  2. « Les sens sensibles et le sens sensé » et « mise en résonance » et « mise en évidence », selon Jean-Luc Nancy (NANCY Jean-Luc, "À l'Écoute", Paris : Éd. Galilée, 2002. pp. 14-15)
  3. Par exemple, entre écriture et perception.
  4. Reprenant ainsi une des caractéristiques développées par la musique électroacoustique, dans la musique drone (La Monte Young, etc.) et par la musique spectrale par la correspondance entre matière, développement et durée et l'utilisation de "continuums" : supprimer la succession de mouvements et de sections soutenue et soutenant une pré-détermination de la structure et de l'expression, supprimer les séquences crescendo/descrescendo relatives à la conduite de l'émotion (de l'auditeur et musicale). — http://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvement_(musique)
  5. Le masquage ou effet de masque se définit comme l'élévation du seuil d'audibilité d'une source sonore (la "cible") en présence d'une autre source (le "masque"). — NECCIARI T., SAVEL S., MEUNIER S, KRONLAND-MARTINET R., YSTAD S., "Masquage Auditif Temps-Fréquence avec des stimuli de forme Gaussienne", 10ème Congrès Français d'Acoustique, 12-16 avril 2010. Lorsqu'on entend simultanément deux sons purs de fréquences différentes, il arrive que l'un d'entre eux devienne inaudible. Cet effet de masque, qui peut être total ou partiel, dépend des intensités et fréquences relatives des deux sons appelés masqué et cible (ou masquant). L'effet de masque produit par des sons de basse fréquence suffisamment intenses sur les sons de fréquence plus élevée s'accompagne d'une gêne dans la localisation des bruits.
  6. Actions sur des sélections de fréquences dans un son.
  7. Effet produit en présence de 2 signaux légèrement décalés comportant en majeure partie des informations identiques.
  8. Complétant la saturation électrique qui est une transformation excessive par dégradation d'un signal.
  9. Dont l'évolution de chacun des constituants dépend en général de celle de plusieurs autres constituants, et ce de façon non proportionnelle ou non additive (non linéaire). Les systèmes dynamiques non linéaires sont par exemple nécessaires à la formation de structures spontanées dans la nature.
  10. Par la coexistence et l'idiorrythmie, selon les termes même de Roland Barthes.
  11. Selon le phénomène de Burton, les expériences de Békésy et la loi de Stevens.
  12. Mesure de l'intensité sonore.
  13. Mesure de l'intensité acoustique.
  14. « Les artifices du papier réglé finissent par déloger les réalités acoustiques. » — (JANKÉLÉVITCH Vladimir, "La Musique et l'Ineffable", [1961], Paris : Éditions du Seuil, 1983. p. 116.) — Par ailleurs Mathieu Barthet poursuit ce qui est remarqué par Célestin Deliège à propos de "l'écoute silencieuse" : "l’écoute a t-elle besoin du sonore ? [l']expérience montre que celui qui maîtrise suffisamment la lecture du langage musical peut très bien se passer du sonore. Bien entendu, il ne peut y avoir équivalence entre l’écoute réelle d’un phénomène sonore, et ce qu’il intitule “l’écoute silencieuse". Mais sur le plan théorique, une écoute silencieuse peut très bien être envisagée à un niveau cognitif. [...] Une des finalités des vibrations sonores qui nous parviennent est la stimulation du cortex auditif. Ne peut-on pas après tout exciter ces zones à partir d’autres modalités sensorielles, en l’occurrence, la vision, lors de la lecture d’une partition musicale ?" (In BARTHET Mathieu, "De l'interprète à l'auditeur: une analyse acoustique et perceptive du timbre musical", Thèse de Doctorat en Acoustique, traitement du signal et informatique appliqués à la musique, sous la direction de Richard Kronlan-Martinet, Sølvi Ystad, Philippe Guillemain, Laboratoire de mécanique et d'acoustique (Marseille), Université de Provence, Aix-Marseille I, 2008. pp. 20-21.) — http://tel.archives-ouvertes.fr/docs/00/41/82/96/PDF/TheseBarthet_VersionFinale.pdf
  15. « L’ensemble des interactions entre un organisme et l’environnement dans lequel il s’engage, et le résultat occasionné par celles-ci » (Dewey, "L’art comme expérience" [1934], in Œuvres, Pau, Publications de l’Université de Pau-Ferrago, 2006, p. 15)
  16. « What a recording produces is a separate phenomenon, something really much stranger than the playing itself, since what you hear on tape or disc is indeed the same playing, but divorced from its natural context. What is the importance of this natural context? The natural context provides a score which the players are unconsciously interpreting in their playing. Not a score that is explicitly articulated in the music and hence of no further interest to the listener as is generally the case in traditional music, but one that coexists inseparably with the music, standing side by side with it and sustaining it. » — (CARDEW Cornelius, "Towards an Ethic of Improvisation", In "Treatise Handbook", 1971, Edition Peters)
  17. Selon Eugène Minkowski, la syntonie désigne le principe qui nous permet de "vibrer à l'unisson avec l'ambiance" afin de ne pas causer de perte du contact vital (dynamique, sensoriel) avec la réalité — In MINKOWSKI Eugène, « La Schizophrénie - Psychopathologie des schizoïdes et des schizophrènes » [1927], (Nouvelle édition revue et augmentée)‎, Paris, Desclée de Brouwer, 1953 ; et aussi : In MINKOWSKI Eugène, « Le Temps Vécu : Études phénoménologiques et psychopathologiques » [1933], Delachaux ; PUF-Quadrige, 1995 —. Ce terme peut désigner aussi selon Alfred Schütz, dans « Making music together (Faire de la musique ensemble. Une étude des rapports sociaux) » — [1951], Sociétés n°1, Paris, Masson, 1984 —, le rapport entre les individus dans une expérience et une situation musicales vécues en commun. — http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsoc_0035-2969_1989_num_30_2_2599
  18. Toujours selon Eugène Minkowski, la schizoïdie, au contraire de la syntonie, désigne la faculté de "nous détacher de cette même ambiance". Elle procède de l'élan personnel, permet d'affirmer le moi, de donner sens et direction à l'avenir. — In « La Schizophrénie - Psychopathologie des schizoïdes et des schizophrènes » [1927], op. cit.
  19. Selon René Barthes — Barthes voudrait que l’on puisse avoir et préserver son propre rythme, comme l’enfant que la mère tient par la main ne violente pas en lui imposant une bonne marche, une marche normée, une « discipline » ? Comment se décentrer face à la norme, s'organiser individuellement, faire pour que ces forces qui suivent la tangente puissent vivre ensemble, communier ? Barthes (comme Deleuze, Guattari ou Foucault) cherchent à penser le groupe et l’individu, un groupe qui ne soit pas molaire mais moléculaire, qui ne soit pas une masse, mais un ensemble de singularités ou de lignes de forces. Le pouvoir imposerait avant tout un rythme, rythme de vie, rythme de temps, « la subtilité du pouvoir passe par la dysrythmie, l’hétérorythmie ». Le but est pour Barthes de découvrir la possibilité d’un style de vie, un art de vivre, médian où des groupements d’individus pourraient vivre ensemble sans exclure la possibilité d’une liberté individuelle qui ne les marginaliserait pas. L’idiorrythmie ne devrait donc pas nécessairement être considérée comme un repli sur soi, mais plutôt comme le fait de porter un regard particulier sur le monde. « Ce que le pouvoir impose avant tout, c’est un rythme (de toutes choses : de vie, de temps, de pensée, de discours). La demande d’idiorrythmie se fait toujours contre le pouvoir […], c’est le rythme souple, disponible, mobile, admettant un plus ou un moins, une imperfection, un supplément, un manque […] seul un sujet peut "retarder" le rythme, c’est-à-dire l’accomplir » — BARTHES René, « Comment Vivre Ensemble ? », Cours et séminaires au Collège de France, 1976-1977, Texte établi, annoté et présenté par Claude Coste, Collection "Traces Écrites", Paris : Seuil / IMEC (2002).
  20. Ambiophonie ou ambiphonie ou ambisonie. L'ambiophonie est la faculté de reproduire ou de créer des environnements sonores en 3 dimensions, selon des techniques particulières. Ces techniques ont été principalement développées à l'orée des années 80. Elles sont à l'origine du son surround et du multicanal 5.1 puis 7.1 en home-cinéma.
  21. « [...] À cause de son effet émotionnel immédiat, la musique a été classée aussi bien comme le plus bas comme le plus élevé des arts. [...] Et il n'est que d'observer certains enthousiastes de la musique d'un certain genre dans un concert pour constater qu'ils se livrent à une débauche d'émotions, à une libération d'inhibitions ordinaires et à la découverte d'un domaine où les excitations ont libre cours sans restriction aucune. [...] Ce que l'on dit en général du pouvoir d'un art de s'emparer d'un matériau naturel brut et de le transformer, par sélection et organisation, en un médium intensifié et concentré pour produire une expérience, s'applique à la musique avec une force particulière. [...] [La musique] conserve le pouvoir primitif du son de dénoter le contraste des forces qui attaquent et résistent et toutes les phases concomitantes du mouvement émotif. [...] Je ne peux m'empêcher de penser que la musique de par la nature même de son médium est brutalement organique : non pas, bien sûr, au sens où "brutal" signifie "bestial", mais au sens où l'on parle de faits bruts, à propos de ce qui est indéniable et sans échappatoire, parce qu'il est inévitable. » — (DEWEY John, "L'Art comme Expérience (Art as Experience)", [1934], coll. "Folio Essais", Paris : Éd. Gallimard, 2010)
  22. La topologie est une branche des mathématiques concernant l'étude des déformations spatiales par des transformations continues (sans arrachages ni recollement des structures). — Wikipedia.
  23. tous ensemble dans le même rythme.
  24. THIBAUD Jean-Paul, "Petite Archéologie de la Notion d'Ambiance", In revue Communication, 2012, n° 90, pp. 155-174.
  25. « La notion-clé est celle d'"écoréalité" des œuvres et des activités musicales. [...] C'est aussi celle d'une formation de l'œuvre déterminée au sein d'un écosystème anthropologique et culturel donné. Les mécanismes de l'écoformation sont étudiés par le musicologue relativement à deux questions au moins : (1) comment l'environnement anthropologique s'inscrit-il dans les œuvres musicales, quelles traces de cet environnement les œuvres conservent-elles, et sous quelles formes — problème de l'œuvre musicale considérée comme "fossile" de civilisation, ayant la faculté de renseigner le musicologue sur l'écoréalité anthropologique des œuvres, écoréalité sociale autant que de sensibilités et de problématiques historiques de la pensée — ?, (2) comment le musicologue peut-il reconstituer ou induire cette écoréalité passée des œuvres depuis la façon dont celles-ci en ont concrètement thématisé, inscrit, conservé les traces, lui qui vit dans une autre époque de l'histoire que les milieux producteurs de ces œuvres, et dont les sensibilités, les aspirations, les représentations du monde, l'axiologie, les modes de la pensée, les thématisations de la musique, sont différents — problème de l'induction d'une réalité de culture, que double le problème du dialogue interculturel, prenant ici la forme d'une dialogue interhistorique, dans d'autres cas la forme d'un dialogue interethnique — ? » (VECCHIONE Bernard, "La recherche musicologique aujourd'hui : questionnements, intersciences, métamusicologie", in Interfaces 21, (3-4), 1992, p. 288).
  26. En résonance avec la notion de "sculpture sociale" et de "concept élargi de l'art" de Joseph Beuys.
  27. GOULD, Glenn. 1983. "L'Enregistrement et ses Perspectives". In « Le Dernier Puritain – Écrits I ». Réunis, traduits et présentés par Bruno Monsaingeon. pp. 54-99. Paris : Fayard. Et aussi : "The Prospects of Recording". In High Fidelity Magazine, n° 16, April 1966.
  28. « Informal 'sound' has a power over our emotional responses that formal 'music' does not, in that it acts subliminally rather than on a cultural level. This is a possible definition of the area in which AMM is experimental. We are searching for sounds and for the responses that attach to them, rather than thinking them up, preparing them and producing them. The search is conducted in the medium of sound and the musician himself is at the heart of the experiment.» (CARDEW Cornelius, "Towards an Ethic of Improvisation", In "Treatise Handbook", 1971, Edition Peters)
  29. Liner notes, livret du disque Mathias Spahlinger, Ed. RZ 1005, Berlin 1990.
  30. Helmut Lachenmann, "Open Letter to Hans Werner Henze," transl. by Jeffrey Stadelman, in Perspectives of New Music (Vol. 35, No. 2), pp. 189-200 — Lettre écrite le 11 juin 1983 en réponse à la publication du livre de Henze — http://www.jstor.org/discover/10.2307/833650?uid=2&uid=4&sid=21102499251357http://www.highbeam.com/doc/1G1-54869047.html
  31. http://www.ems-network.org/ems09/papers/mountain.pdf
  32. et mentale, ainsi qu'économique, politique et sociale.
  33. les "Polytopes" (1967-1978) de Iannis Xenakis, "KugelAuditorium" (1970) de Karlheinz Stockhausen, "Prometeo" (1981-1985) de Luigi Nono, etc.
  34. les concerts dans la grotte de Jeïta (Stockhausen [1969], Bayle [1969]), "SternKlang (ParkMusik)" (1971) de Karlheinz Stockhausen, etc.
  35. Il semble que c'est la même raison qui a permis de construire l'atonalisme comme conquête des territoires non investis par la musique tonale accusée de n'utiliser que partiellement les domaines sonores.
  36. Henry Cowell, "Aeolian Harp" pour piano, 1923 — regarder la video ; Henry Cowell, "Banshee", pour piano, 1925 — regarder la video
  37. écouter — Les "Trickaufnahmen" ou enregistrements truqués étaient réalisés par des enregistrements successifs d'instruments (classiques) sur des disques et donnaient lieu ensuite à des montages / mixages à partir de ces enregistrements pour composer la musique.
  38. De 1948 à 1993 — écouterécouter
  39. Igor Stravinsky, Étude pour Pianola, 1917 — écouter
  40. Instruments construits sur des échelles microtonales — écouterécouter
  41. écouterhttp://www.paristransatlantic.com/magazine/interviews/barlow.html
  42. écouterécouter
  43. Clarence Barlow "Sinophony II", 1972, — écouter ; Peter Sinclair, "RoadMusic", 2010, — http://roadmusic.fr/
  44. Du 8 au 28 juillet 1987. "Taurhiphanie" est vu comme le dernier "Polytope" de Xenakis. Cette œuvre est une commande du Festival d'été à Montpellier et a été jouée dans les arènes d'Arles. Elle était prévue pour être "jouée" par un troupeau de taureaux équipés de micro-contacts captant les sons qui ensuite étaient traités en temps réel par l'UPIC, combinés à des enregistrements préalables et diffusés en direct sur haut-parleurs dans l'arène. — http://www.fonurgia.unito.it/andrea/stuff/xviiiCimProceedings.pdf — « Longtemps, fin juillet-mi-août a été pour moi le temps de me retrouver : famille, kayak, camping, nudité, soleil, mer. Temps de la purification de la tête et du corps. Mais cette année ce fut, le 13 juillet, Arles, ses arènes, ses taureaux et chevaux de Camargue, ajoutés à ma percussion jouée par mes amis de Strasbourg auxquels s'étaient joints Sylvio Gualda et son groupe de filles « Les Pléiades ». Cette Taurhiphanie fut une synthèse de mes rêves quant au passé archaïque méditerranéen. Les dieux, Baal, Apis, le Minotaure, Zeus se transformant en taureau pour enlever Europe, mais qui avait grandi avec la percussion assourdissante des Corybantes, les chevaux divins et parlants d'Achille... Bien sûr, des deux cents taureaux espérés, je n'en ai obtenu que 25 ! Un symbole, et encore sans voix ! Mais cette petitesse contemporaine fut corrigée par les quelques juments, venues avec leurs poulains et deux mâles, chez lesquelles beauté des ondulations, craintes et attractions érotiques se mêlaient, et qui, toutes effleurées par la grâce, se croisaient en une perfection inégalée des mouvements ; et ma musique avec cette participation animale devenait alors la Nature. À la musique « humaine » des percussionnistes, aux animaux, s'ajoutait la musique composée sur l'UPIC à l'aide d'ordinateurs. » — (Iannis Xenakis) — http://referentiel.nouvelobs.com/archives_pdf/OBS1185_19870724/OBS1185_19870724_074.pdf
  45. HÖLLER York, "La situation présente de la musique électronique" [1984], In Entretemps, Musique Contemporaine, Février 1988, n°6, Paris : Revue Entretemps, pp. 17-26.
  46. http://www.iannis-xenakis.org/fxe/ecrits/mus_form.html
  47. ceci est la toile de fond de ma recherche en PhD à l'Université Laval Québec et dont le sujet est "les Auditoriums Internet" traitant des questions des modifications de nos espaces d'écoute en fonction de la création musicale et en tant que situations d'expérience de nos environnements (ce que projette la partie création de la recherche à propos d'un auditorium Terre/Mars dont l'envergure des conditions extrêmes qui y sont posées permet de mieux analyser nos pratiques quotidienne d'écoute).
  48. dans le jeu des rapports de fréquences, des combinaisons de sons, et des interactions acoustiques et électroacoustiques, etc.
  49. FUSTIER Paul, "La Vielle à Roue dans la Musique Baroque Française", Thèse de Doctorat en Musicologie, Université Lumière-Lyon II, 2006, pp. 173-175 — http://theses.univ-lyon2.fr/documents/getpart.php?id=928&action=pdf ; (et, remarque supplémentaire, sans doute aussi pour justement les assagir et les rendre plus musicaux)
  50. Exemples : Erik Satie "Vexations" pour piano (1893), Erik Satie "Tango Perpétuel" (1914) tiré de la série "Sports et Divertissements" (sauf que l'aspect perpétuel est tronqué puisque dans la partition c'est le signe "Dal Segno" [Renvoi, qui indique une répétition] qui est utilisé et non pas un "Da Capo", mais il est possible d'interpréter la notation pour une répétition infinie puisqu'aucun signe "Fine" n'est présent ; Par contre une "Coda" est présente, donc il s'agit sans doute d'une répétition (une seule fois) depuis le début et de terminer sur la Coda) ; et dans le cas de musiques continues dont l'exécution est entretenue par des machines : John Cage "Organ²/ASLSP" pour orgue (1987) [sur une durée de 639 ans, http://www.aslsp.org/de/home.html ], Jem Finer "Longplayer" (1999) [sur une durée de 1000 ans, http://longplayer.org/ , écoutez Longplayer en direct : http://longplayer.org/listen/longplayer.m3u (à lire dans VLC)], La Monte Young "Dream House" (1969) un environnement continu incluant des œuvres musicales et lumineuses de La Monte Young et Marian Zazeela [NYC 6 Harrison Street (1979-85), NYC 22nd Street (1989-90), NYC 3ème étage 275 Church Street à Manhattan depuis 1993 http://melafoundation.org/DHpressFY12.html , MAC Lyon depuis 1998 http://regenbogenstadl.de/dream-house/2 , Regenbogenstadl Polling en Bavière (2000) http://regenbogenstadl.de/dream-househttp://www.erudit.org/revue/circuit/2007/v17/n3/017595ar.pdf ]
  51. Harry Halbreich, "Cédric Dambrain - Une violence euphorique", In "Beyond - Essais et Documents", Bruxelles, Ars Musica, 2009, p. 10. — Selon Pierre-Albert Castanet peuvent se rattacher aussi à ce mouvement : Claire-Mélanie Sinnhuber, Valério Murat, Dimitri Kourlianski, Vassos Nicolaou, Sébastien Gaxie, Yann Robin, et en extension Colin Roche et Francesco Filidei.
  52. écouterécouterécouterécouterécouterécouter
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  56. Inspirée du hard rock et du heavy-métal, où la saturation sonore est due à celle d’un amplificateur et des enceintes acoustiques qui lui sont associées, la saturation dans le domaine de la musique contemporaine répond à un besoin de radicalité et un désir de transgression. Cette esthétique est née au tournant des années 2000-2010 de l’imagination de compositeurs passés par la Villa Médicis. Elle donne à la matière sonore une rugosité fondamentale, en puisant dans ce qui, dans le son, est tabou au point que les musiciens s’efforcent généralement de le gommer mai qui, contrôlé avec art, devient énergie pure. — (Bruno Serrou, http://brunoserrou.blogspot.fr/2013/02/le-4e-festival-controtempo-vient-de.html )
  57. écouterécouterécouterécouterécouter
  58. « Essayez d’imaginer une musique qui a perdu l’élément sonore. Ce qui reste est murmure, squelette, mais riche en sons presque mécaniques créés par les mains qui touchent et caressent les instruments. Telle est la musique de Filidei. Son style très personnel est sans compromis et au fil des ans elle se fait plus austère. En dépit de la sphère apparemment limitée du genre de bruits qu’il utilise, ses œuvres respirent et gagnent en plénitude. » (Salvatore Sciarrino) — « Ce travail sur l’absence du son est pour moi comme un carême, car l’expérience naît des bornes que je me fixe. Nul ne sait quand naît un son. Je cherche les prémices de sa gésine pour comprendre son origine, ce qui me conduit à m’interroger sur ma propre naissance. » Préoccupé par le son et sa genèse, Filidei est allé jusqu’à concevoir des pièces nécessitant une audition avec des bouchons dans les oreilles pour susciter l’écoute intérieure. Sa première pièce d’orchestre consistait à tourner les pages des partitions. — « Ma musique n’est pas à écouter mais pour écouter. Si je claque mes mains, je mets l’auditeur en situation d’attente, donc d’écoute. Mais la plupart des gens appréhendent l’inconnu, n’aimant pas être déstabilisés. La société ne peut être fondée sur l’inconnu, qui suscite la peur du vide. D’où l’omniprésence de la musique d’ameublement. Or, cette musique est très fasciste car elle empêche de parler. Ne pas parler pendant un concert classique tient du respect, mais là, c’est une question de dB, qui, en outre, détruit l’oreille. C’est une drogue. » — écouterécouterécouter
  59. « Audiences were at best baffled, at worst annoyed. "The Merce Cunningham Dance Company may be accused of assault and battery on the senses but [they] leave some interesting bruises," wrote Barbara Levy in the Chicago Sun-Times. Composer John Cage put together a great deal of noise which never quite reached the definition of music. He, along with a battery of technicians, manned cameras and mixers to create constantly shifting images on stage... Nothing discernable remained the same except for the constantly exquisite use of extended and contracted bodies leaping, falling and edging through the special reality set by the stage. John Hinterberger, reviewing the production for the Seattle Times, was far less generous. "The Merce Cunningham Dance company demonstrated before a full house at the Center Playhouse last night that eight people can baffle, confuse and annoy 800 others and—as long as the 800 paid for the privilege—get away alive." Clearly outraged, Hinterberger had nothing positive to say about the entire evening: "Cunningham's group incorporates the artistic premise that today's world is unartistic, pointless, full of noise, ugly, absurd and full of conventional human gestures anyway. So his dancers proceed... to gyrate to electronic noises, screeches, grunts and banging boiler pipes until each formless number ends." Hinterberger focused his greatest ire on the uncomfortably loud volume, noting that several elderly spectators scrambled to turn off their hearing aids, while others sat with fingers in their ears. Labeling the production "obscurantism," he fumed that such works "hide lack of design... And noise is noise, nothing else." Though the dancers were somewhat protected, since they were behind the loudspeakers, some of them also resented the sonic assault on the audience. "We worked so hard and then the musicians made it so difficult," says Dilley [one of the dancers]. The troupe of seven dancers, the antennas, the photocells, and the sound equipment went along on all of these tours, but in most cases Cage and Tudor comprised the entire composer-performer team, working all of the sound sources as well as the mixer controls. Tudor was the likely cause of the assault on eardrums. Emmons suggests that he took delight in "teasing" Cage by turning up the volume. » — (Lea E. Miller, "Cage, Cunningham, and Collaborators: The Odyssey of Variations V", The Musical Quarterly 85(3), Fall 2001, pp. 545-567. — http://music.ucscarts.com/sites/default/files/Variations%20V.pdf )
  60. http://www.fondation-langlois.org/html/f/page.php?NumPage=294http://www.fondation-langlois.org/flash/f/index.php?NumPage=571http://www.olats.org/pionniers/pp/eat/9evenings.php
  61. MICHAUD-PRADEILLES Catherine, "L'Organologie", Collection Que Sais-Je?, Paris : Presses Universitaires de France, 1983, p. 5.
  62. Comme dans certains passages de la "Symphonie Fantastique" de Berlioz. Les membres des orchestres symphoniques seraient exposés tous les jours à des seuils sonores variant de 81 à 91 décibels et plus, ce qui est variable en fonction de la position de l'instrumentiste dans l'orchestre, alors qu’il est interdit de dépasser le seuil des 87 décibels en France dans le cadre du travail.
  63. Décret 2007-1467 2007-10-12 JORF 16 octobre 2007 — Article R571-26 — En aucun endroit, accessible au public, de ces établissements ou locaux, le niveau de pression acoustique ne doit dépasser 105 dB (A) en niveau moyen et 120 dB en niveau de crête, dans les conditions de mesurage prévues par arrêté.
  64. http://www.bruitparif.fr/sites/forum-des-acteurs.bruitparif.fr/files/ressources/L%C3%A9on%20Thiery%20-%20Rapport%20Estimation%20du%20risque%20auditif%20attribuable%20%C3%A0%20la%20musique%20pour%20les%20professionnels%20-%202004.pdf
  65. http://www.ems-network.org/ems08/papers/pires.pdf
  66. http://referentiel.nouvelobs.com/archives_pdf/OBS0682_19771205/OBS0682_19771205_102.pdf
  67. http://referentiel.nouvelobs.com/archives_pdf/OBS0499_19740601/OBS0499_19740601_074.pdf
  68. In Christian Merlin, "Au Cœur de l'Orchestre" [1986], Préface de Riccardo Muti, Paris : Éd. Fayard, 2012) — http://www.guardian.co.uk/music/2008/apr/09/art.germanyhttp://www.forbes.com/2008/11/11/europe-noise-regulation-oped-cx_jfl_gap_1111laursonpieler.html
  69. « You know one of the first good reviews of my music was from Louis Andriessen,and he loves loudness too! I love to play loudly myself, I don't just ask others to do it. But also it's to do with the way we listen. We musicians always compare things, in a way we are the worst listeners, always saying when we hear something, ‘Ah, yes, that reminds me of...' But if I play really loud it shocks you, you stop thinking and comparing and really listen. There is such a stale atmosphere in new music world, that's why I have always found improvisation attractive. Derek Bailey, Anthony Braxton, Evan Parker, these were the people I really admired. Free improvisation creates a special intensity, something hot and molten like lava. I use written notation as a way of achieving a similar intensity by a different route. » — (Dror Feiler, Entretiens avec Ivan Hewett, 2008.) — http://www.hcmf.co.uk/Being-avantegarde-is-normalhttp://www.tochnit-aleph.com/drorfeiler/
  70. « My music is a flow of sounds, noises, forces, it develops to a point where it goes beyond itself. The speed with which different sound elements follow each other, and the density with which they superimpose vertically, are so great that a sort of overload occurs, one which transcends the restlessness of arousal, like a film run through at a too hight speed. [...] The intuitive molten metal brutality of the music brings the player into the energy of a hot improvisation. A new music is created, a new speed of thinking and feeling where the intellect meets the manic raver. We experience an energy born of rapid movement, sound, noise, flow and expression. The music does something palpable to its listeners, or at least incites them to a form of action, of awakening. The most immediate audible characteristic of my music is its noisiness. Abrasive, loud, fast. [...] My music uses "noise" that is "noise in itself" but noise, in this connotation, is not simply a haphazard or natural sound, the audible "background" that encroaches on a work such as Cage's 4'33, as the audience is forced by the tacit piano to listen to its own shufflings, or to the urban soundscapes that emerge through an open window. It is a noise that is always impure, tainted, derivative and, in the Romantic sense of the term. [...] The abrasive raucousness in the music is an attempt to alter how people hear.
    Noise, as sound out of its familiar context, is confrontational, affective and transformative. It has shock value, and defamiliarizes the listener who expects from music an easy fluency, a secure familiarity (it can be a "modern" one), or any sort of mollification. Noise, that is, politicizes the aural environment. [...] [T]he music demands from the very beginning active and concentrated listening, the most acute attention to simultaneous multiplicity of movement, forces and expression, the renunciation of the customary crutches of listening which always knows what to expect and the intensive perception of the unique, the specific and the general. The more the music gives to listeners, the less it offers them. It requires the listener spontaneously to compose its inner movement and demands of him not mere contemplation but praxis. » — (Dror Feiler, "About my music and noise", 1998.) — http://www.tochnit-aleph.com/drorfeiler/aboutmymusic.html
  71. FORTIER Denis, "Les Mondes Sonores", Collection Explora, Paris: Presses Pocket, 1992, p. 15
  72. http://www.blog.sami-aldeeb.com/2012/07/31/ramadan-le-volume-des-haut-parleurs-des-mosquees-suscite-le-debat/
  73. FORTIER Denis, op. cit., p. 16.
  74. La mesure par dosimétrie (ou avec un exposimètre) combine plusieurs paramètres (distance, fréquences, intensité, durée d'exposition, etc.). "On peut très bien être dans une discothèque ou un concert à 15 ou 20 mètres de la façade si au bout d'une heure par exemple on fait une pause (toilettes, cigarettes ou autre) de 10 ou 15 minutes ; cela peut suffire à l'oreille pour récupérer. Il suffit que le cil s'arrête de vibrer quelques instants, qu'il récupère son élasticité, que l'échauffement s'arrête pour qu'il ne casse pas. Ainsi la durée d'exposition est aussi importante que la distance, et on peut combiner les deux. — (Areski Sadi, "L’audition un sens vital à protéger", « L'Écoute », Rencontre professionnelle, 23 janvier 2008 - Vandoeuvre-lès-Nancy — http://www.onda.fr/_fichiers/documents/fichiers/fichier_34_fr.pdf
  75. http://x-traonline.org/issues/volume-14/number-3/aesthetics-of-repetition-a-case-for-oscar-masotta/ — The work was "7", from "The Tortoise, His Dreams and Journeys", by La Monte Young. — écouter — Performed by The Theatre of Eternal Music: La Monte Young, Terry Riley, voices; Marian Zazeela, voice, light projection design; Tony Conrad, violin; Marvin Carpenter, David Hayes, Jim Kirker, projectionists; February 24, 25, 26, and 27, 1966, at Larry Poons’s The Four Heavens, 295 Church Street, New York, NY. According to Young, “this was not a ‘happening’ but a series of music and light concert performances” (email correspondence with the editors, November 7, 2011).
  76. http://www.nytimes.com/1993/01/12/arts/review-music-la-monte-young-band-explores-sonic-space.html
  77. http://www.straebel.de/praxis/text/pdf-OrganisedSound_Niblock.pdf
  78. http://www.rhyschatham.net/nintiesRCwebsite/Recent_Interview.html
  79. « A simple triad when played by a loudly amplified instrument can almost become a cluster at times. A cluster becomes a sheet of sheer white noise - there is no room for anything else. » (BRANCA Glenn, Interview par Brian Duguid) — http://media.hyperreal.org/zines/est/intervs/branca.html — Pour prolonger : « Rock My Religion » de Dan Graham, http://vimeo.com/8796242 (avec des extraits des musiques de Glenn Branca) — http://www.hartzine.com/glenn-branca-linterview/ http://www.the-drone.com/magazine/glenn-branca-interview/
  80. « In Japan, the Noise audience looks very normal. I think most of them are middle-class salary men. Recently, we have more young, underground music types coming to a show. In the early days, the reaction was nothing. People thought that the music was just too difficult and loud. Recently, more people know how to comprehend my music. Many people have said they could get into a trance from the music. This is a better way of understanding Merzbow. » — (AKITA Masami, interview par Chad Hensley, In EsoTerra #8, 1999 — http://www.esoterra.org/merzbow.htmhttp://www.15questions.net/interview/fifteen-questions-merzbow/page-1/http://www.furious.com/perfect/merzbow.html
  81. JANKÉLÉVITCH Vladimir, Op. cit.. p. 55.
  82. JANKÉLÉVITCH Vladimir, Op. cit., p. 56.
  83. RUSSO Mary & WARNER Daniel, "Rough Music, Futurims, and Postpunk Industrial Noise Bands" [1988], In Discourse: Journal for Theoretical Studies in Media and Culture: Vol. 10: Iss. 1, Article 3 ; et aussi : In COX Christoph (2004). Audio Culture. London: Continuum. pp. 47–48. — THOMPSON, E. P. (1992). "Rough Music Reconsidered", In Folklore 103: pp. 3–26. ; version française : Thompson Edward P. « Rough Music » : le charivari anglais. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 27e année, N. 2, 1972. pp. 285-312. Téléchargeable : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1972_num_27_2_422501http://www.notbored.org/rough-music.html
  84. MARCEL–DUBOIS, Claudie, "Fêtes villageoises et vacarmes cérémoniels ou une musique et son contraire", Les fêtes de la renaissance, Paris, Ed. CNRS, 1975, pp. 603/615.
  85. et non pas de se baser sur des représentations du monde et sur les effets de ceux-ci dans nos conduites (auditives, sonores) dans le monde.







   
   
   
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